Par Alain Destexhe
Alain Destexhe est député belge, ex sénateur, initiateur de la commission d’enquête du Sénat belge sur le génocide du Rwanda. Il a également été secrétaire général de Médecins Sans Frontières
Alain Destexhe, ancien secrétaire général de Médecins sans Frontières, met en doute l’impartialité et l’indépendance de cette organisation internationale.
Une partie importante du personnel de MSF à Gaza partage les combats du Hamas et a soutenu les attaques du 7 octobre.
MSF a repris la fake news d’une “attaque israélienne” sur l’Hôpital Ahli Arab. Un médecin MSF, repris par la presse du monde entier, a affirmé que “le nombre de tués dépasse 500 et va augmenter” (le bilan serait en réalité de 10 à 50 morts). MSF n’a jamais reconnu sa responsabilité dans la diffusion de cette fake news.
Dans ses X (tweets) MSF n’a jamais dénoncé les crimes du 7 octobre par le Hamas, la prise en d’otage de civils, l’utilisation des hôpitaux comme casernes ou boucliers humains.
MSF présent en nombre depuis longtemps à l’hôpital Al Shifa, fournit dans ses tweets des informations précises sur la situation de l’hôpital. Or des otages y ont été amenés et des armes trouvées. MSF insiste sur la notion de “sanctuaire” pour les structures médicales.
Est-il possible que MSF et ses employés n’aient rien su et vu des violations du droit humanitaire dans l’hôpital par le Hamas ?
Alors que MSF épargne le Hamas, l’organisation accuse Israël de tous les crimes avec des termes comme “massacres”, “anéantissement”, “sacrifice assumé et organisé”.
Le vice président de MSF (Ghassan Abou Chaar) a fait un tweet très ambigu le 7 octobre qui peut être interprété comme une justification de l’attaque du Hamas.
MSF évoque sans cesse le droit humanitaire, mais son interprétation est à géométrie très variable selon qu’il s’agisse du Hamas ou d’Israël.
La Charte de MSF proclame la neutralité, l’impartialité et l’indépendance de l’organisation. Dans sa communication, MSF a failli à son rôle humanitaire et à sa propre charte.
Comme des otages sont passés par l’hôpital Al Shifa, se pose la question d’une éventuelle complicité de personnel de MSF avec les auteurs d’actes de terrorisme. Comme il y a des otages français et américains, la justice de ces pays devrait enquêter sur ces allégations. Médias et politiques devraient faire preuve de vigilance et vérifier les sources lorsqu’ils reprennent les accusations de MSF contre Israël.
Atlantico : Vous publiez un rapport de 47 pages dans lequel vous mettez en cause la neutralité et l’indépendance de Médecins Sans Frontières. Selon vous, une partie importante du personnel de MSF à Gaza partage les combats et a soutenu les attaques du 7 octobre. Comment en êtes-vous arrivé à cette conclusion ? Quels sont les éléments qui vous permettent de l’affirmer ?
Alain Destexhe : Le rapport est basé sur deux éléments : d’abord, les tweets officiels de l’organisation de Médecins Sans Frontières (MSF) et ensuite l’analyse d’une centaine de comptes Facebook d’employés de MSF à Gaza. En recoupant ces deux sources, on voit plusieurs choses.
On voit d’abord qu’une partie tout à fait significative des employés de MSF à Gaza se sont réjouis ouvertement de l’attaque du 7 octobre. Depuis le début, MSF a choisi de cibler Israël en ne condamnant pas les attaques du Hamas – donc les atrocités du 7 octobre – l’utilisation des hôpitaux comme boucliers humains par le Hamas, etc. Or MSF est présent avec 300 personnes à Gaza. Il est un acteur de premier plan. Il ne peut pas ignorer ce que fait le Hamas à Gaza. Ils ont d’ailleurs repris la fake news de l’attaque israélienne sur l’hôpital Ahli Arab. Ils ont affirmé à ce moment-là que des centaines de personnes avaient été tuées, en se contentant de répéter les chiffres des « autorités locales » , ont-ils dit. Or, il s’agit des chiffres du Hamas. Mais ils ne l’ont pas dit. Et par la suite, ils n’ont jamais reconnu leur responsabilité dans cette fake news. MSF avait repris les mots d’un médecin qui a affirmé que le plafond leur était tombé sur la tête.
Ce même médecin, le lendemain, alors qu’on sait qu’il s’agissait d’une fake news, écrit sur son Facebook cette fois-ci : « Nous savons maintenant que le nombre de tués dépasse 500. Ce nombre va augmenter. C’était le crime le plus annoncé de l’histoire. » Il perd dès lors toute crédibilité, mais ses propos sont repris sur la BBC et dans plusieurs médias internationaux.
En revanche, quand il faut dénoncer les actes de l’armée israélienne, MSF est toujours là pour en parler.
Il y a aussi des accusations qui sont lancées, non prouvées. À un moment, MSF parle d’un sniper qui aurait tué trois personnes dans l’hôpital. Voilà, ce n’est pas nécessairement quelque chose de prouvé. Il y a le fait que des responsables du siège de MSF, le premier jour, font un tweet où ils disent qu’il y a des roquettes qui partent de Gaza. Puis MSF poste le tweet en anglais. MSF affirme qu’il y a une riposte israélienne et s’ensuit une escalade. Mais dans le tweet de MSF en arabe, on ne parle pas de la première frappe du Hamas et on ne parle pas d’escalade. Cela donne l’impression que c’est Israël qui a commencé à attaquer.
Alors, vous dénoncez, si j’ai bien compris, la partialité de MSF, mais ça va même plus loin, puisque si on prend l’exemple de l’hôpital Al-Shifa, soupçonné par Tsahal d’être aussi une structure militaire du Hamas. Pour vous, il est impossible que MSF n’ait rien su ou vu des violations du droit humanitaire dans l’hôpital par le Hamas. Ça les rend complices du Hamas ?
D’abord, je vous corrige légèrement. Ce n’est pas « soupçonné ». « Soupçonné », c’était avant qu’on ait eu la preuve que l’hôpital Al-Shifa était tenu par le Hamas. Maintenant, ce ne sont plus des soupçons, ce sont des preuves, puisqu’on a tous vu ces vidéos d’otages dans l’hôpital. On a vu les armes et les tunnels qui commencent juste au pied de l’hôpital Al-Shifa. Or MSF travaille à l’hôpital Al-Shifa depuis très longtemps.
Quand l’armée israélienne attaquait Al-Shifa, MSF a donné des descriptions très précises de la situation. Ils ont beaucoup communiqué sur ça. On peut légitimement se demander ce que savaient les employés de MSF à Al-Shifa, à la fois sur l’utilisation de l’hôpital comme caserne ou entrepôt d’armes de la part du Hamas, mais aussi sur la présence éventuelle d’otages.
Étant donné qu’il y a des otages français, j’estime que la justice française devrait enquêter sur les points soulevés.