Parachath Vayé’hi

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Autour de la table de Chabbath, par le rav David Gold

Cette étude est dédiée à la refoua cheléma de Rachel bath Gracia famille AMRAM

Qui supporte qui?

Notre paracha clôture le livre de Beréchith, « Au commencement ». Elle termine les pérégrinations de la famille de Ya’akov et son installation en terre égyptienne, c’est aussi la fin des jours de notre saint Patriarche. En effet, Ya’akov passera 17 ans en Egypte après ses retrouvailles avec son fils bien  aimé, Yossef, et  c’est à l’âge vénérable de 147 ans qu’il rendra âme. Avant de quitter ce monde pour un monde meilleur, il appellera  à son chevet tous ses enfants afin de les bénir. Cette bénédiction n’est pas un simple souhait, mais puisqu’elle est dite sous l’esprit prophétique, elle donnera à chaque enfant un éclairage sur sa vie. De plus, comme il s’agit des pères des 12 tribus d’Israël, chaque parole indiquera une ligne de conduite pour chaque tribu. On s’attardera sur la bénédiction donnée à Zevoulon et Yissakhar.  Pour le premier il est dit (Beréchith 49,13) : « Zevoulon, tu résideras sur les berges de la mer à côté des ports… » tandis que pour Yissahar il est dit : « Tu possèdes une ossature solide comme celle de l’âne qui supporte le lourd fardeau… » Beaucoup plus tard, ce sera Moché rabbénou qui bénira ces deux tribus (à la fin des 40 années du désert) en disant: » Heureux est Zevulon dans tes sorties en mer et Yissakhar sous tes tentes.. ». Le Midrach explique que Zevoulon s’occupait de commerce et il faisait profiter son frère de ses bénéfices afin qu’il puisse résider dans la tente de l’étude de la Tora. On a donc une preuve noir sur blanc que le principe du Collel (l’aide à l’étude pour les hommes mariés) sponsorisé par la communauté ! Ce n’est pas une invention de ces dernières années mais cette conduite fait partie de l’histoire biblique ! Depuis les prémices de la vie juive, il a existé la tribu de  Zevoulon qui a soutenu Yissakhar dans son étude. Comme le dit le Pirké Avot (3.17) : » Sans farine il ne peut y avoir de Tora. »  C’est-à-dire que grâce à l’aide financière de Zevoulon, Yissakhar pourra s’adonner à la Tora. Et cette association n’est pas fortuite comme de dire : Zevoulon est riche donc il faudra bien qu’il fasse quelque chose de son argent (entre autre aider les Avrékhim du Collel…). Mais la Michna continue et énonce que l’inverse est vrai (peut-être encore plus !): « Sans Tora, il n’y pas de farine ! » Le rav ‘Ovadia de Bartenora explique : « A quoi sert la richesse si elle n’est pas utilisée pour la Tora? Il aurait mieux valu qu’il meurt dans la famine ! » C’est-à-dire que l’argent utilisé pour l’étude de la Tora donne sa raison d’être à la richesse du Zevoulon, car, pourquoi D’ lui aurait octroyé des moyens s’ils ne sont pas utilisés pour des fins élevées ? Ce sont des choses que l’intellect perçoit,  mais au niveau des actes le chemin semble être encore long…

Le Tour et le Choul’han Aroukh stipulent (Yoré Déa 246): « Tout le monde se doit d’étudier la Tora… Mais pour celui qui n’a pas cette possibilité, par exemple qui ne sait pas étudier ou à qui il manque du temps, il devra fournir aux autres la possibilité d’étudier et ce sera considéré comme s’il avait étudié par lui-même ! On le voit du verset : « Heureux Zevoulon dans tes sorties… » Et un homme pourra faire un contrat avec son ami pour qu’il étudie la Tora en lui fournissant tout le nécessaire et ils partageront ensemble le mérite de l’étude de la Tora. » C’est-à-dire que cette association entre le commerçant et l’érudit en Tora conférera au premier le même mérite que s’il avait lui-même étudié ! Plus encore, le Midrach (Yalkout Chimo’ni Kohélet 975) enseigne : « Tout celui qui donne de son pécule au Talmid ‘Hakham sera méritant et étudiera dans la Yechiva qui se trouve dans les cieux (après 120 ans)… » Donc on aura compris l’importance de l’aide aux Collelim et Yechivoth : c’est ce qui permet d’obtenir le ticket pour entrer à la Yechiva d’en haut !

Cependant on posera une question inverse: est-ce que cela vaut vraiment le coup pour l’érudit de partager la pomme en deux ? En effet, il semble d’après les commentaires (dont le Cha’h sur place) qu’il s’agit d’un véritable partage des mérites en deux : une moitié pour le Talmid Ha’ham et l’autre moitié pour le commerçant ! Car l’association que propose le Choul’han ‘Aroukh est un véritable contrat écrit entre l’érudit et le commerçant. Donc est-ce que cela vaut vraiment le coup de rétrocéder la moitié de sa part dans le monde futur à son ami de Paris ou New York ? Or on connait tous l’histoire (Ta’anith 24) de rabbi ‘Hanina Ben Dossa qui était dans la plus grande pauvreté, au point que sa femme lui demanda de prier afin que du Ciel on leur envoie la subsistance. Un miracle se réalisera et ils recevront le pied magnifique en or d’une table ! Or, la femme fera un rêve et verra que dans les cieux (Paradis) tous les Tsadikim mangent sur une table faite de 4 pieds tandis que leur table (d’elle et de  son mari) est constituée de trois pieds ! Elle dira à son saint mari : « Tu trouves normal qu’on mange sur une table à trois pieds tandis que tous les autres saints mangent sur une table à 4 pieds ?! Donc je te demande de rendre le pied en or au ciel ! »  Le rav donnera raison à sa femme et en final une « main » sortira du Ciel pour récupérer le joyau ! (Et la Guemara dira que le deuxième miracle –la main qui reprend le trésor – est plus grand encore que le 1° miracle, car c’est plus difficile pour les cieux de reprendre une bonté – déjà accordée – que de faire un don miraculeux !). Notre question a fait déjà couler beaucoup d’encre parmi les écritures des érudits au travers des âges. Cependant le ‘Hida (Roch David, paracha Kedochim) va plus loin dans la question. Il demande : « Après que notre érudit se soit marié, puisque son épouse l’aide en prenant sur elle toute l’organisation de la maison, la femme touchera la moitié du salaire (ce qui l’attend dans le monde futur) imparti à l’érudit. Il ne lui restera qu’une moitié pour tout son labeur. Or, si notre érudit  a déjà fait un contrat avec un Zevoulon , il se retrouvera sans rien à 120 ans puisque la 2° moitié est déjà prise par notre commerçant !? Et le Hida donnera plusieurs possibilités de réponse : la 2° moitié sera partagée à part égale entre l’homme et sa femme : un quart et un autre quart (tandis que Zevoulon touchera une moitié dans son intégralité), ou que les trois associés partageront le gâteau en trois à part égal… Cependant, une autre explication est donnée (Marhach Fima rapporté dans le ‘Hida) que vis-à-vis de l’épouse les choses ne sont pas aussi carrées ! C’est Hachem Qui donnera de Ses propres trésors à l’épouse du Talmid ‘Hakham sans pour autant diminuer la part de ce dernier… (Peut-être est-ce pour nous une indication que dans les Cieux on est intéressé que le Chalom Bayit de nos familles perdure même après 120 ans…). On laissera nos lecteurs cogiter ces nouvelles données, cependant on tranquillisera les Avrékhim, que les grands rabbanim de ces dernières décennies (entre autre le ‘Hazon  Ich) ont poussé les érudits qui n’avait pas la possibilité financière de faire le contrat « Yissakhar et Zevoulon » à étudier la Tora sans craindre que leur part soit amoindrie.

On finira par une anecdote intéressante. Il y a près de 160 ans sont arrivés dans une grande Yechiva de la ville de Kovna des notables d’une petite bourgade pour parler au Roch Yechiva (le rav Yits’hak El’hanan Spector). Ils lui demandèrent de leur indiquer un Avrekh qui serait susceptible de prendre le poste de rabbin dans leur communauté. Le rav donnera l’adresse d’un Talmid ‘Hakham de la ville. Ce dernier répondit qu’avant d’accepter la proposition, il devait demander la permission à son beau-père de partir car il le soutenait depuis son mariage. Le beau-père dira à son gendre : « Pourquoi veux-tu partir de chez moi ? Or je t’offre tous les moyens nécessaires afin que tu grandisses dans la Tora ! » Le gendre acceptera la position de son beau-père et refusa de partir de la ville. Deux années s’écoulèrent, viendra une autre demande d’une ville plus importante. Même scénario, le Roch Yrchiva propose le même homme, et là encore le beau-père refusa. Puis le temps s’écoula et cette fois c’est une délégation bien plus importante d’une grande ville qui voulait un Talmid ‘Hakham pour gérer la vie juive de leur ville. Mais cette fois se sera la femme du Talmid ‘Hakham (la propre fille de son beau-père) qui pèsera de tout son poids afin que son père accepte qu’ils partent. De plus elle dira : « Jusqu’à quand on restera à ton crochet sans pouvoir se débrouiller par nous-même ?! » Le père accepta tant bien que mal, seulement un mot sortira de sa bouche : « Je ne sais pas qui supporte qui ?! » Le couple fit ses valises, entassa sur une calèche les meubles et prit route pour la nouvelle ville… Or à peine avoir fait quelques encablures en dehors de la ville que des envoyés dépêchés à la dernière minute informèrent le couple que le beau-père venait tout juste de succomber… » Le couple venait tout juste de comprendre les paroles semi-prophétiques du beau-père: « Qui supporte qui ? »

Comment en final, on arrivera au paradis…

On finira par une touche d’humour qui a beaucoup de vrai ! Le rav Cha’h zatsal rapportait une « perle » sur le rav Yossef ‘Haim Zonnenfeld qui était le rav de Jérusalem il y a près 80 ans. Une fois, il était assis avec son épouse dans sa maison après déjà plusieurs dizaines d’années de mariage. Il disait alors à son épouse : « Tu vois, à 120 ans quand je monterais au Ciel, on me posera la question : ‘Haim, ‘Haim, est-ce que tu as vraiment étudié la Tora ? Est-ce que tu es vraiment Talmid ‘Hakham pour avoir reçu tous ces honneurs au cours de ta vie (le rav était une personnalité de premier plan dans la communauté orthodoxe d’Israel) ? » A ce moment le rav rajouta avec beaucoup d’humilité : « Je n’aurais pas de quoi répondre devant le Beth Din du Ciel car il connait mon vrai niveau de Tora » (le rav était particulièrement humble, cependant mes lecteurs doivent savoir que cet homme a laissé derrière lui de nombreux écrits et livres qui sont étudiés encore de nos jours au Beth Hamidrach…) ! « Les anges du Service Divin viendront alors me prendre pour m’amener directement aux enfers ! Seulement toi, ma vertueuse épouse, tu seras sans aucun doute au Gan Eden ! Car c’est toi qui a envoyé nos enfants au Talmud Tora, c’est toi qui veille à ce que la maison ‘tourne’ alors que je suis au Beth Hamidrach ! Donc TOUTE l’étude de la maison est directement inscrite à ton actif dans le Ciel ! Pour toi, on n’aura pas de revendication du genre ‘ton mari a passé un peu trop de temps à discuter au Beth Hamidrach alors qu’il aurait dû étudier durant ce temps perdu, ou encore qu’il a bu un café en trop !’ Puisque tu as fait le maximum afin que j’étudie, ce ne sera plus ton problème ! » Le rav fit alors une pause et rajouta : « Mais voilà que tu seras au Gan Eden sans ton mari pour lequel tu as tant peiné toutes ces années ! Tu diras alors : ‘qu’est-ce que vaut bien ce Gan Eden si mon ‘Haimké’ (diminutif du prénom ‘Haim) n’est pas à mes côtés ? Alors pour tes honneurs  on me feras monter  à tes côtés au GAN EDEN ! » Fin de notre histoire véridique. Au-delà de l’humour qui s’en dégage il y a une vérité qui nous est dévoilée: la part de nos épouses dans l’étude de leurs maris est à part égale, peut-être plus encore: peu importe la qualité de l’étude du mari !

Coin Halakha. On a vu les semaines précédentes l’interdit de profiter du travail effectué par un non-juif pour les besoins d’une personne de la communauté. Par exemple, un voisin gentil voit qu’on monte dans la cage d’escalier tout obscur (à Chabbath) et décide d’allumer la lumière : on n’aura pas le droit d’en profiter.

Travaux-pratiques : lors d’un Chabbath organisé, un invité –gentil- voudra boire un café bien chaud. Or le chauffe-eau est vide donc il rajoutera de l’eau à son maximum pour ses besoins et celui de l’assemblée (qui veut aussi boire chaud) : est-ce qu’on aura le droit de profiter de son action ? Même s’il le fait pour sa propre utilisation mais puisqu’il réchauffe l’eau aussi pour les besoins des autres invités (juifs), on n’aura pas le droit d’en profiter et ce, jusqu’à la sortie du Chabbath le temps de faire bouillir l’eau. Et même s’il verse dans la bouilloire une petite quantité, puisque notre invité –gentil- connait le reste des gens de l’assemblée, on ne pourra pas non-plus en profiter par crainte que la prochaine fois on lui demande directement de cuire pour nous: ce qui est interdit (Choul’han ‘Aroukh 325.6 et 10)

Chabat Chalom et à la semaine prochaine si D’ le veut

David Gold soffer écriture askhénaze écriture sépharade

Mezouzoth téphilines birka habait meguila etc…

On souhaitera une grande bénédiction à la famille Seksik de Lyon-Villeurbanne à l’occasion des fiançailles de leur bon fils Hillel. Mazel Tov!

           

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