Liban, Tunisie, deux pays « modérés » à la peine

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Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps

L’Histoire nous rappelle que la Tunisie et le Liban étaient les deux pays qualifiés de «modérés» vis-à-vis d’Israël par les instances internationales parce qu’il était établi qu’ils seraient parmi les premiers à ouvrir des relations diplomatiques normales avec Israël. Or ils sont devenus les pays les plus extrémistes. Mais c’était sans compter sur la gangrène qui s’est abattue sur eux avec l’arrivée des islamistes au pouvoir. La peste s’est propagée dans les instances du pouvoir pour instiller la misère et le chaos. On ne reconnait plus le pays de Bourguiba et de Ben Ali qui, malgré deux dictatures, a connu, sinon la prospérité économique, au moins un niveau de vie acceptable. On ne reconnait plus la petite Suisse du Moyen-Orient qui était devenu un havre de modernisme face aux potentats arabes rétrogrades. La Révolution du Jasmin et Ennahda sont passés par là pour faire reculer le pays vers une génération en arrière. Les islamistes du Hezbollah ont gangréné le Liban, l’ancien coffre-fort du Moyen-Orient, pour le rendre dépendant de l’aumône occidentale. Il est quand même dramatique de constater que ceux qui vouent Israël aux gémonies sont ceux qui subissent de plein fouet une crise économique dramatique.

Il est à croire qu’une malédiction s’abat sur les pays qui ne respectent pas leurs Juifs. Israël ne peut se réjouir de cet état de fait et n’a aucun intérêt à un effondrement du Liban. David Hale, sous-Secrétaire d’État, a justement estimé que la situation économique au Liban est confrontée à un «désastre immédiat menant à l’effondrement imminent du Liban. Les politiciens libanais doivent montrer la volonté de réforme avant de fournir une aide étrangère au Liban. Les Libanais ne doivent pas s’attendre à un salut extérieur. Il n’y aura pas de plan de sauvetage international pour le Liban, mais il y aura une grande assistance pour réaliser le programme de réforme». A quelques kilomètres de Tel-Aviv, les deux pays ne s’entendent pas pour assurer un avenir radieux à leurs populations.

Les accusations vont bon train quant aux responsabilités au Liban. Riad Salamé est jugé coupable par les économistes libanais d’avoir causé l’effondrement économique et financier du Liban en adoptant une ingénierie monétaire et financière basée sur des emprunts à des taux élevés et la fixation de la valeur de la livre libanaise. Cette stratégie a créé une économie libanaise rentière et non productive et provoqué son effondrement économique. La livre a perdu plus de 90% de sa valeur depuis 2020 entrainant la moitié de la population libanaise à vivre au-dessous du seuil de pauvreté. Les emprunts contractés dans les années 90 s’élèvent à près de 90 milliards de dollars, doublés par les taux d’intérêt et la corruption endémique, avec la complicité des instances internationales qui ont accordé généreusement des prêts.

Le Hezbollah, coupable d’une grande partie de cette situation, est aux abonnés absents grâce à la complicité d’un président Aoun aux ordres de sa milice. Son secrétaire général Hassan Nasrallah a préparé l’élimination des Occidentaux en prônant le rapprochement avec les pays de l’Est plus ouverts aux islamistes. En 2020, le gouvernement de Hassan Diab était prêt à finaliser les propositions d’investissement chinois après l’explosion meurtrière du port de Beyrouth. Ajouté à ce drame, le gouvernement n’arrive pas à se constituer en raison des divergences du président Aoun sur le nom des ministres.

La Russie et l’Iran ont donc décidé de profiter de l’occasion pour proposer des projets d’investissements au Liban qui manque d’hydrocarbures au point de souffrir de restrictions d’essence. Faire basculer le Liban vers l’Est est un risque. D’ailleurs cette emprise de l’Iran sur le Liban inquiète particulièrement Israël. La pénurie d’essence est devenue un fléau après la fin progressive des subventions qui maintenaient l’essence sans plomb et le diesel à un prix huit fois inférieur au marché. En plein centre-ville de Beyrouth, les files d’attente de plusieurs kilomètres se sont formées face à des Libanais excédés par le manque d’essence. Comme en période de prohibition, la corruption bat son plein. La hausse de 30% des prix des carburants plonge un peu plus le Liban dans le chaos avec une répercussion sur les transports et l’électricité. La situation ne pourra qu’empirer car les réserves de la Banque du Liban sont épuisées.

En Tunisie, la situation polluée par les islamistes d’Ennahda est à l’avenant. Ils contrôlent le gouvernement et tirent toutes les ficelles pour mettre le pays sous leur coupe. Ils ont été dix ans aux affaires, dix années empreintes d’échecs et de faillite de tous les systèmes de l’État. Ils ont mis à sac le pays et ses ressources pour renflouer leurs comptes personnels et ont introduit des milliers de leurs partisans dans la fonction publique pour grever encore plus le budget de l’État, avec la complicité d’un Aoun tunisien, le président Kaïs Saïed, dont la haine pour Israël est affichée.

Pourtant ces deux pays ont tout à gagner d’une normalisation avec Israël à l’instar du royaume du Maroc. Les projets économiques avec la Maroc explosent. Les entreprises des deux pays redoublent d’efforts pour des joint-ventures communs. Quelques mois après la signature de l’accord qui a permis la reprise de leurs relations diplomatiques, le Maroc et Israël multiplient les contacts pour construire une relation économique profitable. Plusieurs projets sont en cours de négociations et des visites croisées de décideurs publics puis privés ont déjà lieu. Il s’agit d’un projet gagnant-gagnant depuis le 10 décembre 2020. Plusieurs groupes de travail chapeautés par le ministère des Affaires étrangères de chaque pays et par les directeurs généraux des départements ministériels ont été constitués. Aujourd’hui, des groupes mixtes multiplient les réunions pour identifier des projets porteurs et créer un cadre juridique adéquat qui facilitera des retombées positives au niveau politique, économique, culturel, recherche scientifique.

Cinq groupes ministériels de travail balisent le terrain et comptent un groupe diplomatique géré par les Affaires étrangères et l’Intérieur, un groupe économique destiné aux investissements présidé par le Commerce et l’Industrie, un 3ème spécialisé dans la thématique de l’agriculture et de l’environnement, un 4ème qui traite les questions de tourisme et d’aviation et enfin un dernier dont la mission est d’opérer un rapprochement sur tout ce qui se prête aux sciences, à l’innovation, l’énergie et la technologie. Ce dernier groupe de travail est composé des ministères de l’énergie des deux pays et d’autres départements comme l’éducation nationale, la recherche scientifique.

L’ambassade du Maroc vient d’ouvrir ses portes dans la rue Hayarkon, qui héberge presque toutes les chancelleries étrangères. Deux compagnies d’aviation israéliennes ont prévu des vols directs entre les deux pays. Le Maroc prépare activement l’arrivée de centaines de milliers de touristes israéliens et il n’y a pas que les Israéliens d’origine marocaine qui veulent visiter le pays. Le Maroc veut multiplier les accords pour faire venir des investisseurs israéliens, qui leur ouvrent les ports du marché américain, pour développer tous ses secteurs porteurs, comme l’automobile, l’aéronautique, le textile, jouissant d’une expertise et pour lesquels les investisseurs israéliens pourront capitaliser. Les Israéliens pourront s’installer au Maroc pour ouvrir des usines ou s’associer dans des joint-ventures avec des professionnels marocains dans tous les domaines qui présentent un intérêt lucratif.

C’est avec le même esprit que la coopération bilatérale est envisagée avec les Émirats.  En décidant le 13 août de normaliser leurs relations avec Israël, les Émirats arabes unis ont ouvert la voie à une étroite coopération. Cette collaboration met au second plan le problème palestinien en raison de l’intransigeance de l’Autorité et surtout de Mahmoud Abbas, et de l’absence d’avancée politique pour résoudre le conflit. Dotés d’une économie diversifiée, les Émirats sont tournés vers l’innovation. Israel Aerospace Industries (IAI) et Rafael Advanced Defense Systems, deux entreprises publiques israéliennes, ont signé le 3 juillet un protocole d’entente avec la firme de technologie privée Group 42, basée à Abou Dhabi, lors d’une cérémonie par vidéo-conférence. L’accord prévoit une collaboration à la mise au point d’un test de dépistage «en quelques minutes» pour le nouveau coronavirus. Le 16 août à Abou Dhabi, la société émiratie APEX National Investment a annoncé la signature d’un accord commercial avec l’israélien TeraGroup pour développer la recherche sur le nouveau coronavirus en vue de produire un test de dépistage rapide. La coopération en matière de recherche pour combattre le Covid-19 a rendu la normalisation populaire dans les deux pays.

            La Tunisie a un potentiel élevé dans les technologies avancées grâce à ses universités et aurait pu bénéficier des 40% des exportations d’Israël, la «startup nation». Les Émirats ont compris où était leur intérêt car ils vont à présent accueillir 35% des startups du Moyen-Orient. Ils investissent dans des projets innovants comme le transport autonome, le projet de train à très grande vitesse (Hyperloop) ou encore les drones, qui auraient pu en Tunisie développer des emplois et donner des débouchés aux nombreux diplômés des universités réduits à vendre des légumes sur les marchés.

        La Tunisie a volontairement rompu avec la diaspora juive tunisienne qui a bien réussi dans les affaires dans le monde. Un exemple parmi d’autres, le groupe Descamps, Zucchi et Bassetti a été acquis par un Juif d’origine tunisienne qui pourrait aider la Tunisie avec la création d’une usine textile locale. Mais tous les ingrédients sont là pour faire basculer la Tunisie dans une situation similaire à celle que vit le Liban. En effet, le budget tunisien est composé d’environ 40% de ressources d’emprunt tandis que la planche à billets fonctionne au maximum. Sauf miracle, la banqueroute n’est pas loin. Il ne faut pas s’en réjouir.

Les Émirats se sont engagés dans une sorte de révolution agricole au milieu de désert, pour réduire leur forte dépendance alimentaire. La haute technologie israélienne peut trouver notamment des solutions au manque de ressources en eau et aux fortes chaleurs du milieu désertique. La coopération bilatérale est également réalisable dans le domaine du dessalement d’eau de mer pour répondre aux besoins grandissants en eau. La Tunisie pourrait bénéficier des opportunités dans les technologies médicales et agricoles et des possibilités de coordination dans les startups et la politique d’innovation dans l’intérêt des relations politiques et diplomatiques.

Les Tunisiens et les Libanais persistent dans le combat contre Israël qui, d’une part n’apporte rien aux Palestiniens mais d’autre part aggrave leur situation économique et pénalise la nouvelle génération brimée par les impératifs islamiques. Si tant de pays arabes ont renoué avec Israël, on ne comprend pas la volonté de ceux qui veulent être plus royalistes que le roi au détriment de leur avenir. Ils le regretteront un jour mais alors il sera trop tard avec le risque qu’un gouvernement militaire réduise encore plus les libertés.

La conclusion restera au professeur de médecine tunisien Maher ben Ghachem s’adressant à Ennahda : «Depuis que vous avez pris le pouvoir on n’a pas connu un seul pourcentage de croissance sauf dans la construction des lieux de culte et le nombre des terroristes protégés par des juges sous votre baguette». Alors, vivement un ambassadeur israélien en Tunisie pour que les Juifs qui se sont exilés puissent revenir sur leur terre natale en y apportant un petit peu d’espoir. Mais beaucoup ne sont pas certains de vivre un tel jour de leur vivant.

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