La tension culmine depuis la décision de Trump, en mai, de dénoncer l’accord nucléaire conclu en 2015.
Correspondant à Washington
Cela a les accents d’une déclaration de guerre, mais elle ne procède pas d’un conseil d’état-major ou d’une réunion de crise à l’ONU. Il s’agit d’un tweet rageur de Donald Trump, écrit en lettres majuscules lundi à 01 h 24 du matin, au retour d’un week-end de golf dans le New Jersey. «Ce n’est pas une diversion» par rapport à la polémique sur sa rencontre avec Poutine, a souligné la porte-parole de la Maison-Blanche, Sarah Sanders.
«Au président iranien Rohani: NE MENACEZ JAMAIS PLUS LES ÉTATS-UNIS OU VOUS PAIEREZ DES CONSÉQUENCES COMME PEU EN ONT CONNU À TRAVERS L’HISTOIRE. NOUS NE SOMMES PLUS UN PAYS QUI TOLÈRE VOS PAROLES DÉMENTES DE VIOLENCE ET DE MORT. FAITES ATTENTION!»Ce tweet d’artillerie lourde se voulait une réplique à la déclaration du président de la République islamique, dimanche, recommandant à son homologue américain de «ne pas jouer avec la queue du lion, il en viendrait à le regretter. […] L’Amérique devrait savoir que la paix avec l’Iran est la mère de toutes les paix et que la guerre avec l’Iran est la mère de toutes les guerres». Hassan Rohani anticipait lui-même sur un discours du secrétaire d’État, Mike Pompeo, prononcé dimanche soir en Californie, dans lequel il a promis le soutien des États-Unis aux Iraniens qui se rebellent contre le régime.
Le tweet de Donald Trump n’est pas passé inaperçu en Iran. «FAITES ATTENTION!», a rétorqué quelques heures plus tard, exactement sur le même mode, le ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif. «Nous existons depuis des millénaires et nous avons vu la chute d’empires, y compris le nôtre, qui ont duré plus longtemps que la vie de certains pays», a prévenu le ministre, qui s’est dit «pas impressionné».
Cette rhétorique incendiaire s’inscrit dans un contexte de grande tension depuis la décision de Trump, en mai dernier, de dénoncer l’accord nucléaire conclu en 2015. Le rétablissement des premières sanctions contre le secteur bancaire iranien est prévu le 4 août. Un deuxième volet de mesures punitives s’attaquera en novembre aux exportations iraniennes de pétrole, que Washington veut réduire à néant. «Nous nous concentrons sur les pays qui importent du pétrole brut iranien afin de ramener ces transferts pratiquement à zéro d’ici au 4 novembre», a déclaré dimanche soir le chef de la diplomatie. Devant cette menace, Rohani a menacé de perturber le trafic maritime dans le golfe arabo-persique, une suggestion approuvée par l’ayatollah Ali Khamenei. Le spectre d’une guerre du pétrole a fait monter lundi le cours du baril de brut au plus haut depuis trois ans.
«Conséquences jamais vues»
Début juillet, Trump avait tancé les membres de l’Opec sur Twitter à propos des prix trop élevés du pétrole et du gaz: «Leur monopole ne fait rien pour aider, ils poussent même les prix à la hausse alors que les États-Unis défendent beaucoup de leurs membres pour très peu d’argent. BAISSEZ LES PRIX MAINTENANT!» Le cours du carburant à la pompe est considéré comme un indicateur du bien-être économique des électeurs américains, qui se rendront aux urnes le 6 novembre pour des législatives où Donald Trump joue sa majorité.
La menace de «conséquences jamais vues» vise à prévenir Téhéran que Washington ne tolérera pas de représailles à sa propre offensive.
«J’ai parlé plusieurs fois au président ces derniers jours et il m’a dit que si l’Iran fait quoi que ce soit de négatif, il paiera un prix comme peu de pays en ont payé auparavant», a insisté lundi le conseiller à la sécurité nationale, John Bolton.
Fin mai, dans son premier discours de politique étrangère, Mike Pompeo avait dressé une liste de douze exigences à remplir par Téhéran, de la neutralisation de son programme nucléaire et de ses missiles à l’arrêt de toute déstabilisation régionale. Parallèlement, il annonçait «les sanctions les plus dures de l’histoire», qui forceraient l’Iran à «batailler pour maintenir son économie en vie». Ces sanctions, susceptibles d’aggraver le mécontentement qui fait descendre la population dans la rue depuis janvier, conduisent l’Administration américaine à passer à l’autre volet de son travail de sape: le soutien aux dissidents. Le réseau public BBG (Voice of America, Radio Free Europe, etc.) s’apprête à développer une chaîne en farsi 24 heures sur 24, diffusée sur tous les supports existants (télé, radio, Internet), «afin que les Iraniens sachent que l’Amérique est à leurs côtés», dit Pompeo. Un effort de propagande «susceptible de fomenter l’insoumission», traduit le Washington Post.
Officiellement, l’Administration Trump vise «un changement de comportement» et non un changement de régime. Mais la frontière est mince lorsque Washington déclare une guerre économique et idéologique totale aux mollahs «hypocrites», qui «s’enrichissent comme une mafia» sur le dos du peuple et lui font vivre «un cauchemar».
Source www.lefigaro.fr