Le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, l’a encore redit le 10 mai à la chaîne CNBC : le renforcement de la posture militaire des États-Unis dans le Golfe arabo-persique [GAP] vise à permettre de répondre à toute attaque contre des « intérêts américains […] n’importe où au Moyen-Orient » et que, le cas échéant, cette « réponse sera appropriée, qu’il s’agisse d’une force iranienne ou d’une entité contrôlée par les Iraniens. » Et on peut parier qu’il a répété la même chose à l’occasion d’une réunion de ses homologues de l’Union européenne [UE], ce 13 mai. Réunion à laquelle il s’est « invité » pour évoquer les tensions actuelles entre Washington et Téhéran.
Déjà qu’elles n’était pas au beau fixe après la décision de M. Trump de retirer la signature américaine de l’accord sur le programme nucléaire iranien, les relations entre les États-Unis et l’Iran ne cesse de se dégrader davantage depuis plusieurs semaines.
Ainsi, Washington a mis un terme aux exemptions ayant permis à huit pays [Chine, Corée du Sud, Grèce, Inde, Italie, Japon, Taïwan et Turquie, ndlr] d’acheter du pétrole à l’Iran sans risquer de sanctions américaines et a imposé de nouvelles mesures contre les secteurs iraniens de l’aluminium, du cuivre, du fer et de l’acier. À cela s’ajoute la décision de l’administration Trump de considérer les Gardiens de la révolution [IRCG] comme une organisation terroriste.
De son côté, l’Iran a indiqué qu’il en ferait de même avec les forces américaines déployées au Moyen-Orient et qu’il suspendrait certains de ses engagements pris dans le cadre de l’accord sur son programme nucléaire. Quant aux pays européens, notamment ceux qui ont négocié ledit accord [Royaume-Uni, France et Allemagne], ils sont pris entre le marteau et l’enclume.
En effet, les États-Unis leur mettent la pression pour qu’ils adoptent une ligne plus dure face à l’Iran tandis que, à Téhéran, on reproche à ces mêmes pays européens ne pas en faire assez pour préserver l’accord difficilement obtenu à Vienne, en juillet 2015. Et faute d’avancée, les autorités iraniennes se gardent la possibilité de renoncer à d’autres restrictions imposées à ses activités nucléaires.
« Les déclarations faites par l’Iran sur ses engagements sont très préoccupantes et l’ultimatum n’est pas convenable », a commenté Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères. Mais, dans le même temps, « en Europe, nous considérons que cet accord est nécessaire à notre sécurité. Personne ne veut voir l’Iran posséder l’arme nucléaire », a ajouté Heiko Maas, son homologue allemand.
Par ailleurs, histoire de corser le tout, il faut aussi prendre en compte les activités iraniennes dans le domaine des missiles balistiques. Activités qui, selon la lecture que l’on fait de la résolution 2231 des Nations unies qui entérine l’accord de Vienne, sont prohibées. Du moins est-ce l’interprétation des États-Unis et des pays européens, dont la France. En janvier, Paris a ainsi évoqué des sanctions à l’égard de Téhéran.
Quoi qu’il en soit, le chef de la diplomatie britannique, Jeremy Hunt, a résumé le sentiment général avant la réunion avec le secrétaire d’État américain.
« Nous sommes très inquiets du risque qu’un conflit se produise par accident en raison de l’escalade des tensions. Nous allons partager ces préoccupations avec nos partenaires européens et avec Mike Pompeo », a en effet déclaré M. Hunt.
Or, ce risque est bien réel… Par le passé, notamment à proximité du détroit d’Ormuz, plusieurs incidents ont eu lieu entre la composante navale de l’IRCG et des navires américaines et même européens. Cela étant, il y a déjà eu des confrontations sérieuses entre les forces iraniennes et américaines. Comme en 1988, avec la bataille des plates-formes pétrolières Sassan et Sirri, peu avant le drame de l’Airbus du vol 655 d’Iran Air, abattu par méprise par le croiseur américain USS Vincennes, qui l’avait confondu avec un F-14 iranien.
« Nous devons veiller à ne pas remettre l’Iran sur le chemin de la nucléarisation. Car si l’Iran devient une puissance nucléaire, ses voisins voudront probablement devenir des puissances nucléaires », a ensuite expliqué le chef du Foreign Office. « C’est la région la plus instable du monde et ce serait un pas énorme dans la mauvaise direction », a-t-il continué, avant d’estimer qu’il fallait une une « période de calme pour nous assurer que tout le monde comprend ce que pense l’autre partie. »