Le mouvement d’Hassan Nasrallah ambitionne de conserver sa position centrale sur la scène politique libanaise lors des élections de mai prochain.
Le Hezbollah recherche-t-il un affrontement à court terme avec l’Etat hébreu ? L’absence de réaction militaire de l’organisation chiite lors des accrochages du 10 février entre Israël, l’Iran et la Syrie livre une première réponse négative à la question. En se contentant d’un message se félicitant du «début d’une nouvelle ère stratégique », le mouvement d’Hassan Nasrallah a clairement affiché son échelle actuelle des priorités. La consolidation du régime de Bachar El Assad en Syrie constitue toujours un objectif stratégique et le massacre en cours à la Ghouta orientale, où le Hezbollah intervient au sol au côté de milices pro-iraniennes venues d’Irak, d’Afghanistan et du Pakistan, avec l’appui de l’aviation russe, en apporte un témoignage sanglant. Mardi, la trêve votée par le Conseil de Sécurité et exécutée partiellement sous le contrôle russe démontrait la fragilité de ce processus de désescalade.
Mais c’est un autre processus, électoral celui-là, qui concentre de manière ascendante l’esprit des décideurs du Hezbollah. Dans deux mois, le 6 mai précisément, des élections législatives seront organisées au Liban, une première depuis 2009. Huit années secouées de crises politiques et qui ont confirmé une réalité sociopolitique incontestable : le Hezbollah est désormais un acteur incontournable au Liban. L’adoption du mode de scrutin proportionnel par une nouvelle loi électorale ratifiée en juin dernier, répondait ainsi à une vieille revendication du mouvement chiite. Un atout suffisant pour conforter son statut lors du prochain scrutin ?
L’organisation terroriste a donné le véritable coup d’envoi de sa campagne le 19 février en présentant la liste de ses candidats. Pas de programme électoral ni d’alliances révélées en parallèle mais un détail qui a largement attiré les médias locaux : quelques heures avant le Hezbollah, c’est l’autre parti chiite, Amal, dirigé par le président du Parlement Nabih Berry, qui présentait ses candidats aux législatives du printemps. « Que Hassan Nasrallah et Nabih Berry aient eu à annoncer en personne les noms de leurs candidats est le signe que leur base commence à montrer des signes d’insubordination », estime le quotidien L’Orient-Le Jour. « Le discours qui défend le caractère sacro-saint des armes est de moins en moins mobilisateur, si ce n’est par manque de crédibilité, du moins par insuffisance ».
Dissensions politiques
Le chef du Hezbollah est à nouveau monté au créneau, quelques jours plus tard, en appelant les électeurs à voter de « manière responsable ». « Aujourd’hui, en 2018, nous devons récolter les fruits d’un travail qui a commencé en 1982 et la plus importante réalisation accomplie jusqu’ici a été de protéger et de préserver la résistance ».
Les investissements consentis dans la guerre en Syrie, au détriment de l’électorat traditionnel du mouvement, pourraient néanmoins lui jouer des tours, estiment les commentateurs. Si le discours de « résistance contre l’entité sioniste » reste mobilisateur au Sud du Liban, la grogne commence à se faire entendre dans des zones davantage concernées par les fins de mois difficiles et le chômage, comme à Baalbeck-Hermel, dans l’est du pays. « Dans les ambassades saoudienne et américaine, lorsqu’ils évoquent les législatives, la circonscription qui leur importe le plus est celle de Baalbeck-Hermel », a alerté Nasrallah, pointant les visées supposées hostiles des puissances étrangères pour mieux mobiliser ses troupes.
Des dissensions politiques s’étalent aussi au grand jour. Les déclarations du ministre des Affaires étrangères libanais, Gebran Bassil, contre la responsabilité du parti chiite dans les lenteurs des réformes visant à « la construction de l’Etat » a fait grand bruit. «Sur les questions internes, le Hezbollah prend des options qui ne servent pas les intérêts de l’Etat libanais, et cela, c’est tout le Liban qui en paie le prix », regrettait M. Bassil dans les colonnes de Magazine, le Mensuel. Venant du président du Courant patriotique libre, le parti du chef de l’Etat, Michel Aoun, élu grâce au soutien du Hezbollah en octobre 2016, la sortie a fait grand bruit. D’aucuns y voient les prodromes d’une alliance à venir avec le Courant du Futur, le parti sunnite présidé par le premier ministre Saad Hariri. Lundi, ce dernier recevait une invitation à se rendre en Arabie saoudite, près de quatre mois après sa démission forcée et finalement avortée. L’avenir des législatives ne manquera pas d’être au menu des discussions à Riyad où M. Hariri a promis de se déplacer «le plus tôt possible »…
Source www.actuj.com