C’est au cimetière israélite de Tanger que repose son corps. Rabbi Mordekhaï (ou Mordekhaï) Bengio est né en 1827 d’une longue lignée de tsadikkim. Il est le petit-fils de Moché Bengio, rabbin notaire de Tanger qui «s’allia avec une des autres grandes familles de la ville et succéda à son beau-père Abraham Toledano au Grand rabbinat de la ville en 1833», raconte Joseph Tolédano dans «La saga des familles : Les juifs du Maroc et leur noms» (Editions Stavit, 1983).
Fils de Joseph Bengio, rabbi Mordekhaï Bengio est élu en 1853, dès l’âge de vingt-huit ans, au poste considéré comme le saint graal de toute la communauté après le décès de son grand-père, atteint de la peste, rapporte-t-on dans Encyclopédie des Juifs dans le monde islamique.
Rabbi Mordekhaï Bengio va remplir la fonction de Grand rabbinat jusqu’à sa mort en 1917. « Très aimé et respecté, il se rendit célèbre par son intégrité. Grande autorité rabbinique, il fut consulté par de nombreux rabbins du Maroc et de l’étranger», rapporte-t-on dans un article de Discovering Tangier.
Un rabbin réformateur
Le rabbin, connu par plusieurs de ses réformes, «dirigea spirituellement la communauté de Tanger et présida le Tribunal Rabbinique et la Yechiva de cette ville pendant 62 ans, ayant acquis un très grand ascendant moral sur ses coreligionnaires», poursuit-on.
Le cimetière israélite de Tanger. / Ph. Latifa Babas – Yabiladi
Rabbi Mordekhaï Bengio est en effet célèbre pour sa réforme du «conseil de gouvernement de la communauté, le Maamad». Il serait celui ayant «instauré une mesure de la démocratie sur des questions non religieuses» au sein de la communauté juive à l’époque. C’est aussi lui qui aurait organisé les premières élections communales des membres du Maamad, le 9 mai 1853.
La communauté juive marocaine de Tanger doit aussi à cette personnalité l’ouverture d’écoles communales. En effet, dans «Alliance Israelite Universelle and the Jewish Communities of Morocco, 1862-1962» (Editions Suny Press, 2012), Michael M. Laskier raconte comment «l’attitude des dirigeants juifs de Tanger à l’égard de l’Alliance israélite universelle a profondément changé au cours des années suivantes».
«En 1899, Mordekhaï Bengio, alors chef du rabbin, a inspiré le directeur de l’école des garçons, Abraham Ribbi, qui, grâce à l’AIU, a permis à ces jeunes d’obtenir un emploi commercial et administratif lucratif. De plus, Bengio a reconnu que les projets séculaires, comme les projets sacrés, devaient être enseignés dans les écoles.»
Le cimetière israélite de Tanger. / Ph. Latifa Babas – YabiladiLe cimetière israélite de Tanger. / Ph. Latifa Babas – Yabiladi
Le fondateur de la synagogue Etz-Hayim
Pour rabbi Mordekhaï Bengio, les deux formations peuvent occuper une place de choix, «car l’énergie qu’ils prennent tous les deux garde le péché loin de l’esprit» des jeunes apprentis. Il est né à Tanger, et est aussi connu pour son «sermon enflammé sur la morale», à en croire Gharipour Mohammad, auteur de «Sacred Precincts : The Religious Architecture of Non-Muslim Communities Across the Islamic World» (Editions Brill, 2014). Selon lui, c’est lorsque des enfants juifs avaient harcelé l’ambassadeur britannique dans la rue, frappant son cheval avec des bâtons, que le Grand rabbin Mordekhaï Bengio avait soutenu que les pères seraient tenus pour responsables de leurs enfants et que les coupables seraient punis. Une punition qui visera même «si le père avait une protection diplomatique», avait-il juré.
«Mordekhaï Bengio, dont l’autorité morale s’est étendue à l’ensemble de la communauté au tournant du siècle dernier (…) était immensément respecté des Juifs, des musulmans et des Européens.»
C’est aussi vers la fin du XIXe siècle que le rabbi fondra la Synagogue Etz-Hayim à Tanger, avec Hola Shriqui, veuve de Moses Shriqui, le fondateur de la synagogue Sheerit Yosef. Le lieu de culte sera célèbre aussi sous le nom «Sinagoga de la Escalerita», selon la publication de TangHeritage.
L’ancienne synagogue Mordechai Bengio a donné lieu au Musée de la Fondation Lorin depuis les années 1990. / Ph. TangHeritage
Cette synagogue, située dans la rue Touahin (nº 44) dans le quartier de Beni Idder, au cœur de la médina de Tanger ne durera pas longtemps. «Le temple avait sa dernière liturgie à Kippour en 1982. Depuis 1994, il abrite le Musée-fondation Lorin et offre aux visiteurs une vaste collection photographique sur Tanger», écrit Discovering Tangier.
Source : https://www.yabiladi.com/articles/details/83072/pelerinage-juif-maroc-mordekhay-bengio.html