Pessa’h arrive !

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Ça y est, Pessa’h arrive, et bien sûr tout le monde pense immédiatement  « nettoyage, courses, cuisine, séder »…

La chasse au ‘hamets commence, les balais, aspirateurs et autres torchons sont fin prêts à leurs postes…

Rappelons les faits !

La Tora interdit à Pessa’h à la fois de consommer, de tirer profit et de posséder du ‘hamets. Comment faire pour ne pas en posséder ? Très simple ! Il suffit de nettoyer la maison afin de la débarrasser de toutes traces de cette sorte !

Mais, joie et bonheur, la lecture attentive des journaux communautaires nous laisse entrevoir une lueur d’espoir… Si notre compte en banque nous le permet, s’offre à nous la possibilité de passer un Pessa’h en vacances, dans des cadres les plus divers et variés. EXIT le nettoyage, il va nous suffire d’effectuer la vente du ‘hamets de notre appartement pour être le plus légalement du monde débarrassé de notre ‘hamets, pendant toute la durée de la fête.

Serait-ce à dire qu’il n’y a plus lieu d’effectuer un quelconque nettoyage ?

Nous saproduit de nettoyagevons que la Tora en nous donnant l’obligation de faire disparaître le ‘hamets pendant toute la fête, cherche, entre autres, à nous apprendre que le symbole de ce que représente le ‘hamets, l’orgueil, doit être complètement extirpé de nos cœurs ; il ne peut y avoir une once de ce défaut qui est l’expression même du déni de D’. L’orgueilleux ne peut, de par sa nature profonde, se plier et se soumettre à son Créateur, comme le dit le texte : « Le Moi (de D’) et son moi (à l’orgueilleux) ne peuvent pas coexister » (Sota 5a).

Nous savons tous que cette pâte qui monte et qui va devenir ‘hamets, représente aussi toute la problématique du paraître, de cet individu complètement vide et qui n’est que dans une représentation permanente ; cette pâte qui semble si volumineuse mais qui n’est au fond que remplie d’air ; créant l’illusion pour les autres, mais aussi, et c’est bien plus grave, pour celui qui s’imagine au bout d’un moment être réellement à l’image qu’il propose de lui-même.

Rappelons-nous de cet enseignement de nos Sages qui nous enjoint de ne pas mentir, aux autres, à D’, mais surtout à nous-mêmes.

S’il est vrai que nous ne sommes jamais, dans notre réalité intérieure, totalement à l’image de que nous présentons aux autres, être conscient de cette réalité nous permet de ne pas tomber dans ce piège, dont le danger le plus grand est l’arrêt de toute forme d’évolution personnelle. Rester figé dans notre posture spirituelle, dans nos modes de fonctionnement au quotidien, voilà sans doute un des plus grands dangers qui nous guette.

Nous pouvons aisément comprendre la raison pour laquelle cette recherche n’est pas juste « technique », mais pourquoi elle obéit à une nécessité d’introspection renouvelée sur nous-mêmes.

MatsaLa Halakha nous enseigne qu’une pâte devient ‘hamets au bout de 18 minutes, si nous ne l’avons pas travaillée. Si nous observons cette pâte, nous ne constaterons pas de grands changements entre 17 minutes et 19 minutes, et pourtant son statut se transforme : elle devient impropre à la confection des matsoth, mais plus encore, il faut s’en débarrasser.

Il y a ici une leçon capitale, l’orgueil n’est pas nécessairement dans le domaine du visible : il peut être l’expression d’un regard méprisant sur le monde qui nous entoure, une dimension hautaine qui nous habite profondément mais qui ne s’exprime pas nécessairement dans des mots ou des attitudes. Cet orgueil est celui qui nous empêche d’être attentif à la parole de l’autre, empêtrés complètement dans les certitudes que nous avons mises en place et que rien ne peut perturber ; l’incapacité d’imaginer le bien-fondé d’une réflexion différente de la nôtre, l’impression que notre regard est LE vrai, et que l’univers entier autour de nous se fourvoie complètement. Cette dimension, qui est l’expression de la rigidité de l’être, peut se retrouver chez n’importe quel individu, quel que soit son système ; c’est ce qui va lui permettre de justifier la totalité de ces actions parfois les plus basses, comme la médisance, la délation, la violence, et ce au nom des certitudes inamovibles qu’il a créées. En détruisant l’autre, on pense être dans la vérité, et l’on regarde d’un air étonné ceux qui proposent de (re)poser un regard sur nos modes de fonctionnement. Cette attitude est d’autant plus difficile à corriger que, à l’opposé des autres interdits de la Tora qui sont explicites, même si malheureusement on peut parfois les transgresser, elle ne semble même pas en être un. Rav Israël Salanter, maître de l’école du Moussar (éthique), explique que l’individu pourra agir de cette manière et même penser que c’est une mitswa, un commandement, d’agir de la sorte. On comprend ô combien cette démarche de recherche du ‘hamets va être importante, et ce, que l’on quitte son domicile ou pas !

Au-delà de cette dimension, rappelons-nous de l’importance de l’éducation de nos enfants, plus particulièrement pendant cette fête. Toute la soirée du séder est consacrée à cette transmission, à travers le récit de la Haggada, tournant autour du questionnement de l’enfant.

La transmission ne va pas seulement se situer lors de la soirée du séder, mais aussi dans tout ce qui a trait à ses préparatifs. Si nous n’y prenons pas garde, notre enfant risque de donner un autre nom à cette fête. Pessa’h : la fête des « signatures ». Signature sur l’acte de vente de toute notre maison et du ‘hamets qui est dedans, signature du chèque pour le lieu de vacances où l’on va passer la fête ! Alors pour ne pas tomber dans ce travers, rappelons-nous de la chose suivante : il existe un principe nous enseignant que la préparation à la mitswa a plus d’importance que la mitswa elle-même (cf. Rachi Berakhoth 8b). Bien sûr, la mitswa doit être effectuée, et la préparer sans la réaliser n’aurait pas de sens, mais nos Maîtres veulent nous apprendre que l’investissement et l’effort consacrés à la mitswa va lui donner tout son cachet, et avec l’importance et l’impact nécessaires. Rappelons-nous que c’est à travers les efforts que nous consacrons aux choses, ou aux autres, que nos enfants en perçoivent la valeur. Notre degré d’investissement personnel, dans la joie, pour réaliser les commandements de Hachem, va graver chez l’enfant, surtout s’il est petit, toute la valeur et l’importance de cette mitswa.

Décider d’organiser quand même la « chasse au ‘hamets » va permettre à toute la famille de réaliser que notre rapport à la Tora n’est pas juste du domaine du folklore, mais bien plus de celui de l’effort. Ne pas vouloir choisir la solution de facilité, même si elle est autorisée, représente un choix réel dans la manière d’appréhender la vie. Nos enfants découvriront, à travers notre attitude, ce qu’est véritablement un adulte : une personne qui ne cherche pas à trouver de manière systématique des « trucs » pour ne pas être obligée de trop s’investir ! Rappelons-nous que le dépassement de nous-mêmes ne trouve pas juste sa valeur dans le résultat concret, mais avant tout dans la transformation de celui qui le met en place. En nous investissant nous-mêmes dans les  efforts – et ce même si cela ne nous semble pas techniquement nécessaire – pour chercher et éliminer le ‘hamets, nous serons amenés à nous poser la question sur l’importance de cette mitswa et à partir de cela, à la vivre avec une dimension nouvelle, porteuse de changements internes, dont le retentissement existera sûrement sur tout notre entourage

 

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