Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps
Nombreux sont ceux qui pensent qu’ils n’ont pas de chance dans la vie alors que celle-ci se présente toujours mais ils ne sont pas capables de la capter. C’est le cas de Naftali Bennett qui n’a pas la carrure d’un Premier ministre, qui n’arrête pas d’osciller d’un bord à l’autre de l’échiquier politique, qui regroupe autour de lui quelques rescapés du scrutin, qui n’est pas charismatique, et qui ne sait pas prendre de décision ferme préférant se comporter en girouette tournant en fonction du vent politique. Il a trouvé l’alibi de Gaza pour retourner à son clan d’origine, la droite pour ne pas dire l’extrême-droite où il n’est plus seul et où Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir lui disputent les mêmes électeurs. Alors à présent, il milite pour la création d’une nouvelle coalition sous l’égide de Netanyahou qu’il a maintes fois condamné dans les médias.
Mais comme Raymond Bettoun, le Grand Pardon ne fonctionne jamais quand on porte atteinte à l’autorité du grand chef. La colère de Benjamin Netanyahou ne s’estompe jamais. La démarche de retour de Bennett, sous prétexte d’une situation sécuritaire grave, ne sera pas suivie d’effet car Netanyahou a clairement indiqué à ses proches qu’il était pour un cinquième round d’élections. Il pense que la guerre contre le Hamas lui sera cette fois favorable.
Bennett essaie à présent de susciter une pression de sa faction pour convaincre Netanyahou qu’il est rentré dans les rangs. «Faites tout ce qui est en votre pouvoir pour établir un gouvernement d’unité égalitaire pour le peuple d’Israël. Ceci malgré les désaccords et la difficulté de contenir le piège politique». Au Likoud, une levée de boucliers veut empêcher Bennett de reprendre du service et Ayelet Shaked est la première à vouloir donner le coup de grâce. En effet sa rancune est persistante. Quand Bennett a été nommé ministre de la Défense, il n’a rien fait exiger un portefeuille au profit de Shaked car il préférait éviter la concurrence.
Le Likoud agit pour le retour d’Ayelet Shaked dans son parti d’origine. On lui aurait proposé un rang éligible sur la prochaine liste et fait miroiter un poste ministériel de haut niveau. Le but poursuivi est de casser Yamina, voire de faire disparaitre ce micro-parti au profit de Smotrich et Ben Gvir, plus coopératifs. L’ancien président du Barreau, Efi Naveh, négocie déjà avec Ayelet Shaked sur les propositions avancées par Netanyahou. La vengeance de celle qui se croit déjà la Dame de fer est en marche, entrainant Yamina dans la tombe et excluant toute chance de Bennett de dépasser le seuil électoral comme en 2019. Il faut dire qu’elle était déjà très réservée quant à sa participation à un gouvernement Lapid.
L’opposition croit encore à ses chances, pourtant faibles, de constituer un gouvernement malgré le conflit avec le Hamas. Mais il est certain que Bennett ne sera pas Premier ministre, un rêve qu’il caresse depuis des mois. Il a laissé passer sa chance et il n’obtiendra rien de pareil, même s’il faisait allégeance au Likoud et même si à nouveau il rejoignait Yaïr Lapid qui déteste les zigzags de Yamina. On lui offrira à la rigueur un strapontin ministériel car les partenaires du Bloc du changement sont unanimes à ne plus croire en Bennett qui d’ailleurs ne pèse plus sept députés mais seulement quatre après le départ planifié d’Ayelet Shaked et de ses amis qui feront sécession.
Les chances de Lapid s’amenuisent et il est probable que son mandat sera rendu à la Knesset le 2 juin sans qu’une solution ne se profile à l’horizon. On s’oriente vers de nouvelles élections en septembre et vers une situation instable. En tout état de cause, Bennett a montré qu’il était un piètre politique, inconstant dans ses décisions, et sans aucune vision d’avenir. Il prouve qu’on peut réussir dans les affaires mais échouer de manière lamentable en politique.