Ill : Filber, chez Bezek
By Marc / jforum.fr
Le confident du Premier Ministre, devenant témoin à charge, provoque un tremblement de terre sous ses pieds.
Les enquêtes sur la corruption présumée et les “révélations” tournoyant autour du Premier Ministre sont devenues une menace politique – même s’il n’y a pas d’inculpation. La signature d’un rôle de témoin à charge, par l’ancien directeur général du Ministère des Communications Shlomo Filber, le 21 février – ainsi qu’il témoigne contre le premier ministre dans le dossier 4000 – est passée en tête des préoccupations, dans la masse critique d’objections politiques qui s’accumulent contre Netanyahou. Le témoignage de Filber peut confirmer ou pas les soupçons de la police qu’en 2015, il aurait fourni des informations relevant du délit d’initié, à un ami du premier ministre, Shaul Elovitch, un magnat dont les affaires possèdent, entre autres, la colossale firme Bezeq, grosse compagnie de télécoms.
Netanyahu détenait alors le portefeuille des Communications. Le consentement de Filber à se porter témoin à charge est, en soi, un revers politique pour le Premier ministre. Il a répliqué par un démenti de son implication dans ce dossier, expliquant que lorsqu’il tenait ce portefeuille, toutes les prises de décision concernant Bezeq, étaient régulièrement transmises et requéraient l’approbation de tous les professionnels et canaux juridiques concernés.
Alors que le contenu du témoignage de Filber reste encore un facteur inconnu, ce qu’on sait est que deux précédents dossiers, 1000 et 2000, qui ont été traités comme des scandales majeurs de corruption depuis plus d’un an, languissent pour insuffisance de preuves, bien que là encore, une négociation de plaidoyer a été signée avec un suspect. Le Procureur Général Avichai Mandelblit n’est toujours pas satisfait par le dossier de trafic d’influence ficelé par la police contre le Premier ministre et considère réduire les accusations à abus de confiance ou fraude, voire même devoir clôturer le dossier.
Comme pour le dossier 4.000, qui est survenu pour rempli l’espace du vide juridique, on demandera à Filber s’il a agi pour le compte du Premier ministre en promouvant, dit-on, les intérêts en affaires du multimillionnaire Elovitch, en retour d’une couverture favorable de Netanyahou et des membres de sa famille, sur le site internet Walla que possède l’homme d’affaires. La fragilité de cette accusation découle de la position négligeable et de l’influence marginale du site.
Pourtant, l’effet d’accumulation de ces “révélations” ont conduit Netanyahou, qui a résisté à des médias essentiellement hostiles depuis au moins 12 ans, à activer Facebook pour diffuser une vidéo dans laquelle il tient à souligner qu’aucune des enquêtes de la police, n’a, jusqu’ici rien prouvé dans aucun des dossiers ouverts contre le lui. “Toutes les deux heures, quelqu’un invente un nouveau dossier”, affirme t-il. “Ils m’accuseront très bientôt d’avoir assassiné Orlozorov” (référence à un assassinat politique jamais élucidé, qui avait ébranlé la communauté juive dans lza période d’avant l’indépendance de l’Etat, en 1933).
Effectivement, mardi, avant l’aspect sensationnel de l’annonce du témoignage à charge de Filber, un autre “dossier” est venu s’immiscer dans les gros titres de la presse. Celui-ci a des connotations plus graves que les révélations, jusqu’à présent, sans fondement contre le premier ministre, parce qu’il peut impacter l’appareil judiciaire au plus haut niveau. Selon le nouveau dossier 1720, Nir Hefetz, un ancien conseiller en relations publiques de Netanyahou, aurait demandé à un consultant free-lance en stratégie, appelé Elie Kamir, de sonder la Juge Hila Gerstel quant à sa volonté d’abandonner les charges contre Mme Sara Netanyahou, en l’échange d’un poste comme Procureur Général.
A l’époque, la juge Gerstel, dit-on, aurait confié cette proposition présumée à sa bonne amie Esther ‘Hayout, qui a, depuis, été nommé Président de la Cour Suprême. Mise en cause, mardi, pour ne pas s’être immédiatement précipitée à la police pour lui communiquer une telle information, la juge Hayout s’est couverte en prétendant que Gerstel ne lui avait alors pas fourni de détails ni même de noms et que, par conséquent, l’incident été “trop vague pour déclencher la moindre action” en justice.
La femme du Premier ministre apparaît de façon prédominante dans les insinuations médiatiques. Une des accusations portées contre elle est celle de fraude pour avoir commandé des repas privés de cordon bleu aux dépends de l’Etat. Mandelblit doit encore considérer si oui ou non le dossier constitué contre elle mérite (ou pas) une inculpation.
Cependant, la conduite des deux juges dans cette affaire est hautement contestable. Cela jette aussi un doute pour savoir si cette proposition a réellement été présentée. Même les informations les plus vagues quant à une tentative présumée de corrompre un juge devrait faire l’objet de l’enquête la plus rigoureuse, de la part des autorités chargées de faire appliquer la loi. Il n’est pas trop tard d’interroger les deux juges pour savoir la vérité.
Cet épisode a mis en lumière un soupçon peu reluisant. Est-ce que les “consultants stratégiques” sont régulièrement employés comme intermédiaires pour influencer les décisions des tribunaux, comme la rumeur a abondamment couru à ce sujet ces dernières années? Si tel était le cas, le système judiciaire mériterait alors d’urgence un sérieux coup de balai, et même avant le remaniement politique qui semble se préparer devant nous.
Avant ces dernières évolutions, Netanyahou décrivait la série d’allégations qui n’en finissaient jamais et lui tombait sur la tête, comme relevant d’une campagne de calomnie contre lui personnellement et de diffamation contre sa famille. Il promettait de demeurer à son poste et de continuer à gouverner par la volonté des électeurs et non celle des enquêteurs de la police.
Jusqu’à mercredi, son parti et les partenaires de sa coalition étaient tous ou presque derrière lui, “en attendant une inculpation”. Quand on les sollicite, la plupart des sondés du public disent qu’ils ne voient aucune alternative pour mettre la direction du pays entre d’aussi bonnes mains, face à ses ennemis ni une autre voix vibrante pour parler au nom d’Israël sur la scène internationale.
Le pays continue aussi de prospérer sur le plan économique comme jamais auparavant, bien qu’il n’y ait pas une part assez grande de cette prospérité qui soit redistribuée au plus grande nombre. Aussi, la longue série de victoires de Binyamin Netanyahou va-t-elle finir par s’épuiser? Ou peut-il encore une fois, retourner la situation comme il l’a si souvent fait auparavant?