Illustration : le monument zal en souvenir de Grant
La chronique de Michèle MAZEL
Le mouvement de protestation dit «Black Lives Matter» – les vies noires comptent – ne faiblit pas aux États-Unis. Une foule animée du feu sacré vient de s’attaquer à la statue du général Ulysse S. Grant à San Francisco, la projetant au sol sous ses coups de boutoir. C’est arrivé vendredi, lors de la commémoration dite du 19 juin, marquant le quatre-centième anniversaire du jour où l’édit d’émancipation annonçant la libération de tous les esclaves a été publié au Texas. Les manifestants ignoraient sans doute que l’objet de leur vindicte n’était autre que l’artisan de la victoire de l’Union contre les forces de la confédération lors de la guerre dite de Sécession.
Quelques jours plus tôt, à Boston, la statue d’Abraham Lincoln avait failli subir le même sort, et une pétition en ligne demande aujourd’hui au maire de la ville de l’enlever. Abraham Lincoln est pourtant le président qui a promulgué l’édit ci-dessus ; c’est lui aussi qui a présidé au succès de l’Union et qui est mort assassiné. Faut-il croire que ceux qui s’attaquent à ces géants de l’histoire américaine ignorent ce qu’ils leur doivent ? Ou qu’ils le savent et n’en ont cure parce que, pour eux, toute personnalité blanche est coupable et qu’elle porte sa part de responsabilité pour le passé esclavagiste de l’Amérique ?
En Angleterre, des échafaudages protègent la statue de Winston Churchill, qu’un manifestant avait tagué d’une inscription l’accusant de raciste. En France se multiplient les appels à retirer la statue de Colbert située devant l’assemblée nationale et à débaptiser les rues qui portent son nom. Le crime de cet illustre ministre des finances de Louis XIV ? Avoir présidé à la rédaction du «code noir» qui régissait l’esclavage dans les colonies françaises au XVIIIème siècle.
Pourtant là encore on se demande ce que pouvaient savoir les manifestants de ce personnage un peu oublié. La vague obscurantiste qui déferle sur un Occident qui cherche à se donner bonne conscience surfe sur la nouvelle religion du politically correct mais va beaucoup plus loin encore. Au départ il y avait sans doute la volonté de gommer les représentations artistiques et littéraires perpétuant des préjugés raciaux ou autres. Aux États-Unis on a constaté à partir de la fin du siècle dernier plusieurs tentatives tendant à faire «réécrire» de grands classiques comme Tom Sawyer pour remplacer des termes jugés injurieux pour la communauté noire – pardon, la communauté afro-américaine pour employer un terme plus neutre. Ces tentatives avaient alors échoué.
Cette fois, elles ont plus de succès comme on l’a vu avec l’anathème jeté sur «Autant en emporte le vent». Ce n’est hélas qu’un début et qui sait à quelles outrances il faut désormais s’attendre : tandis que la légitime colère provoquée par la mort de Georges Floyd s’accompagne de débordements allant du pillage à la destruction, les appels à démanteler une police dite raciste trouvent des échos en France.
Seulement si l’Occident reconnait ses torts, il ne faut pas s’attendre à des excuses du monde arabe pour ses sept cents ans d’occupation de l’Espagne et pour la destruction des antiques civilisations du Moyen-Orient. Ni pour la traite des esclaves noirs : selon l’hebdomadaire Jeune Afrique du 24 novembre 2017, «Entre le Moyen-Âge et le XXe siècle, les Arabes et les Ottomans ont vendu plus de 17 millions d’esclaves africains».