par Gershon Hacohen
La récente décision de la procureure en chef de la Cour pénale internationale de La Haye d’enquêter sur la responsabilité d’Israël pour «crimes de guerre» contre les Palestiniens a été applaudie par l’Autorité palestinienne (AP) – pour une bonne raison.
Cette décision représente le point culminant de la stratégie que le président de l’AP Mahmoud Abbas a adoptée lors de son entrée en fonction fin 2004. Selon lui, la guerre terroriste déclenchée par son prédécesseur en septembre 2000 (connue sous le doux euphémisme jihadiste rassembleur d ‘«Intifada Al-Aqsa ») , malgré les milliers de victimes qu’elle a exigées d’Israël, a été un échec total. Elle n’a pas provoqué l’effondrement de la société israélienne ni mis un terme aux implantations en Cisjordanie/ Judée-Samarie, encore moins fait avancer la supposée «libération de la Palestine», et elle a nui à la cause palestinienne en contribuant à les qualifier d’ennemis de la paix (recours systématique à la violence).
Abbas a proposé une nouvelle approche: «Arrêtons la militarisation de l’intifada. Faisons ce que nous sommes appelés à faire et convainquons le monde que nous avons rempli nos obligations. » Bien que beaucoup aient considéré cela comme signifiant qu’Abbas répudiait l’héritage d’Arafat et choisissait la paix, ce n’était en fait qu’un nouveau moyen d’atteindre le même objectif ultime de «libération de la Palestine» (c’est-à-dire, un État palestinien sur les ruines de la destruction d’Israël) auquel l’OLP (et l’Autorité palestinienne, qui est sous l’égide de l’OLP) ont adhéré avec fermeté.
L’approche d’Abbas remplace la «lutte armée» par une campagne diplomatique internationale visant à forcer Israël à se retirer aux «frontières de 1967» sans règlement de paix, tout en concédant le «droit au retour» – l’euphémisme palestinien standard pour détruire Israël en l’inondant de millions de «réfugiés». En tant que telle, l’approche d’Abbas était et continue d’être en totale violation des obligations contractuelles de l’OLP en vertu des accords d’Oslo des années 1990.
Étonnamment, malgré 25 ans de violations palestiniennes systématiques de ces accords, des milliers de victimes et la transformation de Gaza en bastion terroriste qui perturbe constamment la vie quotidienne en Israël, les politiciens israéliens s’accrochent toujours à l’illusion que l’OLP est un partenaire pour la paix.
Par exemple, l’ancien Premier ministre Ehud Olmert a suggéré que la prochaine campagne électorale se concentre sur la reprise des négociations avec l’Autorité palestinienne. “L’absence de telles négociations”, écrit-il à Maariv le 20 décembre, “n’est rien de moins qu’un coup stratégique porté à l’intérêt existentiel suprême d’Israël.”
Non seulement les propositions de paix d’Olmert à la conférence d’Annapolis de 2007 ont été rejetées d’emblée par Abbas, malgré les concessions de grande envergure qu’elles impliquaient, mais ces concessions divergeaient radicalement de la conception de la paix israélo-palestinienne qui avait conduit Yitzhak Rabin à signer les accords d’Oslo en tout premier lieu.
Dans son dernier discours à la Knesset le 5 octobre 1995, environ un mois avant son assassinat, Rabin a exposé les contours fondamentaux du règlement final :
- “Une Jérusalem unie, qui comprendra Maalé Adoumim et Giv’at Zeev, en tant que capitale d’Israël sous souveraineté israélienne.”
- «La frontière de sécurité pour la défense d’Israël sera située dans la vallée du Jourdain au sens le plus large du terme.»
- «[L’État palestinien] sera une entité qui est moins qu’un État, qui dirigera indépendamment la vie des Palestiniens sous son autorité.»
Alors que Rabin considérait Oslo comme un processus basé sur la réciprocité, il s’est plutôt transformé en une pente glissante le long de laquelle tous ses principes se sont effondrés. Depuis l’époque des concessions sans précédent d’Ehud Barak au sommet de Camp David (juillet 2000), auxquelles Olmert a ajouté encore plus, la division de Jérusalem est devenue le point de départ des négociations, avec l’abandon total de la vallée du Jourdain et l’établissement d’un État palestinien en pleine souveraineté. À cela s’ajoute le précédent d’une compensation territoriale (en violation de la résolution 242 de l’ONU) pour les «blocs d’implantations» (qui constituent 3 à 6% de la Cisjordanie et de la vallée du Jourdain) par laquelle des zones vitales en Israël seront transférées aux Palestiniens.
La direction palestinienne comprend très bien le pouvoir d’extorsion qu’elle exerce. Plus la ferveur israélienne est grande pour «se séparer» des Palestiniens, plus le prix que les Palestiniens peuvent exiger sans réel compromis est élevé. Cette capacité d’extorsion obtient le vent en poupe lorsque le discours israélien ferme systématiquement les yeux sur les développements sur le terrain au cours des 25 dernières années – avant tout, la fin de «l’occupation» israélienne après la mise en œuvre de l’accord intérimaire d’octobre 1995, qui a mis fin 90% de la population palestinienne de Cisjordanie (zones A et B) sous le contrôle de l’AP.
Jérusalem-Est et la zone C restent en litige. Cette dernière abrite un petit nombre de Palestiniens et comprend des communautés israéliennes de Cisjordanie, des bases de Tsahal, des artères principales, une topographie de commandement vitale et la vallée du Jourdain. Ces caractéristiques géographiques, que Rabin a personnellement spécifiées, sont ce dont Israël a besoin pour exister et se défendre. Il n’y a absolument aucun lien entre le maintien de leur contrôle et l’annexion de la population palestinienne de Cisjordanie.
Mahmoud Abbas continue d’orchestrer la campagne diplomatique qu’il mène depuis une décennie et demie, et elle n’est pas moins dangereuse pour Israël que la «lutte armée» menée par le Hamas et le Jihad islamique dans la bande de Gaza. Avec l’influence croissante de l’Iran et l’avènement d’une nouvelle série de menaces aux frontières d’Israël au nord et au sud, la reprise des négociations avec Abbas sur la base du cadre Barak-Olmert entraînerait une menace existentielle pour Israël.
Le major-général (rés.) Gershon Hacohen est chercheur principal au Begin-Sadat Center for Strategic Studies. Il a servi dans Tsahal pendant 42 ans. Il commandait des troupes dans des batailles avec l’Égypte et la Syrie. Il était auparavant commandant de corps et commandant des collèges militaires de Tsahal.
Une version anglophone de cet article a été initialement publiée par Israel Hayom et The BESA Center.
Adaptation : Marc Brzustowski