Histoire de rabbi Raphael Encaoua, né à Salé et devenu Président du haut tribunal rabbinique du Maroc et Grand rabbin du Maroc à l’époque du Protectorat.
Le 4 août prochain, les Juifs du Maroc et du monde entier se dirigeront à Salé pour célébrer la Hiloula de rabbi Rapahel Encaoua (ou Refael Enkaoua). Grand rabbin à l’époque où le royaume était sous protectorat français, il avait été nommé Chevalier de la Légion d’Honneur par la France alors qu’il occupait le poste de Président du haut tribunal rabbinique du Maroc.
Raphael Encaoua voit le jour à Salé en 1848 d’un père «israélite algérien», Mardochée Encaoua, qui deviendra français en 1865, écrivent Alcide Darras, Albert Geouffre de Lapradelle, Jean Paulin Niboyet et Henri Batiffol, auteurs de la «Revue critique de droit international privé» (volume 48, éditions Librairie du Recueil Sirey, 1959). Mais il n’aurait pas hérité la nationalité française de son père. L’ouvrage raconte comment une demande du petit fils de Raphael Encaoua sera rejetée car ce dernier «avait, en s’établissant au Maroc sans esprit de retour, perdu (…) la nationalité française qu’il tenait de son père».
Le père de l’enseignement juif moderne ?
Ayant dédié sa vie à l’apprentissage des lois judaïques, à l’enseignement et à l’écriture, le rabbi est nommé, en 1880, en tant que «Av Beth-Din de Salé, c’est-à-dire, Président du Tribunal Rabbinique de la ville en remplacement de son beau-père qui s’installe à Yeroushalaim pour y diriger la communauté sepharade», selon le portail web dédié à rabbi Raphael Encaoua. Durant toutes ses années au service, «il n’acceptera jamais de percevoir le moindre salaire [et] vit de quelques affaires financières», poursuit-on de même source.
Le juriste fondera aussi une Yeshiva à Salé. C’est aussi durant cette époque qu’il deviendra l’un des rabbins les plus connus au Maroc et ailleurs, comme décrit Michael M. Laskier dans «Alliance israélite universelle et les communautés juives du Maroc, 1862-1962» (Editions SUNY Press, 2012).
«Le rabbin en chef de la communauté, Raphaël Encoua [était] peut-être le rabbin le plus célèbre du Maroc à l’époque (…). [Il] a encouragé un enseignement professionnel moderne complet et un dialogue avec la communauté [et] s’est engagé à créer un fonds spécial de bourses destiné à placer les jeunes apprentis dans des centres de formation professionnelle à Salé.»
En 1912, le Maroc est placé sous protectorat français. Le maréchal Hubert Lyautey est alors nommé Résident général. Dans sa politique tentant de diviser les Marocains d’origine amazighe et ceux d’origine arabe, la France coloniale demande alors à la communauté juive marocaine de désigner un comité représentatif. Rabbi Raphael Encaoua se voit alors octroyer le poste de Grand rabbin du Maroc, qu’il avait pourtant refusé à maintes reprises.
Des Juifs se recueillant sur la tombe de rabbi Raphael Encaoua à Salé. / Ph. DR
Celui ayant refusé d’être nommé Grand rabbin du Maroc
Le site de la fondation Hevrat Pinto revient, ainsi, sur la réaction du rabbi suite à sa désignation par Hubert Lyautey, et qui aurait été en colère. Il s’étonne de ce choix avec ces mots : «Et qui m’a nommé Grand rabbin du Maroc, puisqu’il y a le rabbin Shlomo ben Danan à Fès et qu’il y a un Gaon à Marrakech et qu’il y a le Grand rabbin de Meknès, et à Sefrou ! Comment avez-vous pu penser à me choisir à la place de l’un de ces grands de la Tora ?» Lyautey aurait insisté, assurant que «lui seul ferait le meilleur Grand rabbin du Maroc». «S’il refuse de prendre position, le Maroc n’aura pas de grand rabbinat», aurait ajouté le Résident général de la France au Maroc.
«La stature rabbinique et juridique de rabbi Raphael Encaoua, sa droiture, son érudition phénoménale, ses liens solides avec les dirigeants du protectorat, la maison royale ainsi qu’avec les érudits musulmans de son époque, tout ceci a contribué à rehausser davantage sa gloire.»
Rabbi Raphael Encaoua décède en 1934 (ou 1935 selon les versions), laissant derrière lui un grand nombre d’ouvrages de jurisprudence en plus de plusieurs écrits sur le Talmud. «Son enterrement à Rabat est alors suivi par les plus hautes personnalités du pays», et son lieu d’enterrement deviendra, non seulement une destination de pèlerinage pour les Juifs mais un endroit visité également par les Marocains.
L’enterrement de rabbi Raphael Encaoua. / Ph. DR
C’est dans le cimetière de Salé, sur la route de Meknès, «près du Lycée Plateau que se trouve un lieu de sépulture où repose le rabbin Raphael Encaoua», écrit Alan M. Tigay dans «Le voyageur juif : Guide du magazine Hadassah sur les communautés et les sites juifs dans le monde» (Editions Incorporated, 1994).
Selon cet ouvrage, rabbi Raphael Encaoua, «connu de ses décisions semblables à celles de Salomon, repose dans un autel octogonal orné d’arabesques où sont suspendues des lumières colorées», décrivant des chandeliers et des cartes postales du rabbi qui décoreraient sa tombe.
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