Nous y sommes. Ce discours, en filigrane, que chacun avait compris, Rima Hassan l’a écrit explicitement sur X. Ce 8 mai, de surcroît, jour anniversaire de la victoire où il est plutôt convenu de célébrer la France que de la conspuer : « Ce que fait Israël à la Palestine n’est pas très différent de ce que la France faisait à l’Algérie. » La ficelle est grosse, mais elle fonctionne. Si d’aventure la communauté algérienne, si nombreuse en France, ne savait pas pourquoi elle doit soutenir les Gazaouis, et LFI de surcroît, maintenant, les choses sont claires. On reproche à certains partis comme Reconquête ou le RN de ne pas aimer l’Europe. LFI, elle, aime si peu la France qu’elle n’hésite pas à la comparer à un pays qu’elle honnit et qualifie de génocidaire.
Israël est un pays colonisateur, la France est un pays colonisateur, donc Israël et la France, même combat. Mais ce logiciel binaire à grosses cases – certains semblent le découvrir – n’est pas nouveau. Cette géo-stratégie manichéenne, faite de raccourcis, d’amalgames et d’anathèmes, est celle de générations de militants de l’UNEF biberonnés, adolescents, à la moraline de l’Éducation nationale et dotés, une fois étudiants, d’un sens critique d’huître et d’un courage de mouton de Panurge.
Il suffit ensuite de tirer le fil : « Ce que fait Israël à la Palestine n’est pas très différent de ce que la France faisait à l’Algérie », selon Rima Hassan ? Mais ce qu’a fait le Hamas aux Israéliens n’est pas très différent de ce qu’a fait le FLN aux Français. Mêmes exactions, mêmes méthodes atroces. On a tout pardonné, même le pire, au FLN, au nom de la résistance de l’opprimé contre l’oppresseur – confer la préface de Jean-Paul Sartre des Damnés de la Terre de Fanon -, pourquoi ne ferait-on pas preuve de la même mansuétude envers le Hamas ?
On reproche souvent à la droite son roman national enamouré et enjolivé de la France, mais la gauche a son roman antinational dont le fil rouge est, au contraire, la détestation et le dénigrement de notre pays. Mardi 7 mai, lors de la manifestation anti-israélienne devant Sciences Po, des étudiants arboraient, en ce jour anniversaire de Ðiện Biên Phủ, des pancartes de soutien au… Viet Minh. Quel rapport avec Gaza ? Toujours le même. Il faut punir le méchant colonisateur, contre lequel tout est permis. Y compris, comme le faisaient la CGT et le Parti communiste à l’époque, saboter les voix ferrées et les armes envoyées aux soldats (de telle façon que des grenades explosaient dans leurs mains, avant d’être lancées), cracher sur les brancards arrivant dans les ports, exhorter à ne pas donner son sang pour ces soldats blessés ou leur souhaiter, à l’instar d’une élue communiste lors d’un conseil municipal, « douze balles dans la peau » en lieu et place de colis de Noël.
Au-delà de la grossière démarche électoraliste et de l’appel du pied appuyé de Rima Hassan en direction de notre immigration à forte composante maghrébine, il y a une terrible irresponsabilité : mélanger la rancœur palestinienne à l’esprit de revanche algérien et monter en mayonnaise ce cocktail explosif peuvent avoir des conséquences dramatiques. Après avoir chauffé à blanc son électorat-cible, celui des banlieues, contre Israël, qu’elle accuse de tous les maux et de tous les crimes, LFI l’assimile à la France. LFI n’aime pas la France, mais n’aime pas non plus les Français, qu’elle n’hésite pas à mettre en danger.