Le Premier ministre israélien part en campagne auprès des grandes puissances. Il veut les convaincre que le Kurdistan irakien est l’avant-poste du monde libre face à l’Iran.
Il suffit de regarder une carte pour s’en convaincre : un Kurdistan indépendant serait un sacré bâton dans le croissant chiite que l’Iran appelle de ses vœux. Coincé entre le nord de l’Irak, l’ouest de l’Iran et l’est de la Syrie, le futur Etat perturberait la belle continuité territoriale ou en tout cas hégémonique sur laquelle la république islamique travaille depuis des années. Mais, pour les mêmes raisons géographiques, le Kurdistan irakien autonome court un véritable danger. Entourés de tous côtés, sans débouché sur la mer, les Kurdes dépendent du bon vouloir de leurs voisins. Seuls, ils ne peuvent rien et ils risquent tout. L’armée irakienne a déjà repris les champs pétrolifères de Kirkuk. Des témoignages se multiplient sur des expulsions de civils kurdes et sur leurs biens pillés et détruits par les soldats irakiens.
Le chef du gouvernement israélien est pleinement conscient de l’urgence et de la gravité de la situation. C’est pour cela qu’il s’est donné pour mission de persuader les grandes puissances de l’urgence qu’il y a à assurer la sécurité de la population kurde, mais aussi de ce qu’elles ont à gagner en soutenant un Kurdistan indépendant et pro-occidental. Le 18 octobre, Binyamin Netanyahou a longuement discuté par téléphone avec Vladimir Poutine. Si la conversation a surtout porté sur l’Iran, ce n’était pas seulement pour évoquer son avancée en Syrie. C’était aussi pour expliquer au président russe qu’il fallait également le contenir au Kurdistan et que les relations privilégiées de Moscou avec la capitale iranienne pourraient lui permettre de tempérer l’avidité de Téhéran.
Un échiquier sur lequel il faut savoir avancer ses pièces avec discernement.
Dans le même esprit, le Premier ministre israélien a dépêché des émissaires à Moscou mais aussi à Washington. Binyamin Netanyahou espère convaincre les Etats-Unis d’intercéder auprès de l’Irak pour qu’il ne cherche pas à étrangler le Kurdistan. Il s’est également adressé à la chancelière allemande Angela Merkel et au président Macron, pour qu’ils intercèdent auprès de la Turquie et les autres voisins du Kurdistan et qu’ils fassent du sujet kurde une priorité de l’agenda international. Le chef de l’exécutif israélien a en revanche réduit sa communication publique sur le dossier. Non seulement il a abandonné les déclarations de soutien à l’indépendance kurde qu’il avait exprimées à la veille du référendum, mais il a donné instruction à ses ministres de se faire discrets sur le sujet, devenu trop sensible.
La carte du Moyen-Orient, on ne le dira jamais assez, est un échiquier sur lequel il faut savoir avancer ses pièces avec discernement. Si l’Iran devient menaçant pour Israël sur sa frontière avec la Syrie, alors il faut dresser un nouvel obstacle sur sa route. Cet obstacle peut être le Kurdistan. Mais pour qu’il soit efficace, il faut que d’autres pièces le protègent. Une partie qu’Israël n’a pas les moyens de jouer seul.
Source www.actuj.com