L’inquiétude lancinante des Juifs de Nantes

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Le conflit entre Israël et Palestine nourrit des amalgames malsains dans l’Hexagone. « Nous sommes Français de confession juive, pas israéliens », répète René Gambin, le porte-parole de la communauté juive de Nantes, qui estime que les autorités locales pourraient être plus attentives à l’inquiétude de ses coreligionnaires.

Le président du Consistoire israélite de Nantes a écrit aux principales autorités politiques du département pour les inviter à la synagogue, le 12 avril, jour de commémoration de la Shoah (Yom Hashoah). « Ils mettent rarement les pieds ici, glisse ce porte-parole des Juifs de Nantes.  J’ai eu envie de marquer le coup. »

Pourquoi ? « Nous avons le sentiment d’être abandonnés et stigmatisés. » La faute à cet insoluble conflit israélo-palestinien qui pourrit les relations entre les Juifs et les musulmans, bien au-delà des frontières d’Israël et de Cisjordanie. Et qui sert de prétexte à des violences absurdes, tels les coups portés la semaine dernière sur ce gamin de 8 ans, à Sarcelles, qui portait une kippa…

« Nous sommes français de confession juive, pas israéliens », dit et redit René Gambin, inquiet des dérives de moins en moins contrôlées sur les réseaux sociaux et jusque dans les cours de récré. « Dans certains collèges, « sale Juif », c’est l’insulte suprême », observe ce psychologue du travail de 66 ans, bon connaisseur des quartiers populaires nantais…

De l’huile sur le feu

Du coup, ça le rend d’une sensibilité à fleur de peau concernant les débats locaux sur la question palestinienne. René Gambin n’apprécie guère que l’ado rebelle cisjordanienne Ahed Tamimi, qui a giflé un soldat israélien, soit saluée comme une héroïne, ou qu’une élue siège un jour au conseil départemental de Loire-Atlantique avec un keffieh, cette écharpe symbole de la cause palestinienne… Pour lui et sa communauté, ça met de l’huile sur le feu.

Pourtant, l’hostilité à la colonisation des territoires palestiniens est une opinion politique respectable, pas un antisémitisme. La preuve : des Israéliens de gauche la partagent ! « Je sais ça, réplique le président du Consistoire de Nantes. Mais le problème du Moyen-Orient est très complexe. En parler sans nuance, sans mesure, conduit à des amalgames. Transformer tous les Palestiniens en héros conduit progressivement à considérer tous les Juifs comme des gens malfaisants, puis à les voir comme des cibles potentielles. »

Des cibles qui furent réelles, à Paris, en 2015, à l’Hyper cacher, ou à Toulouse, en 2012, dans l’école attaquée par Merah, rappelle René Gambin…

La communauté juive de Nantes a été épargnée par ces violences. Mais en vit les conséquences. La synagogue est protégée par la police. Et dans les périodes de vigilance renforcée, des militaires gardent l’impasse du centre-ville qui y donne accès.

« D’un côté, c’est rassurant. De l’autre, est-ce normal dans notre République d’avoir à protéger un lieu de culte ? Ça montre le climat dans lequel les Juifs vivent. Oh, ça ne nous empêche pas de pratiquer notre religion, nos nombreuses fêtes juives et nos repas ! Mais nous restons sur nos gardes. » Avec l’envie, par moments, que d’autres citoyens comprennent cette lancinante inquiétude.

Source www.ouest-france.fr

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