Pèlerinage juif au Maroc : rabbi Ouled Ben Zmirou, de Safi la portugaise

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Du Portugal vers l’Espagne, puis de Fès vers Safi, l’histoire des Ouled Ben Zmirou diffère selon les versions. La première met en lien la chute de Grenade (1492) annonçant la fin victorieuse de la Reconquista en Espagne et l’exode de milliers de familles juives de la péninsule ibérique vers l’Afrique du Nord et notamment le Maroc.

Dans leur ouvrage «Plus grand saint des sept fils de Ben Zmirou à Safi : sur les pas de rabbi Abraham» (Editions I.m.b.h., 2005), Ibrahim Kridiya et Said Leqbi confirment ce récit, précisant que cette famille juive aurait émigré de l’Espagne vers le Portugal et puis de ce dernier pour le Maroc au XVe siècle pour fuir la répression.

La deuxième version, relayée aussi par le même ouvrage et par le média local Safi Press, raconte également l’histoire de la migration d’une famille originaire d’une région appelée «Azmirou» ou «Zmirro» que la guerre aurait rasée de la carte.

Quoi qu’il en soit, la famille Ben Zmirou arrive ainsi à Fès où elle s’installe, vers 1499. Mais, face au Mellah convoité par des milliers de familles venues d’Espagne, les Ben Zmirou finissent par choisir Safi. Le port, en plein essor, et la ville en général, bénéficiaient d’une stabilité politique, étant encore sous l’occupation portugaise.

C’est dans cette atmosphère que les Ben Zmirou étendront leur influence sur le Mellah puis tisseront des liens avec les musulmans de la ville et les Portugais contrôlant le port, le tout sur conseils d’Abraham Ben Zmirou, alors poète et philosophe.

Le sanctuaire à Safi. / Ph. DRLe sanctuaire à Safi. / Ph. DR

Les Ben Zmirou et le mythe d’une disparition légendaire

Abraham évoluera vite, grâce à sa notoriété montante, en un brillant et intelligent négociateur avec les Portugais, jouissant ainsi, avec ses frères, de plusieurs avantages, comme le monopole de la production et de la vente de grandes quantités de tissus et de laine. De plus, c’est grâce à cette nouvelle position que l’un de ses frères sera même nommé Grand rabbin de Safi, ce qui permettra à la famille de mettre la main sur les affaires religieuses et juridiques locales.

Cité par le média Safi Press, le chercheur Ibrahim Kridiya revient sur la légende de la disparition des Ben Zmirou. Il raconte que les frères (Isaac et Ismael) et fils (d’Abraham) Ben Zmirou, au nombre de sept, vivaient dans une maison disposant d’une cave. C’est au niveau de cette partie de la demeure qu’ils s’enfermaient pour réciter la Tora. La partie supérieure, elle, était habitée par un Portugais et sa concubine espagnole.

La légende raconte qu’un jour, à cause des voix résonnantes dans la cave, l’Espagnole serait descendue rompre la «Kholoua» des sept frères Ben Zmirou. Ils se seraient d’abord cachés derrière la porte, puis la terre les aurait littéralement avalés. «Plus tard, les gens, ayant oublié leur existence, trouveront une marque indiquant leur lieu d’inhumation. Les Mesfiouis battissent un lieu de prière qui se transformera en sanctuaire», poursuit le chercheur.

Le sanctuaire des Ben Zmirou. / Ph. MarocopediaLe sanctuaire des Ben Zmirou. / Ph. Marocopedia

Le sanctuaire deviendra un haut lieu juif au sein de Safi, visité annuellement par des Juifs et des musulmans. «Le terrain qui entoure le tombeau est parsemé de rochers. Les Juifs les blanchissent à la chaux et y brûlent des cierges. Les pèlerins pensent que, dans le passé, ce lieu servait de cimetière», écrit Ibtissam Haddaji, chercheuse à la Faculté des lettres et des sciences humaines Marrakech.

Une hiloula spéciale qui dure deux jours et une nuit

De nos jours, le sanctuaire s’étend sur 8 000 mètres carrés. «L’ensemble comprend une porte antique, une synagogue et un espace rassemblant les sept saints. Dans cet espace, 27 mémoriaux ont été placés, chacun représentant un saint juif», a rapporté L’Economiste en 2005. Même pour ce sanctuaire, les légendes ne manquent pas.

Dans son ouvrage «Histoire de la province de Safi : de l’Antiquité à l’époque contemporaine» (éd. Fondation Doukkala-Abda pour la culture et le développement, 2000), Muhammad Asʻad cite l’un des livres de Louis Voinot où l’écrivain français met en lien les frères Ben Zmirou et la guérison des déments. On doit aussi à Ben Zmirou la guérison d’un enfant souffrant d’un handicap, abandonné par sa maman, et qui deviendrait, à son tour, un guérisseur grâce à la Baraka des Ben Zmirou.

Le mausolée est situé à l'extérieur des remparts portugais de Safi. / Ph. DRLe mausolée est situé à l’extérieur des remparts portugais de Safi. / Ph. DR

Une baraka convoitée par les Juifs du monde entier qui viennent annuellement, chaque 13 av, coïncidant avec le mois d’août, pour célébrer la Hiloula des Ben Zmirou. Le premier jour, il serait interdit d’allumer du feu avant la prière et l’ouverture d’enchères sur la clé de la porte du sanctuaire et même sur les bougies, de couleur bleue, que les fidèles utiliseront la nuit du premier jour. Celui-ci est marqué l’allumage d’un feu, suivi de chants religieux.

Source https://www.yabiladi.com/articles/details/83308/pelerinage-juif-maroc-ouled-zmirou.html

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