Le monde religieux a déjà manifesté contre cette instance suprême en son temps, au mois de février 1999, quand un million de personnes (350.000 d’après la police) se sont rendues dans les rues de Jérusalem pour protester contre diverses interventions inacceptables de cette cour dans la vie publique. Alors, Aharon Barak la dirigeait, et émettait la prétention d’accorder à cette instance juridique le droit de gérer la vie publique dans le pays. « Barak 1er » devait alors titrer un éditorialiste orthodoxe – tout était dit, et du reste les média n’ont eu cesse alors de citer cet article et de le critiquer. Mais oh combien était-il bon…
Est-ce que la situation a changé depuis lors ? Ce n’est plus Barak qui est à la tête de cette instance, d’autres l’ont remplacé, mais l’esprit est le même – ce qui est normal, puisque ce n’est qu’une seule et même « clique » qui la dirige. Ce mot est à prendre au sens hébraïque du terme, qui est neutre, et non point au sens français, « familier et péjoratif – ensemble de personnes ayant des relations de connivence, des affinités, des intérêts communs, et formant en général groupe contre les autres », mais le résultat est le même : il s’agit d’un groupe fermé, qui ne permet qu’à des juges de la même trempe que les premiers de pénétrer dans cette haute cours, afin d’assurer son homogénéité. Mme Naor lutte contre toute introduction de juges d’une autre trempe, et la ministre de la Justice, Ayéleth Shaked, tente de faire changer cette situation – sans grand succès pour l’instant, il faut le dire.
Toutefois, à force de se recroqueviller sur leur propre terrain, ces juges finissent par commettre des erreurs fatales, permettant au public, et, pire encore, aux hommes politiques du pays, de prendre conscience du fait qu’un groupe de juges, non élus et inséparablement liés dans une même conception de la vie (« Weltanschauung ») ne peut décemment se permettre de gérer la chose publique.
Par exemple : durant plus de 40 fins de semaine, des manifestants ont protesté contre le conseiller juridique du gouvernement, afin de le forcer de prendre une décision concernant les dossiers dans lesquels le Premier ministre est peut-être impliqué. Mendelblit prend tout son temps, et cela est inacceptable, en particulier pour des anarchistes qui veulent à tout prix avoir sa tête. Toutefois, des voisins ont craqué, et se sont tournés vers la cour suprême pour obtenir l’interdiction de ces manifestations qui les dérangent dans leur vie privée. La cour en question a décidé que de telles manifestations étaient légitimes, tout en mettant en place certaines restrictions (que ces anarchistes n’ont pas réussi à respecter…). De là que, dorénavant, si un groupe n’est pas satisfait des décisions de n’importe quelle personnalité publique, il peut donc aller manifester en dessous de son domicile… C’est aberrant.
La seconde erreur de cette instance est d’être intervenue dans un domaine qui ne peut dépendre que du monde parlementaire : que faire contre les immigrants clandestins.
Ils pullulent par exemple dans le sud de la ville de Tel Aviv, et ailleurs également, rendant la vie des pauvres citoyens impossible, et les mettant purement et simplement en danger. L’Etat les met assez facilement en prison, et leur propose de quitter le pays, non sans leur fournir quelqu’argent. Divers groupes dont la filiation avec l’extrême-gauche humanitaire – et suicidaire – est claire ont protesté contre cette conduite : il s’agit, disent-ils, de réfugiés de guerre, et les renvoyer dans leur pays d’origine les met en danger. C’est vrai que certains immigrants répondent à cette définition, mais combien ? Et puis, à quel titre peut-on mettre en danger des citoyens légitimes locaux, pour accorder un accueil à de telles personnes ? Mais évidemment le Bagats a donné raison à ces groupes, se mettant à dos une bonne partie du public juif de Tel Aviv, et prouvant une fois de plus que le « droit » au silence devrait être une donnée élémentaire que la cour suprême pourrait adopter pour elle-même…