Le procès d’Abdelkader Merah, jugé pour « complicité d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste », se déroule à Paris depuis le 2 octobre dans une atmosphère délétère. Pierre Lasry, président des parents d’élèves d’Ozar Hathorah au moment des faits et partie civile, juge sévèrement le procès.
Actualité Juive : « On ne peut pas faire pire », avez-vous déclaré aux médias à propos de ce procès. Pourquoi ?
Pierre Lasry : D’abord, il est aberrant que ce procès se déroule à Paris. Les actes évoqués se sont déroulés majoritairement à Toulouse. Il fallait que le procès reste ici. Près de 150 familles ne peuvent s’y rendre, faute de moyens. Ils ne peuvent pas assister, pas voir les accusés. C’est un comble ! Ensuite, le fait que le procès ne soit pas filmé est une autre aberration. Le juge a répondu très rapidement que ce procès n’avait « pas de caractère historique suffisant ». C’est une ineptie. Il aurait dû autoriser l’enregistrement, dans le doute, et juger après de sa diffusion ou pas.
A.J. : Depuis le début de ce procès que vous suivez de très près, des éléments vous ont-ils particulièrement intéressé ?
P.L. : Ce procès se déroule comme du théâtre, mais dont on ne voit pas les principaux acteurs – l’assassin et les victimes. Ce qui est scandaleux aussi, c’est la volonté des médias d’équilibrer les témoignages. Cela déséquilibre la recherche de la vérité. Cinq minutes pour la mère de Mérah, cinq minutes pour Latifa (la mère du soldat Imad Ibn Ziaten, ndlr), c’est profondément injuste.
A.J.: M. Sandler dit qu’il ne faut pas prononcer le nom de l’assassin, qu’il ne faut pas lui faire cet honneur. Qu’en pensez-vous ?
P.L. : Le CRIF dit la même chose. Je pense qu’ils ont raison bien que je n’arrive pas à le faire moi-même. J’ai aussi entendu un policier affirmer que le tueur était un « loup solitaire ». Mais on sait qu’il n’a pas agi seul. On sait qu’il a vu son frère la veille. Avec des phrases comme ça, on se défend contre la réalité. Manuel Valls nous a dit en off qu’il existe près de 10 000 Mohamed Merah potentiels à Toulouse. Il exagère peut-être, mais leur existence est certaine.
A.J. : Pensez-vous que ce procès sera utile ?
P.L. : J’ai surtout des inquiétudes à cause de sa délocalisation et de l’absence d’images filmées. Les enfants d’Ozar Hathorah ont besoin de ce procès comme une étape dans leur reconstruction. Il aurait dû servir comme une reconnaissance de leur traumatisme. Mais il n’y a pas de pédagogie de la justice. De l’autre côté, les jeunes qui se radicalisent, ceux qui prennent cet assassin et ses complices comme des héros ne sont pas dérangés. Un des rôles du procès aurait été de démythifier ces personnes-là. En attendant, la presse écrite joue son rôle. Quoi qu’en pensent les juges, ces événements constituent le 11 septembre du terrorisme européen.
Source www.actuj.com