L’hostilité de la Suède à l’égard d’Israël ne faiblit pas

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Par Zvi MAZEL

Ancien ambassadeur d’Israël en Suède de 2002 à 2004
Chercheur au Jérusalem Center for Public Affairs.

En nommant Erik Ullenhag au poste d’ambassadeur en Israël, la Suède a tenu à nous rappeler qu’en dépit de la pandémie qui a déjà fait 4.939 morts dans le pays et provoqué une crise économique sans précédent, elle maintient son hostilité traditionnelle vis-à-vis de l’État juif. Difficile autrement d’expliquer le choix d’une personnalité qui ne cherche pas à cacher ses préjugés à l’encontre du pays où il est appelé à exercer sa mission. Un ambassadeur est en effet censé promouvoir et développer les relations entre son pays et le pays qui l’accueille ; on attend de lui qu’il ait l’esprit ouvert et fasse preuve d’une certaine sympathie pour ses hôtes.

Qui plus est, M. Ullenhag n’est pas un diplomate de carrière, ce qui lui aurait conféré un certain professionnalisme ; c’est un homme politique, un des dirigeants du parti libéral où ses positions anti-israéliennes tranchaient sur celles de ses collègues. D’abord leader de la jeune garde du parti, il fut ministre chargé de l’intégration des immigrants dans les gouvernements du centre droit issus des élections de 2006 et de 2010, puis président du groupe parlementaire de son parti jusqu’en 2016, date à laquelle il fut nommé ambassadeur en Jordanie. Après quatre années passées dans ce pays, il ne faut pas s’attendre à ce que son opinion sur Israël soit devenue plus positive.

Les quatre partis de droite de la Suède, les Modérés, le parti du Centre, les Libéraux et le parti Chrétien démocrate étaient pourtant bien disposés envers Israël tant qu’ils étaient dans l’opposition ; en formant le gouvernement, cette disposition s’était quelque peu estompée. Il faut reconnaitre toutefois que les condamnations d’Israël étaient en nette diminution par rapport à la période où les Sociaux-Démocrates, tenant d’une politique résolument anti-israélienne, étaient au pouvoir.

Seulement la droite a perdu les élections en 2014 et c’est la nouvelle équipe social-démocrate qui a envoyé Ullenhag en Jordanie et maintenant en Israël. En annonçant sa nouvelle affectation, le «diplomate» a préféré annoncer qu’il était nommé ambassadeur «à Tel Aviv» façon de souligner qu’il ne reconnaissait pas Jérusalem comme capitale. Il sait qu’il sera pourtant contraint de s’y rendre souvent, d’abord pour présenter ses lettres de créances au président, ensuite pour se rendre au ministère des Affaires étrangères.

Le parti social-démocrate, formé en 1889 a presque toujours été au pouvoir depuis 1932. Il a longtemps entretenu des liens d’amitiés avec l’État juif. Comment oublier ces jours lointains où de blondes suédoises venaient par centaines se porter volontaires pour travailler dans les kibboutzim ! La Suède avait soutenu la création d’un État juif indépendant en dépit de l’assassinat, en 1948 par le mouvement de résistance Lehi, du comte Folk Bernadotte, médiateur des Nations Unies dans le conflit entre Israël et les pays arabes, accusé de vouloir modifier le plan de partage en faveur de ces derniers.
C’est avec l’accession d’Olaf Palme à la présidence du parti social-démocrate, poste qu’il occupa de 1969 à son assassinat en 1986 que le virage anti-israélien fut pris. Deux fois chef du gouvernement, Palme abandonna la politique pro-occidentale traditionnelle de son pays pour le camp des non-alignés, alors proches de l’Union soviétique. Ses relations avec les États-Unis furent durablement impactées par son soutien au Vietnam du Nord. Il prit également position en faveur des Palestiniens en leur qualité de membres du tiers-monde et prit ses distances vis-à-vis d’Israël, enchainant les condamnations de cet État. À son initiative la Suède fut le premier pays en Europe à établir des relations avec l’OLP. Deux ans après sa mort, son successeur invita Yasser Arafat en visite officielle en Suède.

Depuis, l’hostilité envers Israël est une constante de la politique étrangère suédoise comme en témoignent le vote des délégués suédois condamnant systématiquement Israël tant aux Nations Unies qu’à l’Union européenne. Tout l’establishment politico-académique : partis de gauche, organisations de la société civile, cercles universitaires, église suédoise et groupements islamiques se mobilisent avec l’appui des médias pour ce qu’il faut bien appeler un combat contre Israël. On a pu lire dans un journal à grand tirage sous la plume d’un «expert» que la haine du Juif était normale tant qu’Israël occupait des terres arabes tandis qu’une journaliste réputée écrivait que pour comprendre ce qu’était le génocide, il fallait se rendre à Bethléem et non à Auschwitz.

Il y eut bien une embellie en 1999, lorsque le premier ministre Goran Person s’est rendu en Israël pour redémarrer des négociations entre Israéliens et Palestiniens, mais elle ne dura pas. Des condamnations répétées frappèrent Israël lors de la guerre du Liban et des opérations contre le Hamas à Gaza. Face aux attentats sanglants perpétrés par les Palestiniens la Suède se contentait généralement de fustiger la violence «des deux parties». En 2002 le prix Olaf Palme fut décernée à «la militante des droits de l’homme Hanane Ashrawi» par Anna Lindh, ministre des Affaires étrangères, qui ne ménageait pas ses critiques d’Israël et avait mis en doute le caractère démocratique du pays en 2003, peu avant son assassinat par un déséquilibré serbe.

La situation empira encore lorsque Kjell Stefan Löfven prit la tête du gouvernement en 2014. Son premier geste fut de reconnaître la Palestine comme État à part entière. Margot Wallström, sa ministre des Affaires étrangères attaqua incessamment Israël qu’elle alla jusqu’à comparer à Daesh. La tension entre les deux pays en arriva au point qu’Avigdor Lieberman, alors ministre des Affaires étrangères, refusa de recevoir Wallström lors de sa visite dans la région tandis que le premier ministre Benyamin Netanyahou rejeta la demande de Löfven qui souhaitait le rencontrer lors de l’Assemblée générale des Nations Unies.

Aujourd’hui le Parti social-démocrate est en perte de vitesse du fait de la désaffection d’une partie de son électorat qui proteste contre l’impact de l’afflux des émigrés musulmans sur la société et l’économie et se reporte sur le parti Démocrate Suédois dont la plateforme conservative et nationaliste lui vaut d’être qualifié de parti d’extrême droite par la gauche suédoise et à ce titre infréquentable. Il a obtenu 16,34% des voix aux élections de 2019, devenant le troisième parti du pays mais ni la gauche ni même la droite n’ont voulu former avec lui un gouvernement de coalition. Le parti social-démocrate n’a pas réussi à obtenir la majorité et a dû se résigner à constituer un gouvernement minoritaire. Le bloc de droite s’est scindé et Libéraux et Centristes apportent leur soutien à ce gouvernement sans y prendre part. La nomination d’Ullenhag en Israël au terme de son mandat en Jordanie est un geste envers les Libéraux tout en restant conforme à la position anti-israélienne des Sociaux-Démocrates.

Tout n’est peut-être pas perdu. Confronté sur le terrain à la réalité israélienne, le nouvel ambassadeur sera peut-être amené à réviser l’image qu’il s’en faisait…

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