Europe Terrorisme, montée de l’islamophobie, vague populiste, antisémistime… Le Grand-rabbin Goldschmidt craint pour les minorités.
La liberté de religion est en péril en Europe, le rav Pin’hass Goldschmidt en est convaincu. Grand-rabbin de Moscou et président de la Conférence des rabbins européens, ce Suisse né à Zurich a expliqué – dans un français impeccable – les raisons de son inquiétude, lors d’une conférence de presse organisée à Genève sur la sécurité des communautés israélites. Car si l’attentat à Manchester a démontré que tout le monde peut être frappé, les Juifs ont souvent été pris pour cible: à l’école juive de Toulouse, au supermarché cacher de Paris, au musée juif de Bruxelles ou encore à la synagogue de Copenhague.
«Face au terrorisme islamique, c’est le radicalisme que l’Europe devrait combattre, pas l’islam!» lance-t-il d’entrée de jeu. «Au lieu d’essayer d’interdire à quelque 50 millions d’Européens de pratiquer leur religion (ndlr: en bannissant minarets, foulards, viande halal, etc.), il faut plutôt exiger la transparence financière des organisations musulmanes, assurer la formation de leurs cadres et charger certains membres de repérer à l’interne les éléments extrémistes ! Ces trois recommandations, nous les avons transmises aux autorités partout en Europe.»
Dommages collatéraux
« Nous sommes très inquiets pour l’avenir de la liberté de religion en Europe, poursuit-il. Les restrictions contre les immigrés musulmans, nous en subissons déjà les dommages collatéraux. C’est notamment le cas sur la question de la circoncision, qui n’avait jamais été controversée auparavant. Or, cela a fait débat en Allemagne, puis maintenant en Norvège. Autre exemple : l’abattage rituel, interdit en Suisse en 1894 pour décourager les Juifs fuyant la Russie, a été pris pour cible en France par Marine Le Pen. Sans oublier la tendance à interdire le port de symboles religieux…»
Comment le rav se propose-t-il de combattre la montée des populistes ? «Ce qui nous inquiète particulièrement, c’est que l’extrême droite est à la recherche d’une légitimation de la part de la communauté juive. Nombre de ces partis, qui ont des racines nazies (notamment en Autriche), se lancent dans cette tendance. Aux Pays-Bas, c’est allé très loin, puisqu’un membre du parti de Geert Wilders était trésorier dans la communauté juive ! La Conférence des rabbins européens a réclamé qu’il soit écarté. Nous avons pris une position officielle appelant nos fidèles à se distancer de l’extrême droite.»
Imprévisible Donald Trump
Mais ce n’est pas tout. « Les partis d’extrême droite, même s’ils ne sont pas parvenus au pouvoir, ont tout de même recueilli beaucoup de voix (aux Pays-Bas, en France, en Autriche) et ont fini par dicter l’agenda politique. Les partis du centre copient certaines de leurs positions pour tenter de récupérer une partie de leur électorat. En Norvège, par exemple, ce n’est pas l’extrême droite qui s’élève contre la circoncision ! »
L’antisémitisme en Europe se nourrit de l’absence de solution négociée au conflit israélo-palestinien. Du coup, quel message les rabbins d’Europe adressent-ils au premier ministre israélien Benjamin Netanyahou? « Ronald Lauder, le président du Congrès juif mondial, dont nous sommes membres, s’est justement activé ces derniers mois pour tenter de relancer le dialogue. Il est aussi en contact avec Mahmoud Abbas. » L’avènement de Donald Trump est-il donc une bonne nouvelle pour le Proche-Orient? « Les relations avec Benjamin Netanyahou sont bien meilleures que du temps de Barack Obama, c’est certain. Mais avec Trump, il est impossible de prévoir l’avenir ! »
Source www.tdg.ch