Parachat Behaalotekha : être soi-même
« … Et l’homme Moché très humble, plus que tout homme qui fût sur la surface de la terre. » Bamidbar (12,3)
Dans ce verset, la Tora nous dévoile la mida principale de notre maître Moché, dans laquelle il excella : la ‘anava.
Comment Moché rabbénou, dirigeant du peuple d’Israël, du peuple de D’, pu-t-il rester humble ? Mais au juste qu’est-ce que l’humilité ?
Afin de donner une piste de réflexion, nous vous rapportons une histoire que le rav Samuel Chlita raconta un jour : un enfant demanda au ‘Hazon Ich : « Rav êtes-vous humble ? Savez-vous que vous êtes le ‘Hazon Ich ? Mais si vous savez que vous êtes le ‘Hazon Ich vous ne pouvez pas être humble… »
Voici ce que lui répondit le Tsadik : « Je sais que je suis le ‘Hazon Ich et c’est pour cela que je suis humble, parce que je sais ce que Hachem attend de moi. Or j’ai très peur de ne pas répondre à Ses attentes, et c’est pour cela que je suis humble. »
De là nous percevons que l’humilité correspond à l’état d’incertitude intérieure que j’ai par rapport à mes résultats qui dépendent de mes capacités. J’ai un certain potentiel, Hachem m’a octroyé des dons, des qualités, des moyens (financiers ou autres), dans un but précis qui n’est réservé qu’à moi, comment vais-je exploiter tous ces cadeaux ?
L’humilité va donc naître chez la personne censée ayant conscience qu’elle ne peut pas savoir si elle a réussi. On n’attendra pas du tout le même travail d’une personne bête que d’une personne intelligente, riche et pauvre, etc. Elles ne pourront pas accomplir le même type de Mitsvot.
Être humble, ce n’est donc pas du tout se sentir inférieur aux autres, ni se laisser faire, mais c’est tout simplement jouer le rôle qui m’est attribué selon mes aptitudes. Être à la hauteur de moi-même !
Parfois un élan de modestie extérieure peut être une marque d’orgueil.
Or l’orgueilleux qui se sent toujours plus fort que l’autre, plus beau, plus tsadik, plus intelligent… doit comprendre qu’il n’est que le résultat d’une programmation divine, il n’a donc aucune fierté à tirer de cela !
On ne naît pas meilleur que l’autre, ni moins bon, nous sommes chacun au mieux de ce que nous devons être, créés par Hachem, nous devons être heureux de cela et faire le maximum avec. Chacun son processeur, ou son moteur, et chacun SON rôle.
Être humble, c’est vivre dans une incertitude perpétuelle quant à savoir si nous avons réussi ou échoué, c’est être incapable de se donner une note aux divers contrôles de la vie. Il est en tous cas très important de se connaître bien, de savoir qui nous sommes, à quelle place nous nous trouvons et quelles sont nos aptitudes, d’être clairvoyant sur tous ces éléments afin d’avoir plus de chances de réussite.
Ainsi dans une société, le magasinier n’est pas l’informaticien, et le cuisinier pas le PDG ; dans une famille, le fils n’est pas le père, et la grand-mère pas la bru, etc… L’un n’est pas plus ou moins bien que l’autre, mais chacun sa place et son rôle, il faut en être conscient et toujours respecter l’ordre établi, sinon c’est la dérive assurée !
Si nous respectons cet état de fait, nous éviterons de nous gâcher la vie, par exemple à viser toujours ce qui est trop élevé pour nous, ou bien au contraire nous ne passerons pas à côté de notre mission sur terre par sous-estimation de soi.
« … Et l’homme Moché très humble, plus que tout homme qui fût sur la surface de la terre. »
Pourtant Moché a cassé les Tables de la Loi, il a parfois négocié avec Hachem, il L’a harcelé de prières pour entrer en Erets Israël, etc… Oui, mais il n’a fait que jouer son rôle, et toujours avec cette crainte et cette incertitude quant au résultat, et sans jamais se sentir supérieur à qui que ce soit.
Être soi-même est l’un des rôles les plus difficiles à jouer dans le scénario de la vie. Mais le jeu en vaut la chandelle !
Rav Mordékhaï Bismuth
Extrait de la daf de Chabat disponible sur le http://www.ovdhm.com
Parachat Chela’h Lekha : comme un touriste?
Les Bené Israël sont au seuil de la Terre promise, et c’est alors que se produit un épisode lourd en conséquences. Douze illustres personnalités du peuple, une désignée par tribu, sont chargées de mener une mission d’exploration du pays. Mais à leur retour, ces explorateurs fournissent un rapport catastrophique, démoralisant le peuple qui se mit à douter sur la possibilité de prendre possession de la Terre qu’Hachem avait promise à Avraham en héritage. A cause de cela, toute cette génération sera condamnée à périr dans le désert et l’entrée en Terre Sainte sera décalée de quarante ans.
Pourquoi l’expédition des explorateurs en Terre Sainte a-t-elle échoué et entraîné de graves conséquences? Le Noam Elimélekh souligne que Moché leur a dit : «… Qllez vers le sud… » (Bamidbar 13צ17), le sud qui symbolise la ‘Hokhma, la sagesse. Comme il est enseigné dans la Guemara (Baba Batיra 25b) : « Celui qui veut acquérir la sagesse se tournera vers le sud ». Observer les faits, être témoin des événements qui nous entourent est, certes, une chose indispensable, mais ce qui reste essentiel, c’est de les interpréter avec sagesse.
Voyons comment la Tora qui est d’une extrême précision met ce principe en évidence dans notre paracha.
Au début de notre paracha, Rachi (13,2) pose la question suivante : « Pourquoi la paracha des explorateurs suit-elle la paracha de Myriam ? » Et répond que l’incident des explorateurs vient immédiatement après la calomnie émise par Myriam à l’égard de Moché et la sanction qu’elle a subie. Ces mécréants, qui ont pourtant vu [rahou] à quel point la médisance était répréhensible, n’en ont pas tiré de leçon et n’ont pas craint de dire du mal de la Terre promise. (Rachi au nom du Midrach Tan’houma)»
Mais quelle a été leur faute ? Celle d’avoir proféré du lachone hara’. Et comment en sont-ils arrivés là ? Parce qu’ils sont partis « explorer » la terre. La Tora emploie précisément le terme « explorer/latour », et pas le verbe « lirot/voir », ou «léhistakel/observer ».
Moché a demandé aux explorateurs d’examiner attentivement la nature de la Terre, comme il est dit (13;18) « vous verrez [ourhitèm] le pays, ce qu’il est… », c’est le verbe « lirot » que Moché emploie.
La Tora leur reproche d’avoir troublé leur vison en explorant « latour » la terre d’Israël, au lieu de la voir « lirot ».
Mais quelle différence entre ces deux termes, « lirot » et « latour »?
« lirot/voir » est une vision réfléchie sur ce que l’on voit. Par contre, «latour/explorer » est une vision externe, dénuée de réflexion et remplie d’émotions et de sentiments. Leur faute a donc été de s’être laissés emporter plus par le désir que par la réflexion. Comme le touriste qui regarde uniquement ce qu’il veut et ce qui lui fait plaisir.
Transportons-nous maintenant à la fin de notre paracha qui s’achève par le dernier et célèbre paragraphe du Chema, texte que grand nombre d’entre-nous connaissons par cœur. Un paragraphe qui contient essentiellement la Mitsva de Tsitsit. Là encore, nous apprenons de ce passage, une prévention pour ne pas retomber dans la faute des « meraglim/explorateurs ». En effet, une des intentions requise à avoir lorsque l’on porte un Talit, c’est de « voir » les Tsitsit afin qu’ils nous rappellent toutes les Mitsvot, comme il est dit : « Ce sera pour vous un Tsitsit, vous le verrez [ourhitèm], vous vous souviendrez de toutes les Mitsvot de Hachem, vous les ferez, et vous ne vous égarerez [vélo tatourou] pas derrière votre cœur et derrière vos yeux…. »
Cette vision [des tsitsit] et ce rappel [des mitsvot] doivent, selon la suite du verset, ne pas nous laisser emporter par la vision « égarée » [tatourou] de notre cœur ou de nos yeux. Rachi nous explique, que le mot «tatourou» et le même mot employé par la Tora pour designer la visite des explorateurs [latour].
Et Rachi commente sur ce verset « Ne vous égarez pas après votre cœur et après vos yeux » (Bamidbar 15,39) ; « que le cœur et les yeux sont les explorateurs du corps. Ils se font les agents pour conduire à la faute. Ainsi, l’œil voit, le cœur désire et le corps agit. »
Nos sages nous enseignent que les yeux voient ce que le cœur désire. Le cœur et les yeux sont les explorateurs du corps, ce sont eux qui lui propose la avéra (la faute), comme il est enseigné « l’œil voit, le cœur désire et le corps commet la faute. »
Nous apprenons de cet événement néfaste, de ne pas se livrer à des réflexions hasardeuses et impulsives. La Tora vient nous mettre en garde contre les idées fausses qui égarent le cœur et les yeux. Un juif, doit se laisser guider uniquement avec foi et sagesse, suivre la vérité, les voies de Hachem.
Rav Mordékhaï Bismuth
Extrait de la daf de Chabat disponible sur le http://www.ovdhm.com