Autour de la table du Chabbath, par le rav David Gold
La grosse bedaine au séminaire ?!
Notre paracha cette semaine est très intéressante. Nous sommes depuis presque une année au pied du mont Sinaï et la communauté décide de prendre son envol en direction de la Terre promise. Les sages de mémoire bénie n’ont pas un regard complaisant vis-à-vis de ce départ. Pour eux ce départ est identique à celui de l’élève qui attend anxieusement la sonnette qui marque la fin des cours de sa classe afin de rejoindre au plus vite son bercail. C’est-à-dire que le Clall Israël n’a pas fait preuve d’une grande assiduité au pied de la montagne sainte ! Je parle assiduité car pendant tout le temps de cette étape, Moché Rabbénou a enseigné les nombreuses lois de la Tora qu’il venait de ramener du ciel. Moché a d’abord transmis à son proche élève, Yehochoua, puis à Aharon et ses enfants, les anciens et en dernier à toute la communauté. C’est-à-dire qu’au Sinaï la communauté a vécu un très grand séminaire d’approfondissement du judaïsme ! Or, tout apprentissage a sa difficulté et encore plus lorsque l’on parle Tora ! Car, comme vous le savez, la Tora n’est pas un simple manuel de sociologie ou d’histoire du monde antique, ou un savoir vivre mais c’est une règle de vie qui engage la personne dans tous les recoins de sa vie – même si des fois ils apparaissent très obscurs… Donc au bout d’un an de séminaire intensif, la communauté décida de partir au plus vite afin de ne pas recevoir de nouvelles injonctions (un peu comme les participants de séminaires qui décident de vite partir à la sortie du Chabbath sans attendre le symposium final…)… Seulement la vie n’est pas un long fleuve tranquille (voir mon livre qui devrait –avec l’aide du Tout Puissant- sortir prochainement…et si je vous en parle, je propose de magnifiques encarts pour tous ceux qui veulent dédicacer ces paroles de Tora à la mémoire de proches …) et ce n’est pas parce que l’on fuit l’épreuve (son propre fleuve) que les difficultés s’évanouiront… Quelques temps après ce passage, une partie de la communauté rouspétera sur deux points. Le premier c’est qu’ils en avaient assez de la manne qui tombait jour après jour: ils réclamaient du poisson, les légumes qu’ils mangeaient en Egypte et aussi de la viande. La seconde revendication était liée aux interdits liés au mariage. En effet, avant le grand rassemblement du don de la Tora, les liens familiaux n’étaient pas prohibés. Cependant, depuis lors, les interdits pèseront sur la vie de couple (par exemple les interdits d’incestes deviendront beaucoup plus strictes –voir Rambam Issouré Bia 15.1). Or, il est intéressant de souligner l’enchainement des évènements. D’abord ce sera un trop plein de Tora (la fuite du Sinaï) puis cela finira par des revendications sur le manque de plaisirs culinaires et des joies matrimoniales… Il semble donc que notre pParacha est une élégante réponse proposée aux sempiternelles récalcitrants qui rouspètent lorsqu’on leur enseigne (dans le feuillet « Autour de la Table du Chabath » des semaines précédentes) la Michna des Pirké Avoth : »Il n’existe d’hommes libre que ceux qui étudient la Tora ! » Ils demandent à tue-tête, où est cette liberté chez les religieux que proclame le rav Gold ? La paracha nous donne une bonne réponse: sans l’étude (et la pratique) de la Tora l’homme est pris dans ses envies (mieux encore, version psy… « ses pulsions ») comme une mouche pourrait être prise dans les files de la toile d’une très grosse araignée… Car notre homme qui fuit le séminaire demandera avec beaucoup d’insistance sa part de viande, et ce même phénomène se déclinera dans beaucoup d’autres domaines… (Pour la petite histoire, je me souviens d’un super séminaire animé par le regretté rav Claude Lemmel zatsal de l’organisme « Ara’him ». Lors de la réunion finale –Motsé Chabbath- qui cloturait 30 heures de cours très intéressants, un des participants à la grosse bedaine (pour de vrai !) a simplement dit devant toute l’assemblée épatée « C’est bien joli tout cela … mais mon sandwich jambon-beurre est irremplaçable messieurs, mesdames…et il s’est rassit ! » sic !) Donc on n’aura pas besoin de faire un magistère en philo pour comprendre que l’homme attaché à la Tora (et à son étude) résoudra ses problèmes d’une toute autre manière que celui qui a la grosse bedaine… Par exemple que ses choix seront dictés en adéquation avec la loi sinaïque. La liberté sera donc pour lui de ne pas être happé par les envies du moment et le plaisir de l’instant… (J’espère que mes lecteurs d’outre méditerranée et aussi d’Erets ont gardé une oreille pour ce genre de discours…). Donc la Tora viendra renforcer la partie élevée de l’homme et lui donnera la possibilité de gouverner ses envies et pas le contraire ! D’ailleurs le roi Salomon disait dans sa grande sagesse (Kohéléth 6.2): « J’ai vu la grande richesse, l’homme qui recevait tous les honneurs et ne se privait de rien de ce qu’il recherchait … et en final se sera l’étranger qui profitera de tous ses biens… » c’est-à-dire que les envies et les plaisirs, s’ils ne sont pas contrôlés peuvent facilement amener l’homme à de grandes catastrophes…
Seulement on posera une question sur notre développement. Le Talmud dans Yevamoth (62) rapporte une discussion talmudique profonde. Lorsqu’un gentil décide de faire le grand pas, et de se convertir à un judaïsme authentique avec femme et enfants, est-ce que devenu juif, devra-t-il faire des efforts pour avoir à nouveaux des enfants afin d’accomplir la Mitsva d’avoir une descendance (garçon et fille) ? La Guemara rapporte une discussion entre Rech Lakich et rabbi Yo’hanan. D’après le premier avis, notre homme devra faire tout ce qui est dans son possible pour avoir une nouvelle descendance et les enfants qu’il aurait pu avoir précédemment –même s’ils se sont aussi convertis !- ne seront pas considérés comme s’ils avaient accompli la mitsva car le converti coupe tout lien avec son passé ! Plus encore, les interdits de consanguinité seront levés (au niveau de la Tora). En effet, notre prosélyte ne sera plus considéré comme le fils de son père et de sa mère biologique, mais comme un nouveau-né sans aucun lien avec sa famille ! (La chose est juste au niveau de la loi de la Tora, car les Sages –de mémoire bénie- ont placé des interdits, et notre nouveau venu dans le giron du judaïsme ne pourra pas se marier avec sa mère ou sa sœur –même si elles même se sont converties…). D’après ce formidable développement, on pourra donc s’étonner: pourquoi la génération du désert était opposée aux interdits familiaux engendrés par le don de la Tora, or comme je vous l’ai enseigné, les interdits ont été annulés (à cause du principe énuméré : un converti ressemble au nouveau-né !)?!
Une réponse formidable est rapportée par le Maharal de Prague (paracha Vayaguach). Il enseigne un très intéressant ‘hidouch (nouveauté). C’est que la conversion au mont Sinaï ne ressemblait pas à toutes les autres conversions ! D’une manière générale, la conversion est une expression libre d’une personne de se blottir sous les grandes ailes de la Providence divine. Seulement au mont Sinaï, la conversion était obligatoire… M. le docteur ! La preuve est que Hachem nous a retourné la montagne sainte au-dessus de nos têtes en menaçant que si on n’acceptait pas, on allait la recevoir sur la tête ! Explique le Maharal, puisqu’il y a eu menace et obligation, la conversion ne nous a pas déliée des liens familiaux qui existaient précédement. Donc les liens familiaux ont perduré –même après le don de la Tora- et nécessairement les nouvelles lois pèseront sur les couples (par exemple un homme marié avec sa tante devra divorcée…). C’était la raison des pleurs… D’après le Maharal, le phénomène qu’un converti changera d’identité biologique dépendra si sa conversion s’est faite dans la plus totale liberté… (A cogiter durant la longue période des jours du post Corona…)
Le Tsadik vu au centre commercial…
Les temps sont durs, le futur est incertain (on ne sait toujours pas si on va aller cette été se faire dorer sur les plages –séparées- d’Herzlia ou de Nathania…) donc je vous propose une petite perle. C’est une courte anecdote qui illustrera la manière dont le judaïsme envisage les relations humaines. L’histoire est l’arrêt sur l’image saisissante d’un vieux Juif sorti tout droit d’un ghetto d’Europe Centrale du 18° siècle qui monte péniblement les escaliers d’un grand centre commercial new yorkais des années 2000. Notre vieil homme est habillé d’une longue redingote noire avec un grand chapeau qui orne sa majestueuse allure… Il ne s’agit pas moins de l’Admour (c’est le terme qui désigne le rav dans les cours ‘hassidiques) de Belzov, âgé de 90 ans… Toute la foule des passants retourne son regard sur ce majestueux vieillard d’un autre temps, tandis qu’il continue d’un pas décidé sa monté vers le 4° niveau. Qu’est-ce que peut bien faire ce Tsadik dans un pareil environnement ? L’histoire a commencé quelques heures plus tôt. Ce matin même, après la prière un des fidèles s’est approché du saint homme pour lui demander conseil. Notre individu avait gros sur le cœur. En effet, il possède un atelier de fabrication de ceintures dans « le sentier » new yorkais (quand il n’y a avait pas encore les chinois…) et il avait emmagasiné un gigantesque stock de magnifiques ceintures qu’il n’arrivait pas à vendre. C’était bientôt la fin de l’année, les déclarations fiscales… Et il n’avait toujours pas de rentrée… Donc notre quidam s’approchera du rav afin de lui demander une faveur. Il sait que parmi les fidèles de rav, se trouve un homme qui possède une grande chaine de magasins de vêtements pour homme. Donc si l’Admour pouvait le mettre en contact avec cet autre fidèle afin de lui proposer cette association. Lui proposerait ses belles ceintures qui seront vendues en même temps que les costumes dans les différents magasins. L’affaire semble être possible et surtout c’est l’espoir pour notre homme de s’en sortir la tête haute et de ne pas tomber dans l’obligation de demander l’aide de la communauté (aux USA les aides sociales sont très minimes !). Notre homme exposa son idée, et se rapprocha du Tsadik pour entendre sa réponse. Le rav dit : » C’est une idée magnifique ! De suite je tiens à me rendre au magasin de ce businessman de Manhattan ! » Notre quidam n’en espérait pas autant ! Il était même très gêné de savoir que le rabbi s’apprêtait à se rendre dans ce grand centre commercial de New York. Penaud, il lui dira qu’il suffit que le rav décroche son téléphone et qu’il appelle le commerçant ce soir (lorsqu’il rentrera du travail) pour lui soumettre son idée… Peine perdue, le rabbi dit : »Tu penses que c’est un dérangement ! Pas du tout, c’est pour moi une grande joie d’accomplir la mitsva de « Tu renforceras ton prochain ! », aider son prochain dans sa subsistance… Est-ce que tu crois que je vais mettre un intermédiaire (le téléphone) entre moi et le gérant du magasin pour accomplir ce commandement de la Tora ?! Est-ce que tu possèdes une voiture ? » demandera le rabbi. Le quidam sera affirmatif. Le rabbi lui dit alors : « Je tiens à ce que tu m’amènes de suite dans le centre de Manhattan, au centre commercial… » L’homme resta très gêné que le rav se dérange, de plus le magasin se situait au 4° niveau du centre… Le rav lui répondit que cela ne fait rien, si ta voiture est prête, on part de suite ! Et voilà que notre homme amène le vénérable rav jusqu’au centre commercial très actif (à l’époque il n’y avait pas corona…). Donc voici notre Admour de Brooklyn qui monte pas à pas les marches des escaliers du centre (semble-t-il il n’y avait ni ascenseur ni escalator dans ce centre) puis il déambula dans les grandes allées du centre avant d’arriver devant le magasin. Là-bas se trouvait le propriétaire sidéré de voir son rabbi en ces lieux. Le rav ne perd pas de temps et va droit au but de sa visite : « Il existe un homme de la communauté qui est dans le pétrin et qui a besoin de ton association pour voir le bout du tunnel » L’homme d’affaire écouta très attentivement les paroles du saint homme et au bout de deux heures appela le fabriquant de ceintures pour lui dire qu’il était d’accord de faire cette association. De suite des centaines de ceintures furent envoyées dans les différents magasins qui amèneront en final une belle réussite matérielle pour les deux protagonistes… Fin de l’anecdote vraie ! Pour nous apprendre que la Tora est soucieuse qu’on ait un œil compatissant sur son prochain. L’époque est difficile, on ne sait pas bien ce qui se passera dans un proche avenir… Même les analystes les plus émérites (qui nous lisent) ne savent pas quoi trop prévoir pour la France et le monde entier… Mais une chose est certaine: la mitsva d’aider son prochain (qu’il réside en Erets ou en France) est une formidable police d’assurance TOUS RISQUES !! De plus, écrivait le rav Dessler zatsal : « (Dans le judaïsme) les besoins de mon ami sont ma spiritualité ! » Cette anecdote est d’autant plus importante à connaitre qu’il est bon de savoir que D’ attend de nous que nous ayons un regard compatissant vis-à-vis de notre prochain et qu’on oublie personne de la communauté! Et certainement grâce à cela, Hachem fera des prodiges aux seins de nos familles !
Chabath Chalom et à la semaine prochaine si D’ le veut
David Gold
Une grande bénédiction pour Chimon (Harrold) Kriegier à l’occasion de son mariage en Terre Sainte ainsi qu’aux familles respectives (Buchinger/Strasbourg). Une Berarkha aux grands parents et à toutes les familles respectives. Mazel Tov, Mazel Tov!