« Ce sont là les paroles que Moché adressa à tout Israël de l’autre côté du Jourdain (Yarden), dans le désert, dans la plaine en face de Souf, entre Paran et Tofel, Lavan, Hatséroth et Di-Zahav » (Devarim 1,1).
Avec l’aide de Hachem, nous allons ouvrir le dernier livre du ‘Houmach, le Séfer Devarim. Ce livre est un long discours de Moché Rabbénou, adressé à tout le peuple quelques jours avant sa mort, il commence par le verset que nous avons cité plus haut. Rachi explique que ces paroles sont des paroles de réprimande, et que le texte va énumérer tous les lieux où les enfants d’Israël ont irrité Hachem.
Cependant, Moché dissimule leurs méfaits et ne les mentionne que par allusion, en évoquant seulement les lieux où ils furent commis, afin de ménager l’honneur d’Israël.
Au travers de son discours, Moché nous fournit donc une démonstration de l’application de la Mitsva de réprimander son prochain. Comme il est dit (Vayikra 19,17) : « Réprimande ton prochain, et tu n’assumeras pas de péché à cause de lui. ».
La «Tokhakha », ou réprimande, est une Mitsva essentielle, car elle vient défendre et préserver l’honneur de Hachem et de la Tora. Cependant, elle est aussi très délicate, et peut ‘hass veChalom avoir des conséquences très regrettables si elle est mal faite.
La Guemara (Chabbat 64b) nous enseigne : « Celui qui voit son prochain commettre une ‘avéra et ne le réprimande pas, la faute lui revient à lui comme s’il l’avait commise depuis le départ. » Cet enseignement a de quoi nous tourmenter !
Notre paracha est lue tous les ans avant le 9 av, essayons de tirer les enseignements de ces deux événements.
Il est enseigné dans la Guemara (Guitin 55b) que Yerouchalaïm fut détruite à cause de Kamtsa et Bar Kamtsa.
Bref rappel des faits: un homme [dont la Guemara de divulgue pas le nom] avait un ami nommé Kamtsa et un ennemi nommé Bar Kamtsa. Cet homme organisa un jour un banquet dans lequel furent conviés tous les grands noms, nobles, et sages que comptait la ville.
Parmi les personnes à qui une invitation fut adressée se trouvait naturellement son grand ami, Kamtsa. Mais le messager chargé de porter les invitations à la porte de chaque invité se trompa et remit une invitation à Bar Kamtsa au lieu de Kamtsa. Surpris d’avoir reçu cette invitation, il conclut que son ennemi désirait éventuellement faire un geste de réconciliation, c’est ainsi qu’il s’est rendu au banquet, en dépit des craintes qui subsistaient dans son cœur.
Le jour du banquet arriva, comme prévu les invités arrivent un après l’autre et leur hôte allait à la rencontre de chacun pour leur adresser ses salutations et un mot aimable. Soudain lorsqu’il aperçut parmi eux, Bar Kamtsa, son ennemi, il fut pris d’une violente colère et il désigna du doigt la porte en lui soumettant de quitter les lieux immédiatement.
Bar Kamtsa, mal à l’aise de la situation, aurait donné n’importe quoi pour que cet outrage lui fût épargné. Il lui proposa de payer sa part et de pouvoir rester. Mais cette proposition fut refusée, il proposa de payer la moitié du coût total du banquet, pour peu qu’on ne le mette pas à la porte aux yeux de tous, mais cela aussi lui fut refusé. Il proposa de régler tout le banquet, mais rien n’y fait, la décision était irrévocable la haine et l’orgueil étaient trop grandes.
C’est avec une grande cruauté qu’on l’empoigna par le bras et le traîna dehors. Bar Kamtsa en fut profondément blessé, mais ce qui le peina encore plus, c’est que personne parmi tous ceux qui avaient assisté à son humiliation, et parmi eux de grands sages, n’avait essayé de lui éviter ce désagrément.
Indigné de leur passivité, il alla de ce pas trouver l’Empereur romain Néron et dénonça les Juifs, les accusant de rébellion contre Rome, ce qui allait causer par la suite la destruction du deuxième Beth Hamikdach. Fin du récit.
Nous avons cité plus haut la Guemara (Guitin 55b) qui déclare que Yerouchalaïm fut détruite à cause de Kamtsa et Bar Kamtsa. Mais il y a lieu de se demander, pourquoi Kamtsa est jugé coupable, alors qu’il n’a rien fait dans cette histoire?
Le Maharcha (Guitin 55b) explique Bar Kamtsa n’est autre que le fils de Kamtsa (en effet “Bar” signifie “fils de…”). S’il en est ainsi, Kamtsa, certainement au courant de la mésentente entre son fils et son ami, pourquoi n’a-t-il rien fait pour les réconcilier ? C’est cette passivité qu’on lui reproche, et pour cette raison on le tient en partie pour responsable de la destruction du Beth-Hamikdach. Comment peut-il être l’ami de l’ennemi de son fils, et entretenir cette haine ?
Mais encore, si Kamsta n’a pas accompli son rôle de père au niveau éducatif, pourquoi n’a-t-il pas réagi sur place, le jour du banquet en raisonnant son ami de laisser son fils tranquille?
On explique que Kamtsa ne s’est pas rendu au banquet, pour la simple et bonne raison qu’il n’a pas reçu de faire part !
Encore une fois, Kamtsa dévoile un aspect négatif de son caractère. Sa fierté lui a fait dire, de ne pas se rendre au banquet de son ami parce qu’il n’avait pas reçu d’invitation, au lieu de trouver un prétexte, et de comprendre qu’il y a sûrement eu une erreur. Comment tenir une telle rigueur envers son “ami”?
Tous ces reproches concordent avec l’enseignement de la Guemara cité plus haut, « Celui qui voit son prochain commettre une ‘avéra et ne le réprimande pas, la faute lui revient à lui comme s’il l’avait commise depuis le départ. »
S’il est une Mitsva de réprimander l’autre, il en est une aussi de savoir être réprimandé. Or en général on se montrera zélé et pointilleux pour la faire, mais beaucoup moins pour la recevoir.
A ce sujet, le Cha’aré Techouva nous éclaire sur le don précieux du sens de l’ouïe, et il nous dit que l’oreille doit nous servir à écouter les réprimandes. Sur ce, il rapporte la parabole suivante (Chemoth Rabba Yitro 27,9) : « Lors d’une chute, un homme se brise tous les membres du corps ; afin de guérir, chacun d’entre eux sera bandé ou plâtré. Pour le « pécheur », celui qui est atteint d’une maladie spirituelle, ce sont tous ses membres qui sont atteints, car tous sont souillés. Pourtant D’ guérit tous ses membres grâce à un « pansement » unique : l’oreille qui écoute attentivement. Comme il est dit (Yechayahou 55,3) : « Prêtez l’oreille et venez à Moi ; écoutez et vous vivrez. »
Si le Beth-Hamikdach n’est toujours pas reconstruit, c’est sûrement que ces failles de comportements sont encore présentent de nos jours. Comme l’affirme Rabbi Chimon bar Yo’haï (Yerouchalmi Yoma 1 ;5), « toute génération qui n’a pas mérité de voir la reconstruction du Beth-Hamikdach, c’est comme si sa destruction lui était contemporaine ». Quelle en est la raison ?
Rabbi Chimon bar Yo’haï précise « toute génération » et non pas « tout homme » ou, de façon plus générale : « Chaque année où le Beth-Hamikdach n’est pas reconstruit, c’est comme s’il avait été ravagé au cours de la même année » ? Cela pour dire que chaque génération est responsable de réparer les actes individuels, et si, à chaque instant qui passe, le Beth-Hamikdach n’est pas reconstruit, c’est comme s’il avait été détruit dans cette génération, dont l’imperfection n’en ressort que davantage.
Cette période est le moment, plus que jamais, d’analyser notre comportement, et de nous améliorer dans ce domaine. Cela doit nous inciter à agir ou plutôt réagir et réparer nos actes afin de précipiter la reconstruction du Beth-Hamikdach, dans sa gloire et sa magnificence.
Étudions la Tora, ses lois et son Derekh Erets, afin que nos réprimandes soient justes et fondées. Travaillons nos Midot pour accepter la Tokhakha, afin de nous améliorer.
Nous avancerons ainsi tous ensemble vers le chemin de la Tora qui nous mènera à la reconstruction du Beth-Hamikdach très prochainement. Que ce Ticha BeAv soit le dernier jeûne et le dernier deuil que notre peuple ait à subir, avant la rédemption finale, Amen.
Chabat Chalom
Rav Mordekhaï BISMUTH
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