Michael Oren, qui a été ambassadeur d’Israël aux États-Unis, explique pourquoi les pays arabes pensaient avoir de fortes raisons de croire que l’Administration Obama favorisait l’Iran à leur détriment.
Il décrit de quelle manière Trump a déjà commencé à rétablir la crédibilité des Américains au Moyen-Orient.
*************
Comment restaurer la crédibilité américaine au Moyen-Orient
par Michael Oren
(publié sur le site de CNN, le 31 janvier 2018)
CNN, qui n’a semble-t-il pas osé refuser l’article d’Oren, a publié la mise en garde suivante :
Note de l’éditeur : L’historien Michael Oren, sous-ministre israélien de la diplomatie, a été l’ambassadeur d’Israël aux États-Unis de 2009 à 2013. Les opinions exprimées dans ce commentaire sont les siennes.
«En tant qu’ambassadeur d’Israël à Washington et, plus tard, en tant que membre de son gouvernement, j’ai eu de nombreuses conversations avec des diplomates arabes, des ministres, des journalistes et des hommes d’affaires d’Egypte, de Jordanie et des États du Golfe. Tous exprimaient ouvertement leur point de vue sur le Moyen-Orient et, sans exception, tous croyaient que l’Amérique était secrètement alliée à l’Iran.
Ces dirigeants présentaient une longue liste de preuves. Le fait que les USA aient combattu les ennemis de l’Iran tels que Saddam Hussein, ISIS et les talibans, tout en refusant de mettre un frein aux conquêtes iraniennes en Syrie, au Liban, au Yémen et en Irak, était présenté comme une preuve de la collusion de Washington avec Téhéran.
C’était d’autant plus confirmé à leurs yeux que les Américains n’ont pas soutenu la Révolution Verte de juin 2009 en Iran, n’ont pas véritablement puni les ayatollahs pour leur soutien au terrorisme (au-delà des sanctions) et ne les ont pas empêchés de développer des missiles balistiques intercontinentaux capables d’atteindre l’Occident.
Que ce soit à cause des cris de manifestants scandant «Mort à l’Amérique» ou de l’assassinat de plusieurs centaines de soldats américains, l’agression iranienne– de l’avis de mes interlocuteurs arabes– n’obtiendra jamais de réplique américaine énergique.
Pourtant, aucune preuve n’était plus accablante que l’accord nucléaire iranien.
Au lieu de présenter au régime iranien un choix entre le maintien d’une infrastructure nucléaire inutile pour un programme énergétique civil et leur survie, les négociateurs internationaux, menés par les États-Unis, ont garanti les deux.
En levant les sanctions et en rouvrant l’Iran aux affaires internationales, l’accord a permis au régime de surmonter sa crise financière et de réprimer encore plus brutalement ses opposants intérieurs.
Plutôt que de démanteler l’infrastructure nucléaire de l’Iran, l’accord l’a gardé intact et a même permis la recherche et le développement de centrifugeuses beaucoup plus avancées.
En vertu des «clauses crépusculaires» (NDT : une «sunset clause» est une disposition qui permet d’automatiquement résilier une entente après une période déterminée) de l’accord, les restrictions sur l’enrichissement expireront dans huit à dix ans, date à laquelle l’Iran pourra produire suffisamment d’uranium pour fabriquer des dizaines d’armes nucléaires en très peu de temps.
En entendant ce même point de vue de tant d’Arabes influents, je ne pouvais pas m’empêcher de le trouver convaincant. Il y avait certainement de fortes raisons de soupçonner l’Administration Obama de pencher vers l’Iran.
Pourtant, en tant qu’Israélien connaissant bien la façon dont sont élaborées les politiques américaines, je ne croyais pas que les États-Unis avaient réellement mis en œuvre une stratégie consistant à abandonner le monde sunnite en faveur de la République islamique.
Je croyais plutôt que les dirigeants américains avaient pris au Moyen-Orient des décisions qui, par inadvertance, favorisaient l’Iran. En tant qu’Israélien, toutefois, je ne peux guère me permettre d’ignorer les perceptions répandues dans le monde arabe. Et les Américains ne le peuvent pas non plus.
Il y a beaucoup de discussions sur l’impact international qu’aurait l’annulation ou la modification de l’accord nucléaire iranien. Les partisans de l’accord préviennent que l’annuler coûterait cher à la crédibilité de l’Amérique et aliénerait des alliés importants.
Mais c’est l’accord lui-même qui a créé un déficit de crédibilité des États-Unis au Moyen-Orient, affaiblissant la capacité de l’Amérique à surmonter les menaces et à négocier la paix.
Les acteurs déstabilisateurs, en premier lieu l’Iran, ont exploité ce déclin du prestige régional de l’Amérique. Après 50 ans de domination américaine au Moyen-Orient– la soi-disant Pax Americana– la Russie est revenue en tant que puissance régionale.
Par chance, le processus de restauration du statut de l’Amérique au Moyen-Orient a commencé. La décision récente du président Donald Trump de décertifier l’accord nucléaire et de le soumettre à la révision du Congrès a été largement saluée à la fois dans les États arabes et en Israël. Il en va de même pour le délai de 120 jours qu’il a fixé afin que les Européens modifient l’accord.
De même, Nikki Haley, l’ambassadrice des États-Unis auprès des Nations Unies, a le mérite d’avoir attiré l’attention de l’ONU sur les violations en série des interdictions du Conseil de sécurité concernant les essais de missiles balistiques iraniens et sur son financement du terrorisme.
Le soutien que la Maison-Blanche a apporté à plusieurs milliers d’Iraniens qui ont récemment manifesté contre le régime répressif des ayatollahs a également été salué dans toute la région comme étant le signe d’une clarté morale retrouvée.
Mais il reste encore beaucoup à faire.
La communauté internationale, grâce au leadership américain, pourrait lancer une campagne afin de faire reculer les conquêtes iraniennes et combattre le terrorisme soutenu par l’Iran, par exemple le projet– heureusement contrecarré– d’assassiner l’ambassadeur saoudien aux États-Unis en 2011, en faisant sauter un restaurant populaire à Washington.
La production et les essais de missiles balistiques intercontinentaux par l’Iran doivent également cesser immédiatement et complètement.
Plus importants encore, des efforts doivent être faits pour annuler l’accord nucléaire ou le lier au comportement iranien.
Un régime complice du massacre d’un demi-million de Syriens ne peut pas posséder les moyens de fabriquer des bombes nucléaires.
Les dangers de la «clause crépusculaire» doivent être résolus en s’assurant que les restrictions de l’accord n’expireront pas tant que l’Iran sera dirigé par un régime parrainant le terrorisme.
Pendant ce temps, les inspecteurs internationaux doivent avoir accès à toutes les installations nucléaires iraniennes, y compris les sites militaires actuellement exemptés en vertu de l’accord.
Le fait de tenir une position ferme envers ses alliés arabes et israéliens contre l’Iran contribuera immensément à restaurer la crédibilité de l’Amérique au Moyen-Orient.
Cela aura un effet positif tangible sur les efforts de non-prolifération ailleurs dans le monde. Le rétablissement de la Pax Americana aidera les Arabes et les Israéliens à se rencontrer dans une atmosphère de confiance renouvelée envers les États-Unis et le rôle primordial qu’ils jouent dans notre région.
Traduction, Magali Marc (@magalimarc15) pour Dreuz.info.