Shabus Kastenbaum est le seul étudiant à avoir accepté de poursuivre en son nom l’université d’élite où il étudiait. Bien qu’il ait obtenu une proposition de compromis, il a refusé, insistant sur le fait que sans sanctions réelles, il ne pouvait pas l’accepter. Son action en justice a fait de lui une figure médiatique aux États-Unis, et il a même pris la parole lors d’une conférence du Parti républicain.
Un combat contre Harvard après le 7 octobre
Lorsque Harvard a proposé un compromis à Shabus Kastenbaum, il a refusé. Il dirigeait un groupe de six étudiants ayant intenté un procès contre l’université pour ne pas avoir protégé les étudiants juifs et israéliens contre le harcèlement et la discrimination après le 7 octobre. Alors que les autres plaignants ont accepté le compromis, Kastenbaum, seul étudiant nommé dans la plainte, a jugé l’offre insuffisante et tardive.
« Je n’accepterai pas un compromis qui n’inclut pas des réformes structurelles à Harvard », a-t-il déclaré dans une interview au journal Globes.
« Harvard avait déjà des lois contre la discrimination, mais elles n’étaient pas appliquées, donc en adopter de nouvelles ne servira à rien. Ils doivent suspendre ou licencier les professeurs qui nous ont menacés et arrêter d’accepter de l’argent du Qatar. Le compromis doit leur faire mal, car c’est la seule façon de les empêcher de recommencer. Et lors du procès, tout le monde saura ce que Harvard aurait dû faire et n’a pas fait. »
Le compromis accepté par les autres étudiants a été conclu un jour après l’entrée en fonction de Donald Trump à la Maison-Blanche. Dans cet accord, Harvard s’est engagée à adopter la définition de l’antisémitisme de l’IHRA (International Holocaust Remembrance Alliance), qui considère comme antisémites la négation de la Shoah, l’affirmation qu’Israël est un État fondamentalement raciste, la comparaison des actions israéliennes à celles des nazis, ou encore l’attribution aux Juifs en général des décisions prises par Israël. Harvard est ainsi devenue la première grande université à adopter cette définition, une décision significative si elle est suivie d’actions concrètes.
Kastenbaum estime toutefois que les déclarations ne suffisent pas.
Dans le cadre du compromis, Harvard s’est également engagée à établir un partenariat avec une université israélienne et à « s’assurer que les étudiants juifs et israéliens se sentent bienvenus et puissent s’épanouir sur le campus », bien que les modalités précises de cette mesure restent floues.
Cette décision a suscité la colère d’organisations pro-palestiniennes, qui y voient une atteinte à la liberté d’expression et une soumission à l’administration Trump.
Une discrimination persistante contre les étudiants juifs
« Avant même le 7 octobre, j’avais déjà regretté ma décision d’étudier à Harvard », raconte Kastenbaum, qui a grandi aux États-Unis et étudié dans une Yechiva à Jérusalem avant d’intégrer l’université. « Je voulais étudier les religions dans un cadre pluraliste. C’était une erreur. »
D’après lui, « il y a toujours eu un double standard envers les Juifs à Harvard. Les opinions anti-israéliennes et antisémites étaient librement exprimées, tandis que nous n’avions pas le droit de vraiment répondre. »
Après le 7 octobre, la situation s’est aggravée : « Des étudiants ont été agressés physiquement, l’un d’eux a été craché dessus. Il y avait des tweets menaçant les Juifs et les Israéliens, certains provenant même de membres du corps professoral. »
Kastenbaum a tenté de rencontrer l’administration de l’université, sans succès.
« Tout autre étudiant attaqué en raison de sa religion aurait bénéficié d’une collaboration totale de la direction de l’université pour trouver des solutions », affirme-t-il. « Les commentaires que nous avons reçus violent toutes les règles en vigueur à Harvard concernant la manière dont on s’adresse aux minorités. Mais quand il s’agit des Juifs, leur réponse est : ‘liberté d’expression’. »
Avec trois autres étudiants juifs, il a créé un groupe WhatsApp : « Nous nous soutenions les uns les autres. Nous ne protestions pas activement contre les pro-palestiniens, car il y a peu de Juifs à Harvard. Nous avons tout de même lu les noms des victimes du 7 octobre devant les manifestants installés dans des tentes. »
Un engagement politique grandissant
Au lieu de manifester, Kastenbaum a rejoint un mouvement juridique luttant contre l’antisémitisme, intentant des poursuites contre les organisations dirigeant les manifestations sur les campus, ce qui a permis de révéler les liens entre certains groupes et des organisations terroristes palestiniennes. Certaines plaintes ont également visé des médias employant des journalistes impliqués dans des activités terroristes.
Sa plainte a fait de lui une personnalité médiatique et politique aux États-Unis. Avant les élections, il a été invité à s’exprimer lors d’une conférence du Parti républicain, où il a admis n’avoir jamais voté pour eux mais qu’il y réfléchissait désormais.
« Le Parti démocrate a choisi de rompre son alliance avec les Juifs américains en n’agissant pas contre l’antisémitisme. Si les Républicains me donnent une plateforme pour parler, je la prendrai. J’aurais aimé m’exprimer lors d’une conférence démocrate, mais ils ne s’intéressent pas à ce sujet. »
Un positionnement politique complexe
Kastenbaum nuance néanmoins son engagement : « Je ne soutiens pas tout ce que représente le Parti républicain. Il y a des politiques progressistes auxquelles je crois vraiment, comme le salaire minimum, l’assurance maladie universelle et certains droits. En revanche, je soutiens la politique de Trump visant à faire payer un prix aux étudiants étrangers qui ne respectent pas les lois américaines et à taxer les universités. »
Sa position a été critiquée par des Juifs progressistes, qui accusent le Parti républicain d’exploiter son témoignage pour masquer l’antisémitisme en son sein.
Ze’ev Michel, un étudiant en théologie à Harvard, a déclaré au journal Forward que Kastenbaum ne le représentait pas et exagérait la situation : « Je me suis toujours senti pleinement intégré dans la communauté du campus. De nombreux étudiants juifs à Harvard sont affiliés à des groupes non sionistes. Au lieu de voir cette diversité comme un signe de prospérité du débat juif sur le campus, Kastenbaum l’ignore pour affirmer que toute activité pro-palestinienne est antisémite. Cette approche s’aligne avec les efforts des Républicains pour restreindre la diversité sur les campus. »
Trump entre en scène
L’arrivée de Trump à la présidence a marqué un tournant dans la lutte contre l’antisémitisme sur les campus. Dès son premier mois en fonction, il a annoncé des mesures visant à expulser les étudiants étrangers soutenant des organisations terroristes et a ordonné au ministère de la Justice de poursuivre en justice les auteurs de menaces antisémites, d’incendies criminels, de vandalisme et de violences contre des Juifs américains.
Le ministère de la Justice a depuis ouvert des enquêtes contre cinq universités, dont Columbia et Berkeley, mais pas Harvard. Il a également été question d’imposer des amendes aux universités où sont scandés des slogans antisémites.
Malgré ces mesures, les manifestations anti-israéliennes n’ont pas cessé. Cette semaine encore, un employé a été blessé lors d’une manifestation violente au Barnard College, affilié à l’université Columbia.
Pour Kastenbaum, les élections ont été une réaction à « l’hypocrisie et à l’agressivité des étudiants pro-palestiniens », qui « ont fait peur à une partie de la population américaine et nui à la réputation des universités. » Selon lui, « c’est leur comportement qui a conduit à la victoire de Trump. »