Pendant la campagne électorale, Emmanuel Macron ne semblait pas avoir de position très claire sur l’islam radical et le djihadisme. Un an plus tard, président de la République, il a prononcé aux Invalides un discours (en hommage à Arnaud Beltrame) qui nomme enfin l’ennemi. Mais pendant cette année qui vient de s’écouler, qu’a-t-il réellement fait ? Malheureusement, pas grand-chose.
La dimension culturelle de la lutte contre le totalitarisme islamiste est bien sûr la plus importante. Emmanuel Macron dit en avoir conscience. Son gouvernement a pris sur ce point quelques décisions fortes, notamment la nomination de Souâd Ayada à la tête du Conseil supérieur des Programmes (CSP), choix fondamental car l’une des principales lignes de front du conflit mondial qui oppose les Droits de l’Homme à la charia se trouve dans les lycées, les collèges, les écoles.
Un bilan catastrophique
A contrario, les propos de certains proches du président laissent planer le doute, des sorties ridicules de Christophe Castaner à l’arrogance de Yassine Bellatar, jamais démenti lorsqu’il fait valoir sa proximité avec Emmanuel Macron.
Plus que jamais, nous avons donc besoin de démarches comme l’appel des 100 contre le séparatisme islamiste ou le « manifeste contre le nouvel antisémitisme » (que l’on peut signer ici et ici), pour deux raisons au moins. Elles montrent à nos gouvernants que le déni de réalité ne prend plus et que les électeurs attendent des résultats. Elles démasquent ceux dont les objectifs réels sont, d’une part, d’exonérer l’islam de toute responsabilité afin de maintenir la fiction de sa perfection et de faciliter ses ambitions hégémoniques, et, d’autre part, de protéger les intérêts communautaires des croyants au détriment du reste du monde.
Mais qu’en est-il de la lutte contre le djihadisme à proprement parler ? Le terrorisme, la « propagande par le fait », n’est qu’un mode d’action parmi d’autres et non une fin en soi, mais il ne faut pas en négliger l’impact psychologique et politique, ni bien sûr le coût économique et surtout humain.
Sur ce point, le bilan du gouvernement est catastrophique, à tel point qu’il est permis de se demander si l’État cherche à vaincre le terrorisme ou simplement à pouvoir dire qu’il le combat – ce qui n’est absolument pas la même chose.
Démonstrations de faiblesse
Après Sun Tzu et Clausewitz, il n’est plus permis d’ignorer que la victoire ne découle pas de l’anéantissement de l’ennemi, mais de l’anéantissement de sa volonté de nous affronter. Il tient évidemment le même raisonnement à notre sujet, et évalue ses chances à l’aune de notre volonté de poursuivre la lutte. Une des conditions de la victoire est donc de prouver à l’ennemi notre détermination à le combattre.
Or, dans le cas du djihadisme, l’ennemi est prêt à tuer et à mourir, une grande partie de ses troupes ont fait face à des conditions extrêmes et n’abandonnent pas pour autant. Il est prêt à affecter la totalité de ses ressources à la bataille, ressources intellectuelles, morales, humaines, matérielles, politiques, culturelles. Voilà la mesure de sa détermination, et notre réponse doit être à la hauteur, tant en termes d’engagement que de volonté de vaincre. Les Alliés n’ont pas triomphé des nazis et libéré Auschwitz avec des bougies posées sur des charniers, par la non-violence et l’apaisement !
Et qu’avons-nous ? Un ministre de l’Intérieur qui se félicite d’avoir expulsé 20 radicalisés en trois mois ! Non seulement son résultat est lamentable, mais il ne se rend même pas compte qu’il devrait en avoir honte. Des groupes islamistes présentent des candidats aux élections, comme ailleurs en Europe. Eux et leurs alliés s’infiltrent dans le monde associatif, des clubs de sport au soutien scolaire et maintenant Act’Up. Nous collaborons avec des pays qui financent et encouragent l’idéologie qui veut nous détruire.
La lutte contre le djihadisme à l’intérieur de nos frontières s’inscrit dans le cadre plus global de la lutte contre la criminalité et de l’action conjuguée (ou qui devrait l’être) de la justice et des forces de l’ordre. Or, la prééminence donnée par l’institution judiciaire à la forme au détriment du fond, sa sévérité envers les citoyens ordinaires couplée à son extraordinaire indulgence envers les délinquants d’habitude (« culture de l’excuse »), ne peut qu’encourager toutes les contestations violentes, y compris le djihadisme.
Le syndrome de Batman
Comment respecter une société trop lâche pour combattre ceux qui menacent ses citoyens, et qui démontre sa faiblesse en recherchant systématiquement l’apaisement au prix des accommodements les plus déraisonnables ? Comment respecter ses valeurs, quand elles sont dévoyées par de soi-disant « élites », qui les invoquent pour se justifier en se donnant des airs de vertu lorsqu’elles préfèrent abandonner les faibles à la prédation des pires plutôt qu’affronter les choix éthiques difficiles qui risqueraient de troubler leur petit confort moral (pour les amateurs de comics, c’est le « syndrome de Batman » : le héros se refuse à tuer, il épargne systématiquement son ennemi qui s’évade et tue de nouvelles victimes jusqu’à ce que le héros le rattrape, et ainsi de suite. Ce « héros » accorde manifestement plus de valeur à son code de conduite et à la vie de son ennemi, qu’il connaît, qu’aux nombreuses vies anonymes qu’il sacrifie en lui laissant la possibilité de continuer à agir) ? Comment respecter la démocratie quand des magistrats sans aucune légitimité démocratique se permettent de mépriser la volonté générale ? Comment respecter la République, quand il devient nécessaire de se mettre à la limite de l’illégalité pour attirer l’attention et obtenir que l’État fasse appliquer la loi ? Comment respecter la France lorsqu’elle confond critique nécessaire et auto-flagellation systématique, lorsqu’elle reproche de ne pas s’intégrer à ceux à qui elle-même répète sans cesse qu’elle mérite qu’ils la haïssent ?
Pourtant des solutions existent, s’appuyant notamment sur les sanctions trop peu utilisées concernant les dérives sectaires, les groupes factieux, l’apologie du terrorisme ou l’intelligence avec l’ennemi.
Nous avons les moyens de vous faire plier
Elles ne résoudront pas tout, elles n’empêcheront pas tous les futurs attentats, mais elles nous donneront les moyens de riposter. La vraie politique est l’art difficile de négocier des compromis entre l’idéal et le réel. Ce n’est pas de jouer aux chevaliers blancs selon des scénarios simplistes, et sans se préoccuper du prix à payer dès lors qu’il est payé par d’autres, des habitants du Yémen aux Kurdes, en passant par les « petits blancs » des banlieues et les Juifs qui fuient le 9.3.
Nous avons les moyens d’interdire les groupes cultuels ou politiques qui refusent de se plier à nos fondamentaux anthropologiques (liberté de pensée et de conscience, égalité juridique des sexes, refus des assignations identitaires…), et préférer des interlocuteurs fiables à des interlocuteurs supposés majoritaires. Au sujet des saccages du 1er mai – qui en disent long sur la capacité de l’État à remplir ses missions régaliennes – Édouard Philippe a déclaré qu’il « condamne également l’irresponsabilité des discours radicaux qui encouragent de tels agissements. » Appliquons la même logique au CFCM, aux Frères musulmans, au PIR, au CCIF, à la Grande Mosquée de Paris !
Nous avons les moyens d’expulser les radicalisés étrangers, pour peu que les tribunaux cessent d’y faire obstacle pour des questions de pure forme et quoi qu’en pense la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
Nous pouvons reconquérir sans angélisme les « territoires perdus de la République ». Ils sont dominés par une culture qui ne respecte pas ceux qui sont respectables, mais ceux qui se font respecter. Toute main tendue avant l’épreuve de force y est prise pour un aveu de faiblesse et de lâcheté, il faut donc d’abord y démontrer la capacité de la République à s’imposer par la contrainte avant de pouvoir discuter. Commençons par y appliquer les principes simples de contre-insurrection exposés depuis longtemps par David Galula, qui sans être une panacée forment une base solide, notamment cette règle absolue qui consiste à être généreux envers nos alliés et non pas nos ennemis, contrairement à ce que propose Jean-Louis Borloo qui voudrait dépenser des milliards au profit de groupes hostiles au lieu d’investir sur les individus désireux de s’intégrer. Et souvenons-nous de ce que la Chine ancienne a merveilleusement synthétisé en une phrase : « Faites en sorte que les vaincus puissent se féliciter de vous avoir pour vainqueurs. »
Nous pouvons tous agir
Si les moyens manquent, outre un meilleur emploi des ressources de l’État et puisqu’il est question d’effort collectif, nous pourrions par exemple supprimer un jour férié pour financer une montée en puissance des forces de sécurité et des services de renseignement. Nous payons déjà bien trop d’impôts, mais un peuple qui ne serait pas capable de consacrer l’équivalent d’une journée par an à combattre un totalitarisme qui le menace aurait déjà perdu.
Réalisons un audit complet de nos services spécialisés, intégrant le retour d’expérience (retex) de tous les attentats de ces dernières années. Les meilleurs spécialistes comme les meilleures organisations peuvent connaître des échecs, mais à force le mantra « il n’y a pas eu de dysfonctionnements » est aussi absurde que le « padamalgam ».
Prenons en compte l’exigence prioritaire de lutte contre l’islamisme dans notre politique étrangère. La diplomatie est l’art de parler, même à nos ennemis, pas de nous persuader qu’ils sont nos alliés. L’Arabie saoudite, le Qatar, le Pakistan, la Turquie soutiennent idéologiquement, financièrement et politiquement l’hydre qui nous attaque. Dont acte. L’Iran n’est pas notre allié, mais ne nous menace pas directement : négocions sans relâche. La Russie a retrouvé des ambitions à sa mesure, nous découvrons qu’à côté d’elle nous sommes des nains géopolitiques ? Restons prudents, mais mieux vaudrait que le Tsar soit notre allié face au Sultan que l’allié du Sultan contre nous. Quoi qu’on puisse dire de Sputnik ou RT, la parole du Kremlin est bien moins nocive que celle d’AJ+, et des prédicateurs de Doha, Riyad ou Al Azhar !
Reste un dernier point, absolument essentiel : et nous, que pouvons-nous faire ? Chacun d’entre nous ?
Avant tout, oser la réflexion créative : plutôt que de vouloir de bonnes idées, mieux vaut avoir des idées, et ensuite seulement les soumettre à un examen critique et analyser leur efficacité, leurs inconvénients, leur faisabilité, les éventuelles objections éthiques. Mais d’abord, avoir des idées ! Et être à l’écoute de celles des autres pour relayer celles qui nous semblent bonnes.
Nous préparer concrètement en nous formant à quelques actes réflexes et aux premiers secours – ce qui d’ailleurs peut toujours être utile. Participer à la sécurité des événements autour de nous : sorties scolaires, cérémonies civiles ou religieuses, etc. La vigilance ne suffira pas à tout éviter, mais il ne faut pas sous-estimer l’effet dissuasif ne serait-ce que de deux bénévoles réellement attentifs à ce qui se passe autour d’eux.
Et par tous les moyens d’expression que nous avons, faire monter une clameur que ni les médias ni les politiques ne pourront ignorer : exiger la fin du déni et des compromissions, briser le carcan naissant de « l’islamiquement correct ». Chaque voix qui osera s’exprimer rendra la censure plus difficile, chaque esprit libre qui osera poser les questions qui dérangent rendra les mensonges plus fragiles. L’opinion publique est le centre de gravité stratégique des démocraties libérales, et nous sommes l’opinion publique ! Demandons inlassablement des comptes à nos gouvernants, aux forces de l’ordre, aux magistrats : ils ne sont pas là pour « faire de leur mieux » et apaiser, mais pour se battre et gagner. Qu’ils soient bien persuadés que les Français n’accepteront rien de moins.
Source www.causeur.fr