Volodymyr Zelensky l’a déclaré « A l’avenir, notre peuple tout entier constituera notre grande armée; nous ne serons pas la Suisse du futur mais un Israël en plus grand, doté de ses propres attributs », déclare le président, le 5 avril, moins de deux mois après le début de la guerre.
Certes, l’Ukraine n’est pas l’Etat hébreu, mais Kiev et Jérusalem ont en commun l’essentiel : chacun vit au quotidien avec un sérieux problème de voisinage. Entouré d’ennemis depuis sa création, en 1948, Israël s’est forgé dans les guerres contre les pays arabes et la défense de son territoire. L’Ukraine, elle, reste menacée par la Russie.
Rien d’étonnant, dès lors, si Zelensky voit en Israël un modèle pour l’avenir. Et il n’est pas seul : l’idée fait d’ailleurs son chemin au sein de la population, quand on évoque la sécurité nationale. « Nul ne sait quand ce conflit prendra fin, mais l’Ukraine est vouée, comme Israël, à faire face à un danger de guerre permanent. La vice-Première ministre d’Ukraine Iryna Verechtchouk résume l’état d’esprit général : « Notre but premier, c’est de survivre, comme Israël ».
Même en cas de victoire, les menaces russes et biélorusses obligeront Kiev à placer l’armée au cœur de son projet de société. « La doctrine sécuritaire d’Israël repose sur sa capacité à se défendre seul, sans laisser les autres mener ses propres batailles à sa place, souligne l’ancien ambassadeur des Etats-Unis en Israël Daniel Shapiro. Les tragédies de l’histoire juive ont gravé cette leçon dans l’esprit national israélien, et les traumatismes de l’Ukraine, obligée de se battre seule face à un agresseur bien plus grand, la conduisent sur cette même voie. » Pour construire cette autonomie défensive, Israël a consacré, dans les années 1970, jusqu’à un tiers de son budget national aux dépenses militaires !
A Kiev, les dirigeants entendent en outre souder les Ukrainiens autour de l’idée de peuple en armes. Fin juin, Zelensky a esquissé la mise en place d’un service militaire obligatoire « à l’israélienne ». « La grande majorité des jeunes Israéliens servent dans l’armée, puis démarrent leur carrière dans le domaine de la sécurité au sens large, pointe le diplomate Daniel Shapiro. Les citoyens s’unissent de cette manière et supportent ensemble les sacrifices nécessaires à leur sécurité. »
La logique de l’Etat israélien est construite autour de cet impératif. Lors des élections, le vote ne se décide d’ailleurs pas sur des questions d’économie, d’écologie ou de fiscalité mais sur la capacité à résister aux attaques extérieures. « Pour qu’un pays reste puissant même en période agitée, il est nécessaire de mettre en place une économie qui ne sera pas pénalisée par la guerre, soutient Yonatan Freeman, professeur de relations internationales à l’Université hébraïque de Jérusalem. Aussi, l’économie israélienne est-elle fondée sur les services et les nouvelles technologies, ce qui lui permet de continuer à fonctionner même en période de conflit. L’Ukraine, elle, devra renforcer son secteur technologique mais également construire un système d’enseignement orienté vers la résilience, ce qui passe par un lien étroit entre l’innovation militaire et civile. »
Du fait des relations économiques et politiques importantes entre Israël et la Russie, une aide officielle de l’Etat Hébreu est improbable, mais il est possible que des compagnies de sécurité privées israéliennes s’impliquent déjà dans un tel processus.
Source : L’Express (résumé) https://www.lexpress.fr/actualite/monde/guerre-en-ukraine-pour-son-avenir-militaire-kiev-regarde-vers-israel_2178648.html