La semaine dernière, le Hamas a tenté d’assassiner Rami Hamdallah, le Premier ministre palestinien de l’Autorité palestinienne dominée par le Fatah, à Gaza (1).
Ce dernier a été victime d’un attentat à l’explosif mais a survécu.
Selon les premiers éléments de l’enquête, une seconde bombe n’a pas explosé, et elle contenait une carte Sim de la compagnie téléphonique Ooredoo.
Suite à cette tentative d’attentat ratée, le Hamas est devenu plus agressif.
- Samedi, le Hamas a fermé les bureaux d’une société de télécommunications qatarie-palestinienne (2), dans le cadre de son enquête sur l’explosion qui visait le Premier ministre palestinien en visite. Le porte-parole de la police du Hamas, Ayman Batniji, a déclaré samedi que Wataniya Mobile, une filiale d’Ooredoo, a été fermée pour « refus de coopérer » à l’enquête.
- Puis le Hamas s’en est pris à Israël, en menaçant la vie du chef du Conseil de Samarie, Yossi Dagan, après avoir publié une vidéo montrant sa maison et son adresse (3).
Le président palestinien Mahmoud Abbas a parallèlement pris des mesures préventives en vue d’un éventuel dévoilement d’un nouveau plan de paix au Moyen-Orient par la Maison-Blanche qui devrait être annoncée au cours des deux prochains mois. Il a convoqué le Conseil national palestinien, l’organisme le plus proche d’un parlement palestinien, à se réunir à Ramallah à la fin du mois d’avril.
Les 700 délégués du CNP élisent les membres du Comité Exécutif de l’OLP l’Organisation de Libération de la Palestine, l’organe directeur suprême au sein de l’organisme-cadre comprenant la plupart des groupes de libération nationale palestiniens tels que le Fatah, le Front Démocratique pour la Libération de la Palestine (FDLP), le Front Populaire pour la libération de la Palestine (FPLP) et des groupes dissidents.
Le CNP, ainsi que l’Organisation de libération de la Palestine, ont été marginalisés depuis la signature d’un accord de paix entre Israël et les dirigeants palestiniens en 1993. La dernière fois que le CNP s’est réuni, c’était en 2009 pour une session d’urgence.
Mais il y a des raisons impérieuses pour convoquer le CNP à cette étape.
La légitimité du Comité exécutif de l’OLP et du Conseil central est en danger, car les deux organismes peuvent ne pas être en mesure de tenir des sessions juridiques parce que plusieurs de leurs membres sont décédés ou sont trop âgés ou trop malades pour pouvoir y assister. C’est l’occasion pour Abbas de nommer des délégués plus jeunes, indispensables, et de tenir ses adversaires à l’écart.
En outre, Abbas qui a 82 ans et, selon certaines sources, est en mauvaise santé lui-même, sera en mesure de préparer sa succession d’une manière qui réduira les chances de ceux auxquels il ne fait pas confiance. L’élection de nouveaux membres au Comité central du Fatah lors de la réunion du CNP donnera des indices quant à celui qui pourrait lui succéder. Parmi les candidats possibles figurent Majed Faraj, Jibril Rajoub, Mahmoud Al-Aloul et Mohammed Shtayyeh.
« Le président palestinien se prépare au pire et l’un de ses sacrifices immédiats était la réconciliation avec le Hamas, qui semble maintenant aller nulle part, mais ses possibilités de choix sont limitées et le temps presse. »
- Des sources proches d’Abbas disent qu’il a perdu confiance dans l’administration américaine et qu’il pense maintenant que la Maison-Blanche est impatiente de le voir remplacé.
- Il se méfie également des intentions de certains pays arabes, et il pense qu’il va subir des pressions pour accepter l’accord de paix du président Donald Trump.
La relance du CNP et de l’OLP est une initiative stratégique pour que ces organismes soient prêts à prendre le contrôle de la prise des décisions palestiniennes dans le cas où Abbas serait forcé d’abandonner son poste dans un proche avenir. Les mêmes sources proches d’Abbas disent que ce qui sera offert par les Etats-Unis est en deçà des exigences minimales palestiniennes pour un règlement juste et durable.
Suspension de la reconnaissance d’Israël
Le CNP devrait entériner les décisions adoptées par le Conseil central palestinien en janvier, dont l’une était une recommandation de suspendre la reconnaissance d’Israël.
Il soutiendra également l’appel d’Abbas du mois dernier au Conseil de sécurité de l’ONU à organiser une conférence de paix cette année ce qui ouvrira la voie à la pleine adhésion de l’Etat de la Palestine à l’ONU et à l’adoption du parrainage multilatéral du processus de paix.
Fin du rapprochement avec le Hamas
En demandant au CNP de se réunir, Abbas a effectivement renoncé aux efforts de réconciliation avec le Hamas à Gaza.
- Le Hamas et le Mouvement du Jihad Islamique ne sont pas membres du CNP et les accords précédents avec Abbas avaient appelé à la restructuration complète de l’OLP, ce qui n’est pas arrivé.
- L’Autorité palestinienne continue à blâmer le Hamas pour n’avoir pas permis au gouvernement de Ramallah d’assumer ses responsabilités à Gaza.
- En écartant le Hamas et le Jihad islamique, Abbas semble avoir réduit ses objectifs immédiats – dont la réconciliation ne fait plus partie. Il est certain que la tentative d’assassinat manquée de mardi contre le Premier ministre palestinien Rami Hamdallah à Gaza et la condamnation immédiate du Hamas par l’Autorité palestinienne enterrera les efforts de réconciliation actuels pour très longtemps.
- Les critiques croient qu’en organisant le CNP à Ramallah, Abbas cherche à tenir à l’écart ses rivaux, qui sont en exil et ne sont pas autorisés à entrer en Judée Samarie par Israël ; manipulant ainsi le résultat de la conférence. Et, selon les critiques, Abbas renforcera, par conséquent, le contrôle du Fatah et ne fera pas grand-chose pour élargir la représentation des Palestiniens dans la diaspora.
Il est clair que, bien que les circonstances entourant la convocation du CNP soient loin d’être idéales, le leader palestinien a choisi d’intégrer dans le corps législatif de l’OLP le rejet de la proclamation de Jérusalem comme capitale d’Israël par Trump et du monopole américain sur le processus de paix.
Aussi symbolique que cela puisse être, il sera difficile pour n’importe quel successeur de s’écarter d’une telle position.
Abbas a dit à son proche entourage qu’aucune force au monde ne le ferait changer de position. Après la réunion du CNP, Abbas a l’intention d’intensifier la campagne diplomatique pour rejoindre plus d’organisations de l’ONU et pour poursuivre les crimes de guerre d’Israël devant les tribunaux internationaux.
Abbas se prépare au pire
Mahmoud Abbas s’attend à la détérioration de son état de sa santé, il prépare la nomination de son successeur, il envisage la chute possible de l’Autorité Palestinienne, considérée de plus en plus comme un obstacle à la paix et non comme le partenaire obligatoire pour la paix, et «les effets sismiques» dans le cas où il refuse le plan de paix de Trump.
L’un de ses sacrifices immédiats de la convocation à la hâte du CNP est la réconciliation palestinienne, qui semble maintenant aller nulle part.
Mais les possibilités de choix d’Abbas sont limitées et le temps presse.
Et les habitants de Gaza s’attendent au pire, coincés entre les rivalités meurtrières des deux clans. Ils craignent que la tentative d’assassinat du Premier ministre et les différences politiques entre les deux factions se terminent en bain de sang.
© Oksana Zvirynska pour Dreuz.info.
• Osama Al Sharif (4) est journaliste et commentateur politique basé à Amman. Twitter: @ plato010
Sources :
(1) https://www.dreuz.info/2018/03/13/a-gaza-la-reconciliation-entre-les-palestiniens-avance-bien-le-hamas-a-tente-dassassiner-le-premier-ministre-du-fatah-rival/
(2) http://www.arabnews.com/node/1268581/middle-east
(3) http://www.israelnationalnews.com/News/News.aspx/243298
(4) http://www.arabnews.com/node/1265421