Gilles-William Goldnadel – Montée de l’antisémitisme : qui sont les coupables ?

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FIGAROVOX/CHRONIQUE – Alors que la montée de l’antisémitisme est au cœur de l’actualité depuis quelques semaines et a suscité de nombreuses réactions, Gilles-William Goldnadel déconstruit quelques idées reçues ou raccourcis médiatiques.


Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Il est président de l’association France-Israël. Toutes les semaines, il décrypte l’actualité pour FigaroVox.


Tandis que l’aimable chauffeur de taxi maghrébin qui me ramenait jusqu’à mon domicile jeudi soir m’expliquait sans acrimonie, et manifestement sans savoir à qui il s’adressait , que les Juifs, les sionistes, les banquiers et Rothschild étaient à l’origine de la crise économique, je songeais à la vanité du débat médiatique.

La pétition contre l’antisémitisme islamique dans Le Parisien. Un pas dans le bon sens, évidemment, compte tenu notamment de la personnalité des signataires. On peut évidemment, comme dans toute réflexion collective, et c’est mon cas, y contester individuellement ici ou là un concept ou une formulation.

À raison comme à tort. Ainsi, certains linguistes distingués ont fait la fine bouche s’agissant de l’expression «épuration ethnique», appliquée aux Juifs quittant en masse la Seine-Saint-Denis. Pourtant, lorsque les trois quarts d’une population pacifique quitte un territoire pour cause de racisme violent, les deux mots employés ne paraissent pas outranciers. Je ne vois pas de notable différence avec les Serbes du Kosovo. J’irai plus loin, s’agissant de la Seine-Saint-Denis, le mot de remplacement aurait pu être employé sans mentir ni faillir. En tout état de cause, l’expression est infiniment moins discutable que celle d’«apartheid», utilisée par Jean-Louis Borloo appliquée notamment au même territoire et qui ne semble pas avoir fait l’objet d’une identique contestation par les linguistes précités. Dans ce cas précis, la comparaison avec la situation juridique et factuelle qui régnait en Afrique du Sud relève à la fois de l’offense aux Français et du mensonge à l’histoire.

S’agissant à présent de l’adresse aux autorités musulmanes françaises de demander de frapper d’obsolescence un texte divin, elle relève du vœu pieux selon moi, et du vœu impie selon ces dernières.

Et j’en viens, précisément, au texte des imams publié dans Le Monde. On pourrait évidemment considérer la réponse outragée comme désespérante, au regard de cette cécité intellectuelle et de cette susceptibilité hors de saison qui aura caractérisé une bonne partie des autorités officielles islamiques tandis que les paroles de haine s’écoulaient et que le sang juif coulait. Il n’empêche qu’on pourrait voir avant tout dans la pétition de la bonne volonté et une sortie du déni. On est loin de l’article collectif de ces intellectuels musulmans pourtant modérés publiés dans le JDD du 31 juillet 2016, et dans lequel ceux-ci faisaient la liste de tous les attentats terroristes commis en France qu’ils flétrissaient, à l’invraisemblable exclusion de ceux perpétrés contre les Juifs.

Demander de frapper d’obsolescence un texte divin relève du vœu pieux selon moi, et du vœu impie selon les autorités musulmanes.

Toujours à la décharge des musulmans de France, je rappellerai les réticences d’une partie du monde chrétien (et notamment du clergé proche-oriental) au moment où le pape Jean XXIII supprima définitivement en 1959 la prière pascale contre les Juifs «perfides», ou encore lors de Vatican II, lorsqu’il s’agit de condamner à nouveau l’appellation de «peuple déicide», déjà ébranlée par le Concile de Trente en 1566 qui avait précisé que les responsables de la mort du Christ n’étaient pas les Juifs mais bien toute l’humanité pécheresse.

Encore à décharge, cette observation contre l’illusion de ce que le présent débat serait moderne et que les rôles seraient figés. Citons d’abord Ernest Renan après qu’il a rendu un hommage critique au judaïsme: « L’islamisme ne peut exister que comme religion officielle ; quand on le réduira à l’État de religion libre et individuelle, il périra. L’islamisme n’est pas seulement une religion d’État. (…) C’est la religion excluant l’État. L’islam est la plus complète négation de l’Europe ; l’islam est le fanatisme ; l’islam est le déclin de la science, la suppression de la société civile ; l’épouvantable simplicité de l’esprit sémitique, rétrécissant le cerveau humain, (…) pour le mettre en face d’une éternelle tautologie: D’ est D’ » (De la part des peuples sémitiques dans l’histoire de la civilisation 1862). Mais l’intellectuel réformiste afghan Jamal al-Din Asadâbâdi dans le Journal des Débats lui répondit: «Je ne peux m’empêcher d’espérer que la société mahométane arrivera un jour à briser ses liens et à marcher résolument dans la voie de la civilisation à l’instar de la société occidentale pour laquelle la foi chrétienne, malgré ses rigueurs et ses intolérances, n’a point été un obstacle invincible.»

Ainsi, nous sommes condamnés à espérer.

Et toujours à décharge à l’égard des musulmans modérés de France, j’affirme qu’ils ne sont pas les premiers responsables de cette situation, mais bien davantage ceux que j’ai nommés islamo-gauchistes, qui sont bien plus gauchistes dans leur haine pathologique de l’Occident qu’attachés sincèrement aux musulmans. J’affirme que si ceux-ci, en majesté médiatique, n’avaient fait pas montre d’une bienveillante indulgence à l’égard de l’islam radical et de ses invraisemblables excès, jamais la communauté musulmane organisée n’aurait épousé cet autisme dont on lui fait aujourd’hui un trop tardif grief.

Raison pourquoi, il faudrait bien davantage reprocher aux institutions françaises de la République de demeurer sous cette influence idéologique. Comment accepter, par exemple, que la section presse du parquet de Paris – véritable parquet dans le parquet – ait osé interjeter appel à l’encontre du jugement de relaxe de Georges Bensoussan, poursuivi par ce même parquet parce qu’il avait osé mettre en cause l’antisémitisme islamique? Dans un même ordre d’idées, comment accepter les poursuites de ce même parquet à l’encontre de Nicolas Dupont-Aignan sous le prétexte délirant autant que liberticide que celui-ci ait pu considérer comme invasif l’actuel phénomène migratoire aussi irrésistible que largement illégal?

L’antisémitisme qui tue aujourd’hui en France n’est ni très vieux ni très français.

Je rappellerai que la même section n’a pas bougé le petit doigt de son bras judiciaire lorsque je lui avais déféré ces livres de l’islam radical vendus en grandes surfaces qui appelaient à la mort des Juifs des chrétiens et des mécréants.

Vanité des débats intellectuels et médiatiques que l’on voudrait décisifs lorsqu’on voit leur évolution positive, au regard de la récurrence de l’idéologie et des nécessités de la petite politique.

Nul n’est épargné, y compris au sommet de l’Olympe. Ainsi du président jupitérien.

Le voici qui croit devoir expliquer aux étudiants américains que l’antisémitisme criminel actuel serait à la confluence de l’importation du conflit israélo-palestinien, par la voie antisioniste, et de celle du «vieil antisémitisme français». C’est à la fois mésestimer la puissance de l’antijudaïsme islamique et surestimer la vigueur de l’antisémitisme nationaliste occidental discrédité par la Shoah.

L’antisémitisme qui tue aujourd’hui en France n’est ni très vieux ni très français.

À dire le vrai, je suis incapable d’écrire si Jupiter est rendu fou par la folle idéologie anti-occidentale qui lui aura fait dire que la colonisation française en Algérie était un crime contre l’humanité, ou s’il n’est pas prêt à renoncer de bonne grâce à ce front antifasciste qui lui aura servi de martingale gagnante il y a près d’un an.

Le cynisme politique n’excluant pas l’erreur intellectuelle, je ne suis pas obligé de choisir.

Source www.lefigaro.fr

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