« Les Palestiniens ont perdu leurs soutiens dans le monde arabe »

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La Croix : Pourquoi le transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem est-il plus que symbolique ?
Kobi Michael : Pour Israël, il permet un retour à la normale. Jérusalem est la capitale de l’État d’Israël, et c’est le fait que des pays n’y installent pas leur ambassade qui est anormal, non l’inverse.
Pour autant, ce transfert ne signifie pas que les États-Unis reconnaissent les frontières actuelles de Jérusalem (dont la partie orientale est annexée par Israël, NDLR).

L’ambassade américaine est d’ailleurs située à Jérusalem Ouest, qui, c’est très clair, ne fera pas partie d’éventuelles discussions sur le statut futur de Jérusalem et qui restera en Israël. Aussi, Donald Trump a indiqué que les frontières de Jérusalem seraient négociées. Où donc est le problème ?
S’il n’y a pas de problème, pourquoi ce transfert est-il si explosif côté palestinien ?
K. M.  : C’est explosif pour le leadership palestinien, c’est-à-dire pour l’Autorité palestinienne (qui gouverne en Judée-Samarie, NDLR) et pour le Hamas (qui gouverne à Gaza, NDLR), car pour eux, cette décision est le signe d’un biais américain en faveur d’Israël.
Le problème au fond, ce n’est pas l’ambassade en elle-même, mais, de leur point de vue, l’hostilité de l’administration Trump vis-à-vis de leurs positions, alors que l’administration Obama leur était beaucoup plus favorable. Le transfert de l’ambassade est à leurs yeux une étape supplémentaire dans le discrédit des États-Unis, qu’ils jugent désormais incapables de jouer le rôle de médiateur entre Israéliens et Palestiniens.

Comprenez-vous cette position palestinienne ?
K. M.  : Il ne fait aucun doute que l’administration Trump est pro-israélienne. Mais il faut rappeler que les médiateurs précédents étaient tous pro-palestiniens, bien sûr John Kerry (ancien secrétaire d’État, NDLR), mais pas seulement, on peut remonter jusqu’au président Carter ! Plus fondamentalement, l’administration Trump place les Palestiniens face à une réalité : les leaders arabes, aujourd’hui, se mettent du côté des États-Unis face aux Palestiniens.
Les dirigeants égyptiens, saoudiens et jordaniens ont compris que la menace, pour eux, n’est plus Israël mais qu’elle se situe ailleurs. Elle est triple : l’islamisme, incarné par Daech, Al-Qaida etc. ; l’Iran ; et l’islam politique, c’est-à-dire les Frères musulmans. Face à ces trois menaces, Israël est leur seul allié fiable dans la région.

Les Palestiniens se retrouvent donc dans un grand isolement…
K. M.  : Oui, ils ont perdu les soutiens qu’ils avaient dans le monde arabe. Ils ne sont plus une priorité numéro 1 sur leur agenda. Il faut comprendre que l’ordre politique a changé au Moyen-Orient depuis les printemps arabes. Jusqu’alors, il se définissait par des États arabes souverains et autoritaires, qui assuraient la stabilité de la région.
Aujourd’hui, on a affaire à des États en faillite, et la région est divisée en quatre grands camps : les chiites, dominés par l’Iran ; le salafisme djihadiste, incarné par Daech, qui n’existe plus comme État mais continue d’être opérationnel et d’exister d’un point de vue idéologique ; l’islam politique, incarné par les Frères musulmans, dont le Hamas est un visage et dont les plus grands soutiens sont les Turcs et les Qataris ; et l’islam pragmatique, mené par l’Arabie saoudite et l’Égypte.
Le problème palestinien s’inscrit dans ce contexte général, et c’est à l’aune des rivalités entre ces camps qu’il faut analyser, par exemple la réconciliation entre le Fatah et le Hamas.
L’Égypte veut amoindrir l’influence du Qatar et de la Turquie sur le Hamas, tandis que les Iraniens le voient comme un bras armé et perçoivent l’Autorité palestinienne (dominée par le Fatah, NDLR) comme un rival, car elle se situe dans le camp de l’Égypte et de l’Arabie saoudite.
Pour ces camps, il n’y a pas de place pour le compromis et, dans ces conditions, il est absurde de croire que le Hamas et le Fatah puissent se réconcilier.

Dans ces conditions, comment imaginer des discussions de paix entre Israéliens et Palestiniens ?
K. M. : Il faut définir la paix de façon plus modeste. Avec l’Égypte et la Jordanie, nous avons la paix, mais c’est une paix plutôt fraîche, intervenue entre les dirigeants et non entre les peuples.
Si nous parlons de la paix en ces termes, nous pouvons peut-être arriver à quelque chose avec les Palestiniens.
À condition, toutefois, d’accepter que l’Autorité palestinienne ne revienne pas dans la bande de Gaza, que le Hamas y restera le seul à gouverner et que la Judée-Samarie et la Bande de Gaza sont deux entités différentes.
Israël doit négocier simultanément avec le Hamas et le Fatah, mais séparément.

Quelles sont les possibilités de discussion dans ces conditions ?
K. M. : Il y a une possibilité d’arrangements avec le Hamas, avec une facilitation de l’Égypte et de l’Union européenne.
Cela a un prix, à savoir renforcer le Hamas et donc, du point de vue israélien mais aussi européen, affaiblir l’Autorité palestinienne. Mais en réalité, celle-ci ne pourrait être affaiblie s’il n’est pas question qu’elle revienne dans la bande de Gaza.
Les négociations avec le Hamas devraient porter sur la sécurité : le Hamas devrait prendre des engagements à ne plus construire de tunnels, à ne plus développer ses capacités militaires, à ne plus faire de trafic d’armes… Il devrait se concentrer sur la reconstruction de Gaza.
Des signes montrent que le Hamas, qui se trouve aujourd’hui dans une impasse stratégique, serait prêt à discuter d’un cessez-le-feu de long terme.

Quels doivent être les sujets abordés avec l’Autorité palestinienne ?
K. M. : Nous ne sommes pas capables d’atteindre aujourd’hui la solution à deux États-nations, mais il faut en préserver toutes les conditions et procéder par accords intérimaires.
L’approche selon laquelle toute paix est impossible en l’absence de solution définitive est fausse. Il y a un large spectre de possibilités.

Recueilli par Marianne Meunier 

Source La Croix – koide9enisrael.blogspot.co.il

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