La décision du roi saoudien d’élever son fils, le Prince Mohammed bin Salman, 31 ans, au titre de Prince couronné et héritier du trône, à la place de son cousin Mohammed bin Nayef – dans la cadre d’un remaniement plus large, n’est pas simplement une affaire interne au sein de la hiérarchie royale, mais un événement de la portée d’un changement complet de la donne internationale, en particulier dans la région.
Les analystes de Debkafile l’interprètent comme la conséquence d’un processus régional et global introduit par Donald Trump, peu après son installation à la Maison Blanche en janvier dernier. Avec cette désignation en tant que dirigeant de facto des affaires du royaume pétrolier, le fils du roi saoudien est prêt à occuper la place qui lui est allouée au sein d’une nouvelle alliance qui va chercher à dominer les affaires du Moyen-Orient. Israël sera accepté dans cet alignement régional, pour la première fois, aux côtés des nations arabes sunnites les plus puissantes qui partagent toutes des objectifs identiques, en particulier dans le but de stopper l’Iran.
Le voyage de Trump à Riyad et Jérusalem au début mai a posé la première pierre du nouveau bloc américano-arabe-sunnite contre le rassemblement chiite autour de l’Iran et il a aussi cimenté la cooptation d’Israël en conjonction avec cet ensemble.
Ce bloc en est encore au stade de la petite enfance et il doit encore démontrer qu’il est une puissance stabilisée et prouver la sagesse de sa ligne politique. Mais ses contours ont pris forme. Le Président Trump prend le rôle dirigeant , aux côtés du Prince Mohammed bin Salman d’Arabie Saoudite, du Cheikh Mohammad bin Zayed Al Nahyan des Emirats Arabes Unis, un autre Prince couronné, du Président égyptien Abdel-Fattah El Sissi et du Premier Ministre Binyamin Netanyahu.
Trois de ces leaders maintiennent déjà des relations directes fortes -quoique discrètes- avec le Premier Ministre israélien, son appareil sécuritaire et divers services de renseignements et de l’armée.
Lors d’une conférence mardi 20 juin, le chef d’Etat-Major de Tsahal, le Lieutenant-Général Gady Eisenkott a évoqué les relations secrètes entre Tsahal et certaines nations arabes, qu’il n’a, en revanche, jamais désigné par leur nom. Il se passe clairement beaucoup de choses sous la surface, dans divers domaines politiques, économiques, financiers, des renseignements et de l’armée.
De récents événements dans la région soulignent déjà que le Président Trump agit dans d’importants domaines, tels que la confrontation avec l’Iran, la guerre contre le terrorisme,le conflit syrien et l’intervention américaine dans le conflit au Yémen, sur les conseils de deux princes couronnés arabe, plutôt que sur ceux du Secrétaire à la Défense James Mattis et du Secrétaire d’Etat Rex Tillerson.
C’est ce qu’a démontré de façon frappante la décision de Trump de passer outre la recommandation de Tillerson de s’en tenir à la diplomatie afin de résoudre la controverse qui a conduit quatre pays arabes à boycotter le Qatar, avec l’Arabie Saoudite à leur tête, là où le Président a ensuite exigé de prendre des mesures drastiques afin de mettre un terme au financement des terroristes par le Qatar. Il a, par conséquent, opté pour la position agressive proposée par l’Arabie et les Emirats contre l’Emir du Qatar, le Cheikh Tamim bin Hamad Al Thani.
Ces évolutions pèsent fortement sur les relations américano-russes. les deux princes régnant maintiennent des liens actifs avec le Président Vladimir Poutine. Ils pourraient, bien sûr, agir à titre d’intermédiaires afin de réchauffer les relations entre la Maison Blanche et le Kremlin. Mais, de l’autre côté, leur influence pourrait être contre-productive et aiguiller Trump à se lancer dans une confrontation limitée en Syrie. Il est difficile d’envisager que Washington et Moscou puissent mettre un terme à leur différend en Syrie à ce point, alors que l’un est l’allié très proche de l’Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis et que Moscou réaffirme sa fidélité envers Téhéran.
Ce resserrement des relations entre les Etats-Unis, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, l’Egypte et Israël sont la source de l’optimisme de Trump quant aux perspectives d’arracher un accord de paix palestino-israélien, une vision qui a échappé à tous ses prédécesseurs à la Maison Blanche, tout en renversant toutes les vieilles barrières anciennes de tant de décennies, entre les nations arabes les plu »modérées » et l’Etat Juif.
Les premières phases pouvant mener à un tel but sont dans les cartons. Elles comprendront la mise en lumière de leurs interactions encore cachées, ainsi que des mesures symboliques aussi importantes que l’ouverture des cieux arabes aux vols commerciaux israéliens ou des lignes téléphoniques directes.
Rien de tout cela ne devrait transpirer d’un jour à l’autre, mais est plutôt de l’ordre de plusieurs années, puisqu’il y a des oppositions au processus qui doivent être surmontées dans le monde arabe, y compris en Arabie Saoudite, ainsi qu’aux Etats-Unis même. Les critiques qui sont émises à l’encontre de Mohammed bin Salman, qui a imposé sa marque personnelle en tant que réformateur visionnaire en matière socio-économique à l’intérieur, est qu’il serait trop jeune (la trentaine), impétueux et impatient de régner sur le Royaume. Sa décision d’empêtrer l’Arabie Saoudite dans la guerre au Yémen, que beaucoup pense qu’elle ne peut pas gagner, contribue à renforcer ce portrait de nature imprudente ou téméraire.
Mais le processus lancé par Trump à Riyad a fait un grand pas en avant, ce 21 juin, avec la formalisation par le roi Salman du rôle de son fils comme le principal moteur et la personnalité vraiment dynamique au sein du Royaume saoudien. Le Roi Salman a obtenu l’approbation de 31 des 34 membres du Conseil d’Allégeance d’Arabie Saoudite, qui a confirmé le Prince Mohammed Bin Salman en tant que Prince régnant, Vice-Premier Ministre et Ministre de la Défense.
DEBKAfile Analyse Exclusive 21 juin 2017, 4:05 PM (IDT)