Marine Le Pen fait sa rentrée politique samedi prochain. Une rentrée stratégique qui doit permettre au parti de reprendre la tête de l’opposition et à sa présidente de rassembler ses troupes. Ces dernières semaines, le Front national a surtout brillé par sa discrétion à l’Assemblée nationale et par ses divisions en interne.
Il y a un an, en septembre 2016, Marine Le Pen était accueillie à bras ouverts à Brachay, un petit village de Haute-Marne qui compte 60 habitants, dont une majorité d’électeurs frontistes. Un rendez-vous fixé par la présidente du Front national depuis 2012 et respecté chaque année. Samedi prochain, Marine Le Pen fera sa rentrée politique dans ce même village. Elle lancera par la même occasion une tournée en douze étapes au cours de laquelle elle fera le tour des adhérents et des fédérations. Mais en l’espace de douze mois, le contexte a bien changé.
Le FN a derrière lui une défaite à la présidentielle puis aux législatives, à l’issue desquelles il n’a réussi à envoyer que huit députés à l’Assemblée nationale, trop peu pour former un groupe. Dès la prochaine session parlementaire, le député du Nord Sébastien Chenu compte d’ailleurs déposer une proposition de résolution pour abaisser le seuil nécessaire pour obtenir un groupe à 10 députés, contre 15 actuellement.
Depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, c’est La France insoumise qui semble tenir la tête de l’opposition. Le Front national, en plein travail de refondation qui doit aboutir lors du Congrès de mars 2018, semble avoir disparu des radars. Mais au FN, on compte bien sur un changement après la rentrée.
« Marine Le Pen reviendra devant les Français expliquer pourquoi elle incarne le mieux l’opposition », explique ce mercredi Sébastien Chenu sur notre antenne.
« Marine Le Pen sera sur tous les combats et sur tous les fronts, sur des sujets d’actualité tels que la réforme du Code du travail ou encore la directive des travailleurs détachés », promet aussi Jean-Lin Lacapelle.
Echec d’un programme et échec d’une candidate
Contacté par BFMTV.com, le secrétaire national aux fédérations FN poursuit: « Nous sommes dans une année charnière sans élection, une année de refondation, de reconquête ». Le but de cette refondation promise depuis la présidentielle par Marine Le Pen ? « Que la nouvelle structure ait la capacité à fédérer les 11 millions d’électeurs (qui ont voté pour elle à la présidentielle, NDLR) et d’élargir ce socle pour atteindre les 50% nécessaires dans la perspective d’une victoire à la présidentielle », explique Jean-Lin Lacapelle. Le constat est donc clair, il s’agit de réparer les erreurs de la l’année électorale qui vient de s’écouler, pour en quelque sorte re-présidentialiser le parti et sa candidate.
« Le Front national est en pleine période post-défaite, mais il s’agit à la fois d’un échec du programme et du candidat », analyse Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et au Cevipof, contacté par BFMTV.com.
« La fin de parcours de Marine Le Pen pendant la présidentielle et en particulier le plantage du débat de l’entre-deux tours a eu des effets importants », poursuit-il. Pour le politologue Eddy Fougier, chercheur associé à l’IRIS, le Front national semble actuellement inaudible pour plusieurs raisons, dont l’une est commune à plusieurs partis. « On entend peu Les Républicains, si ce n’est pour se critiquer les uns les autres, et encore moins le PS », fait-il remarquer.
« On a l’impression que La France insoumise monopolise l’opposition car les autres sont plus discrets. Ils sont tous sous le choc de ce qui s’est passé », estime-t-il.
Un débat qui laisse des traces
Parmi les raisons propres au FN ensuite, il cite lui aussi le débat présidentiel entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, mais également la défaite aux législatives, qui ont enterré une longue séquence où tout semblait favorable au parti.
« D’un point de vue historique, on avait le sentiment que toutes les planètes étaient alignées: avec cette atmosphère de ‘dégagisme’, la montée des populismes avec le Brexit et l’élection de Donald Trump… S’il y a bien une année où le FN avait des chances de l’emporter, c’était celle-là. La déception n’en est donc que plus grande », estime Eddy Fougier.
Pour les deux chercheurs, le silence observé par Marine Le Pen ces dernières semaines peut répondre à une stratégie précise, déjà adoptée par le passé, comme en 2017 avant son entrée dans la campagne présidentielle.
« Elle se tait quand les autres parlent de manière à être mieux entendue par la suite », analyse Bruno Cautrès.
Réaffirmer son leadership et rassembler les troupes
Pour Eddy Fougier, Marine Le Pen « joue gros » avec sa rentrée politique mais « n’a pas de menace immédiate devant elle », donc peut se permettre ce silence, notamment parce que les prochaines élections – européennes – sont pour 2019. Elle n’a pas non plus d’adversaire face à elle au sein du FN, depuis le départ de Marion Maréchal-Le Pen, même si ce départ a pu jouer dans la perte de repères de certains militants.
« Elle est la seule à pouvoir fédérer tout le monde' », précise Jean-Lin Lacapelle. Cette rentrée sera l’occasion pour Marine Le Pen de réaffirmer son leadership que certains, comme Robert Ménard pendant l’été, sont tentés de contester, mais aussi de rassembler des troupes en ordre dispersé. Jeudi, Nicolas Bay, le secrétaire général du parti, doit se rendre en Bourgogne-Franche-Comté pour acter officiellement l’éviction de Sophie Montel de la présidence du groupe FN au Conseil régional.
Le départ de cette très proche de Florian Philippot, réclamé par la présidence du parti, est symptomatique des divisions qui perdurent au sein de la formation et viennent interférer avec le travail de fond opéré par les cadres. Sophie Montel, qui dénonce une « re-diabolisation » du FN, a plusieurs fois critiqué la ligne du parti, lui reprochant notamment d’être « anxiogène ».
« Ceux qui se croient en récréation, il est temps qu’ils rentrent en classe », prévient Jean-Lin Lacapelle, qui plaide pour « que les débats restent en interne ».
« Il est temps qu’on reprenne le combat politique »
Un pied-de-nez sans doute à Florian Philippot, très bavard à travers son association Les Patriotes et accusé de la jouer solo. Sur les réseaux sociaux, ces dissensions sont très visibles, comme ce mercredi sur la page Facebook de Louis Aliot, le compagnon de Marine Le Pen et député des Pyrénées-Orientales. Sans jamais citer Florian Philippot, il fustige le « festival de montgolfiérisation de cette rentrée » et présente dans le détail « les signes cliniques du narcissisme ». Il « croit qu’il est le seul à travailler sans s’intéresser à ce que font les autres », écrit-il notamment. Des tensions en interne qui ne semblent pas inquiéter Jean-Lin Lacapelle.
« Qu’il y ait quelques disputailles, très bien, mais il est temps qu’on reprenne le combat politique », conclut-il.