Nasrallah ouvert à des négociations sur l’après-guerre

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Nasrallah ouvre la porte à des négociations sur l’après-guerre.

Le quatrième discours du chef du Hezbollah depuis le début du Déluge d’al-Aqsa s’est adressé principalement à deux interlocuteurs : la base populaire du parti et… les Américains.

Illustration : Des habitants du camp palestinien de Bourj Brajné, dans la banlieue sud de Beyrouth, suivent le discours de Hassan Nasrallah, le vendredi 5 janvier 2024, tout en jouant aux cartes. 
Jusque-là, ce sont le président du Parlement, Nabih Berry, et, dans une moindre mesure, le Premier ministre sortant Nagib Mikati qui étaient chargés de transmettre les messages et surtout les réponses du Hezbollah aux chancelleries étrangères quant à d’éventuelles négociations sur l’après-Déluge d’al-Aqsa. Vendredi, c’est Hassan Nasrallah en personne qui s’en est occupé, ouvrant pour la première fois depuis le 7 octobre la porte à des discussions sur l’étape d’après. Lors d’une cérémonie d’hommage à l’un des fondateurs du Hezbollah, Mohammad Hassan Yaghi, une semaine après son décès des suites d’une longue maladie, le chef du parti chiite a en effet tenu un discours lors duquel il s’est principalement adressé à deux interlocuteurs : sa base populaire et… aux Américains.

Face à la grogne, timide mais de plus en plus audible, au sein même de la base populaire chiite qui subit au Liban-Sud des pertes considérables tant au niveau humain que matériel, Hassan Nasrallah s’est d’abord attelé à faire un bilan détaillé des combats contre les Israéliens, mettant l’accent sur les exploits de ses combattants. « Nous nous battons sur une étendue de plus de 100 kilomètres, jusqu’à maintenant, plus de 90 jours après le début de la guerre, s’est-il félicité. Nous avons ciblé toutes les positions frontalières et un grand nombre de positions plus reculées et de colonies ennemies. La résistance a jusque-là mené 670 opérations en trois mois, pour une moyenne de 6 à 7 opérations par jour. » Et de poursuivre : « L’ennemi n’admet pas les pertes et les blessés dans ses rangs. Cela fait partie de sa stratégie. Dernièrement, il a commencé à le faire, mais les chiffres qu’il avance ne sont pas exacts. Si vous saviez le nombre réel de morts et de blessés dans les rangs de l’ennemi, vous auriez compris la nécessité du combat sur ce front. »

Dans le même temps, et dans un souci évident de justifier les pertes sur un front qui dès le départ a été présenté comme un front de « soutien » à Gaza, Hassan Nasrallah a dû recourir à une rhétorique légèrement différente, qui ressemble à celle qu’il avait utilisée en vue de légitimer son intervention militaire en Syrie « pour protéger le Liban de Daech ». « La guerre aujourd’hui n’est pas seulement pour la Palestine, elle l’est aussi pour le Liban et son Sud, notamment la région du Litani », a-t-il lancé. Et d’insister : « À nos habitants dans le Sud, si, à D’ ne plaise, l’ennemi vainc les habitants de Gaza, l’ennemi viendra pour briser votre volonté, vous qui l’aviez défait par le passé. » Et de prier son public d’être « solidaire dans cette guerre, moralement et financièrement ». « La guerre est celle du Liban, tout comme elle l’est pour Gaza et al-Qods (Jérusalem) », a-t-il réitéré.

« Solution, dialogue… »

Lors de sa présentation, Hassan Nasrallah n’a pas non plus manqué de recourir à l’art dans lequel il est passé maître. En effet, tout en s’adressant aux partisans et combattants de son parti, il a envoyé plusieurs messages aux habitants du nord d’Israël, eux aussi visiblement mécontents des répercussions de cette guerre sur leur sécurité. « Durant la période passée, nous visions des objectifs militaires et non des civils. Si nous avions ciblé des habitations, c’était en réponse au ciblage de civils chez nous », a-t-il ainsi déclaré pour rejeter la responsabilité sur l’État hébreu. « La bataille dans le Sud (du Liban) vise à renforcer l’équilibre de dissuasion », a-t-il expliqué, non sans maintenir la pression, surenchère oblige, en prévenant qu’il était toujours « envisageable » que le parti s’infiltre en territoire israélien et y « occupe » des positions militaires. S’adressant par la suite directement aux habitants « qui crient tous les jours et demandent à leur gouvernement de lancer une guerre contre le Liban », Hassan Nasrallah a déclaré : « Ceci est un mauvais choix et vous serez les premiers à en payer le prix. » « La solution est que les colons du nord de la Palestine demandent à leur gouvernement de cesser son agression contre Gaza », a-t-il poursuivi.

Et c’est là toute la nouveauté de ce discours. Car non seulement Hassan Nasrallah a utilisé le terme « solution », il a également parlé d’une « opportunité historique » pour le Liban de libérer tout son territoire, « une fois que la page de la guerre sera tournée ». Un message on ne peut plus clair aux États-Unis, et plus particulièrement à leur émissaire présidentiel Amos Hochstein qui se trouve actuellement à Tel-Aviv pour poursuivre les négociations en vue d’aboutir à un règlement politique du conflit avec le Liban. Un règlement qui passe nécessairement par un accord sur la délimitation de la frontière terrestre, après celui d’octobre 2022 sur la démarcation maritime. « Le Liban pourra, si D’ le veut, après la fin de la guerre à Gaza, libérer le reste de son territoire, à commencer par le point B1, en passant par le village de Ghajar et les fermes de Kfar Chouba et Chebaa », a ainsi lancé Hassan Nasrallah.

« L’ennemi ne pourra alors plus violer notre souveraineté maritime et terrestre. » « Cette opportunité a été créée grâce à la bataille du Sud », a-t-il tenu à préciser, se présentant d’ores et déjà comme celui qui aura offert au Liban une nouvelle victoire. Tout en faisant cette ouverture, Hassan Nasrallah a pris soin de préciser qu’il n’avait rien à dire sur les questions politiques intérieures, et notamment la présidentielle. Comme pour signifier que les deux dossiers ne sont pas liés. Et de reprendre : « Mais tout dialogue ne mènera à un résultat qu’après l’arrêt de l’agression contre Gaza. » Il jette ainsi la balle dans le camp des Israéliens et des Américains afin qu’ils exercent plus de pression sur leurs alliés historiques. Quelques heures avant le discours de Nasrallah, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou recevait Amos Hochstein devant qui il a aussi montré ses cartes. Il a ainsi indiqué qu’Israël « s’engageait à apporter un changement fondamental à sa frontière avec le Liban, afin que les habitants du Nord puissent retourner chez eux et vivre en sécurité ». « Nous ne nous arrêterons pas tant que cet objectif n’aura pas été atteint, que ce soit de manière diplomatique, ce qu’Israël préfère, ou d’une autre manière », a-t-il ajouté.

Mais avant de passer à cette étape, le chef du Hezbollah a rappelé que la riposte à la frappe attribuée à Israël dans son fief de la banlieue sud de Beyrouth et qui a tué le numéro deux du Hamas Saleh al-Arouri était « inéluctable ». L’attaque « est grave et ne restera pas sans réponse », a-t-il prévenu, assurant que son mouvement allait « répondre » sur « le champ de bataille ». « Nous ne pouvons pas garder le silence sur une violation de cette magnitude car cela signifierait que tout le Liban serait exposé » à l’avenir, a souligné Hassan Nasrallah. Comprendre, encore une fois, que la riposte sera calculée et que la balle sera par la suite dans le camp des Israéliens qui devront, eux aussi, bien faire leurs calculs et la laisser passer…

JForum.fr et AFP

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