Par Mordekhai Kedar
La réponse principale fondamentale est que les deux organisations palestiniennes principales, l’Organisation de libération de la Palestine, l’OLP, et le mouvement de refus islamique, le Hamas, ne peuvent pas donc ne veulent pas d’un accord qui donnerait à Israël la légitimité de son existence comme État du peuple juif. La principale considération de l’OLP est nationale, elle affirme que la « Falestine » n’appartient qu’à la nation arabe et au peuple palestinien car il s’agit d’une partie indissociable du Moyen-Orient arabe. Il est donc impossible pour la Nation arabe et le Peuple palestinien de renoncer à un territoire d’autant plus que selon l’approche arabe, les Juifs ne sont pas une nation mais appartiennent à toutes les nations du monde d’où ils sont arrivés au cours des 130 dernières années.
Le Hamas s’oppose à l’existence même de l’État d’Israël dans une perspective islamique religieuse qui prétend que le judaïsme est nul (« Din Btl »), les Juifs ont été exilés par Allah et doivent rester en exil jusqu’au jour où il se convertiront à l’islam. Selon l’approche islamique la terre de Palestine est sacrée et elle doit rester sous les ailes de l’islam à jamais, il est impossible qu’elle passe à une autre religion qui a perdu sa validité.
En outre, selon l’Islam, les Juifs doivent vivre sous les ailes de l’islam en tant que « dhimmis » (Ohel Dima) sans aucun droit à un État, à la souveraineté, à un gouvernement, à une armée ou à une police. Par conséquent, selon cette approche islamique, l’accord de Trump ne peut être accepté car il accorde à Israël le droit d’exister en tant qu’État du Peuple juif.
Aux yeux des Arabes palestiniens, Trump s’est disqualifié du droit d’exprimer une opinion sur le conflit à partir du moment où il a adopté une position pro-israélienne et anti-palestinienne sur les deux points cruciaux du narratif palestinien : Jérusalem et les « réfugiés ».
Pour l’OLP et le Hamas, Jérusalem-Est, y compris le Mont du Temple, doit être leur capitale, même si elle n’a jamais été la capitale d’aucun État arabe ou musulman, dans le seul but que Jérusalem n’appartienne pas à l’État d’Israël.
Ils réclament Jérusalem parce qu’ils comprennent que sans « Sion »(un des noms de Jérusalem), il n’y a pas de « sionisme » et que le moyen le plus sûr d’acculer les juifs au désespoir est de leur enlever leur capitale historique. Eux-mêmes et leurs alliés arabes et musulmans consacrent des millions de dollars à l’effort visant à accentuer le rôle central de Jérusalem dans la lutte contre Israël, car la plupart des pays du monde ne reconnaissent toujours pas Jérusalem comme la capitale d’Israël ou comme partie de son territoire souverain. Par conséquent Jérusalem est le « maillon faible » vulnérable qu’il est possible de vaincre en frappant sans fin jour et nuit. Lorsque Trump a reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël, légitimant l’existence même de l’État du Peuple juif, il s’est disqualifié comme médiateur honnête aux yeux des Palestiniens, des Arabes et des Musulmans.
Un autre problème douloureux est la question des réfugiés palestiniens depuis 1948. Elle est au cœur des préoccupations des réfugiés qui rêvent de retourner vivre en Israël et non pas dans un État palestinien. Le fait que beaucoup d’entre eux ne soit pas d’origine palestinienne n’est pas important à leurs yeux car les États Arabes, l’OLP, le Hamas, les organisations internationales telles que l’UNRWA et les pays qui les ont financés pendant toutes ces années ont entretenu l’espoir des réfugiés de retourner dans leurs maisons et villages qui n’existent plus. Le fait d’être réfugié est au cœur de la conscience palestinienne. Trump en osant réduire le soutien américain à leurs illusions a perdu toute légitimité à leurs yeux.
Un autre défaut majeur de « l’accord du siècle » est que cet accord implique d’autres parties arabes, telles que l’Égypte, la Jordanie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. C’est totalement inacceptable pour les porte-parole palestiniens puisqu’Arafat avait déterminé la règle de « l’indépendance de la décision palestinienne », c’est à dire que les Palestiniens sont les seuls à pouvoir décider de leur sort et de leur avenir. Arafat s’est donc opposé aux accords de Camp David entre Begin et Sadate (1978), qui ont été conclus sous les fortes pressions du président Jimmy Carter. Les Palestiniens s’opposent par principe à toute ingérence arabe dans leurs affaires – et évidemment à ce que leurs affaires fassent l’objet d’un accord entre l’Egypte et Israël. Ils ont vu Sadate comme un traître à la cause palestinienne parce qu’il accordait la paix à Israël sans résoudre le problème palestinien selon leurs voeux.
L’accord du siècle de Trump implique d’autres pays et les Palestiniens craignent de créer une situation dans laquelle Israël et des pays-tiers s’accordent sur une solution à laquelle les Palestiniens s’opposent, renforçant ainsi la position d’Israël dans le monde arabe. Cela pourrait donner lieu à des relations entre Israël et ces États, dans le but d’isoler les Palestiniens récalcitrants et de les inciter à accepter de signer des actes contraires à leurs intérêts et à leurs positions.
On sait maintenant que le gouvernement Trump prépare une conférence à Bahreïn qui traitera des aspects économiques de « l’Accord du siècle ». Les porte-parole de l’OLP sont furieux car, à leur avis, traiter la question économique avant de résoudre tous les autres problèmes comme Jérusalem, les réfugiés, les frontières, les colonies juives en Judée-Samarie, l’eau et la souveraineté est le résultat de la conception américaine selon laquelle l’argent, le travail et le développement économique peuvent tout résoudre. Selon eux, tous les problèmes qui ne sont pas encore traités doivent être résolus de manière satisfaisante avant de traiter des questions économiques. Ils se réfèrent à ces problèmes en les appelant des axiomes qui ne peuvent être ni contournés ni résolus par des moyens économiques.
Il est important de rappeler que derrière le Hamas et le Jihad Islamique il y a l’Iran qui s’oppose à tout accord mettant fin à la lutte contre Israël et qui enflamme la situation avec Israël chaque fois que l’envie lui en prend. En Israël il n’y a aucun désir populaire ou politique d’engager des pourparlers de paix tant que des missiles sont tirés sur Israël depuis Gaza. C’est ainsi que ces deux organisations ont le pouvoir d’empêcher tout progrès dans les négociations de « l’Accord du siècle » dont les chances de succès sont faibles.
Même si le gouvernement israélien et ses citoyens acceptent cet accord, cet acte n’aura que peu d’importance, car la probabilité que la partie palestinienne l’accepte est minime. Néanmoins, il est extrêmement important qu’Israël s’abstienne d’annoncer toute concession territoriale ou autre jusqu’à ce que l’autre partie signe un accord de paix permanent et mette fin à ses revendications contre Israël. Même si cet accord n’aboutit jamais, toutes les concessions unilatérales israéliennes seront consignées et rappelées à jamais et considérées comme la base de futures négociations.
Cela signifie que « l’Accord du siècle » finira probablement avec les autres plans de paix, rangés au fond d’un placard poussiéreux malgré les bonnes intentions de ceux qui les ont suggérés depuis le Plan de partition de 1947 jusqu’à aujourd’hui.
Un verset du Coran dit: « Allah est avec ceux qui sont patients », les voisins d’Israël ont beaucoup de patience. Ils sont prêts à attendre et attendre jusqu’à ce qu’ils aient l’occasion de détruire Israël, alors pourquoi se donner la peine de lui accorder la paix ?
Adapté de l’hébreu par ©www.danilette.com
Le Professeur Kedar enseigne dans le département d’arabe de l’université Bar-Ilan et chercheur associé au Centre Begin-Sadate d’Etudes Stratégiques. Il a servi dans les Forces de Défense d’Israël 25 ans en tant que spécialiste du monde islamique et de la société palestinienne. Il participe régulièrement à des échanges et débats en arabe avec des partenaires du monde arabe.