Richard PRASQUIER – Desinfos
Eric Zemmour a déclaré que Pétain avait sauvé les Juifs français, notamment sur C News en octobre 2019. La 17e chambre l’a relaxé, ce qui signifie qu’elle ne considère pas que ces propos constituent une contestation de crime contre l’humanité : de fait, il n’a jamais nié la réalité de l’extermination. Mais cette relaxe n’implique pas que ses propos soient vrais.
Plus de 80% des Juifs déportés de France ont été arrêtés par les forces de l’ordre de l’Etat français dont Pétain était le chef.
D’après Serge Klarsfeld, 1/3 des 75000 Juifs déportés étaient de nationalité française. Donc Pétain n’a pas sauvé « les » Juifs français.
Les chiffres, dit le polémiste, « parlent d’eux-mêmes. 40% des Juifs étrangers ont été déportés contre 10% seulement des Juifs français ». Le pourcentage réel des Juifs français déportés est de 17%. Pour arriver à 10% Zemmour retire la nationalité française aux enfants nés en France, français par le droit du sol, et d’ailleurs répertoriés comme tels même dans le recensement de 1940.
Dans notre morale, la présence de ces enfants aurait dû interdire d’expulser leurs parents. Pour Vichy c’était un bénéfice d’image que de se débarrasser des Juifs étrangers et déporter leurs enfants, français ou pas, était un bénéfice secondaire puisque l’Etat n’aurait pas à s’en occuper. Quant à leur sort, même si en juillet 42 on ignorait l’extermination industrielle, on pouvait imaginer qu’il serait dramatique, mais jusqu’à la fin de la guerre, Vichy s’est lavé les mains de l’avenir des Juifs qu’il déportait.
Souvent, les Juifs étrangers avaient des noms bizarres, ne parlaient pas bien le Français. Ils avaient moins de ressources et moins de réseaux de connaissances dans la France profonde : ils avaient donc moins de chances de se sauver.
Mais il est absolument vrai que Vichy distinguait entre les « vieux Juifs français » et les nouveaux arrivés, venus d’Europe centrale ou fuyant le nazisme. Pour des racistes, cette distinction xénophobe était absurde : un Juif était d’autant plus dangereux qu’il paraissait mieux intégré et qu’il était difficile à dépister. Mais les avantages que les nazis trouvaient à faire faire les rafles par la police française expliquent qu’ils aient accepté de signer les honteux accords Bousquet, que Vichy a fait passer comme une victoire de la souveraineté française.
Les Français juifs, en tant que groupe ont ainsi gagné du temps, d’autant plus que en 1943 Vichy a rechigné à dénaturaliser en masse les Juifs devenus français depuis 1927. Cependant, dès septembre 42 des convois partaient de Drancy avec certains Juifs français. En janvier 1944, toute distinction était abandonnée et la grande majorité des Juifs déportés furent désormais français.
Par son exceptionnel prestige dans l’opinion, si Pétain s’était opposé à la déportation, les objectifs des nazis auraient été très difficiles à réaliser en raison de la faiblesse de leurs effectifs. Mais la déportation des Juifs n’était qu’un des éléments du marchandage permanent avec les occupants, marchandage qui s’est toujours soldé par un échec pour Vichy.
La remarquable biographie de Bénédicte Vergez Chaignon montre la duplicité de Pétain, son égoïsme et son auto-contentement.
Comme d’autres responsables des pires crimes contre les Juifs, il n’était pas connu comme antisémite et avait même signé une pétition contre la Nuit de Cristal, deux ans avant ce Statut des Juifs dans lequel lui-même a aggravé le projet initial.
Il voulait notamment éliminer les Juifs de l’éducation, l’une de ses idées fixes était que la défaite était due à la baisse de la valeur morale du pays. Outre les Juifs, il rendait responsables de cette défaite les Francs Maçons, les instituteurs pacifistes et marxistes et les parlementaires mais évidemment pas les militaires eux-mêmes….
Jeune officier, il semble que la seule conclusion qu’il ait tiré de l’affaire Dreyfus, sur laquelle il ne s’est jamais exprimé alors qu’il l’avait suivie de très près, était que la défense du capitaine avait entrainé des désordres dans l’armée et que les Juifs en étaient les auteurs. Plus tard, il y eut Leon Blum et le Front populaire….
Pétain s’est convaincu que faire des Juifs des sujets de seconde catégorie allait restaurer la grandeur de la France.
Le statut des Juifs fut passé dans l’indifférence générale.
Les idées les plus absurdes trouvent à s’incruster quand elles sont portées par une vague protestataire, et le pathétique besoin de croire met au pinacle des personnages providentiels.
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Hier et peut-être encore aujourd’hui…