Le monde occidental vient de découvrir l’existence de Yahia Sinwar le jour de sa mort. Le planificateur des attentats du 7 octobre 2023 se terrait depuis plus d’un an dans les souterrains de Gaza. Depuis plusieurs heures, on apprend que cet homme était d’une grande intelligence et d’une grande cruauté, qu’on lui doit les consignes de barbarie diffusées aux terroristes qui ont ensanglanté Israël. On entend les commentateurs, sur les chaînes d’info en continu, s’attarder sur ses liens avec l’Iran et sur la manière dont cette élimination aura un impact, direct ou non, sur la recomposition géopolitique de la région. Il semble, toutefois, que l’on passe à côté d’un enseignement important : la manière dont cette mort a été montrée et accueillie.
« L’explication »
D’abord, les derniers instants de Yahia Sinwar ont été filmés par un drone. On le voit, apparemment hébété, le visage couvert d’un chèche, assis sur un fauteuil, dans un appartement éventré par les explosions. Il est couvert de poussière, au point de se confondre avec le siège. Les images ont été diffusées par l’armée israélienne sans le moindre complexe, tout comme la photographie de son cadavre, avec une partie du front arrachée par une munition de gros calibre. Pas de complexes, pas de fausse pudeur dans la communication. Les Israéliens, depuis Ben Gourion, ont un mot, pour qualifier cette apparente transparence : « hasbara ». Ce mot hébreu signifie « explication ». L’idée est celle d’une propagande d’État appuyée par un lourd arsenal médiatique et un certain nombre de relais conscients ou non, mais elle a une spécificité : la « hasbara », comme son nom l’indique, se veut pédagogique et se prétend officiellement transparente. C’est de ce concept primordial que découle la communication de l’armée israélienne. Pendant les raids sur Gaza, Israël a laissé diffuser les outrages ou les abus commis par les soldats de Tsahal, filmés par des GoPro™ disséminées au sein des troupes, avant d’ajouter, en fin de film : « Ces soldats ont été sanctionnés ». La transparence du champ de bataille, dont on ne cesse de parler en ces temps d’omniprésence des réseaux, a été habilement anticipée par la communication stratégique de l’État hébreu.
En France, le non-dit
Conséquence logique de cette politique volontariste : la population fait bloc derrière son armée, alors même que Benyamin Netanyahou est toujours loin de faire l’unanimité. La mort de Yahia Sinwar a été accueillie, là aussi en toute transparence, par des scènes de liesse populaire. Il n’y avait rien eu de tel en France, rappelle Pierre Sautarel, pour le site Fdesouche, lors de l’élimination des frères Kouachi ou de Mohammed Merah. La caste médiatique française aurait probablement jugé cela obscène : le Français de souche est prié de se laisser massacrer sans faire d’amalgame et de ne pas se réjouir quand on le débarrasse d’une menace mortelle. Leur vivre ensemble est à ce prix.
Que déduire de cette « école israélienne » ? D’abord, que la transparence, réelle ou orchestrée, est une condition indispensable du débat public. Ensuite, que la mort d’un terroriste doit être saluée et qu’il n’y a rien de macabre dans cette liesse. Bien au contraire, c’est un élan vital qui se manifeste dans ce genre de circonstances. Il faut, cependant, dire qu’Israël a le droit de se défendre, ce qui n’est pas le cas des Français. Nous aurons franchi un pas quand nous cesserons nos marches ridicules et que nous aurons des drones au lieu de bougies, « de la poudre et des balles », comme dit l’enfant dans le poème éponyme de Victor Hugo, au lieu de peluches et de fleurs. Espérons qu’il ne nous faudra pas notre propre 7 octobre avant d’en arriver là.