L’Espagne rattrapée par l’ombre de Franco

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La marée brune n’a pas déferlé sur Madrid, mais l’extrême droite est de retour au Parlement espagnol, quarante ans après sa disparition. Comme ailleurs en Europe.

Avec 10% des voix et 24 élus sur 350, Vox, le parti espagnol d’extrême droite, n’a pas remporté le succès tant espéré. Les sondages prévoyaient un score de 12%. Son président Santiago Abascal promettait une « révolution des gens normaux« . Ce ne sera ni l’un, ni l’autre. Mais ce n’est pas une surprise, il est rare qu’une formation grimpe dans un exécutif quelques années à peine après sa création.

La vraie nouvelle tient dans le retour de l’extrême droite au Parlement espagnol, quarante ans après avoir été bannie de son spectre politique.

L’Espagne était le dernier pays de l’Union européenne à ne pas avoir cédé aux spectres de son passé. En Italie, la Ligue du Nord fait revivre chaque jour Mussolini et partage le pouvoir avec les populistes du M5S. En Allemagne, l’AfD a fait revenir l’extrême droite, et son passé nazi sanglant, au Bundestag. En Autriche le FPÖ, fondé par un ancien général nazi, dirige le pays.

Cette résurgence de l’extrême droite pure et dure tend à se généraliser dans de nombreux pays de l’Union européenne. Bien que certains partis, comme Vox, refusent l’étiquette d’extrême droite, tous portent les mêmes thèmes. Le retour à une nation du XIXe siècle, un âge d’or perdu, la stigmatisation des minorités et l’europhobie. « Nous allons choisir entre l’anti-Espagne et l’Espagne vivante », avait lancé vendredi Santiagio Abascal.

Durant sa campagne, Vox a mis en avant des combats inspirés de la doctrine de Francisco Franco. La défense des familles, l’interdiction de l’avortement, la haine des homosexuels, l’unité de la nation, la prééminence de la religion catholique et, cerise sur le gâteau, la généralisation du port d’armes.

La crise catalane, terreau du nationalisme

Vox bénéficie d’une hémorragie du parti populaire (PP), qui a littéralement fondu en trois ans, sous les coups de boutoir de la crise indépendantiste catalane. Le parti démocrate chrétien a été sanctionné pour sa gestion de la crise, jugée trop peu radicale par son aile ultra-nationaliste.

L’ancien Premier ministre Mariano Rajoy a été desservi par la durée du feuilleton catalan, tiré en longueur par la guerre d’usure menée depuis la Belgique par le leader indépendantiste Carles Puigdemont.

Le parti d’extrême droite tire aussi profit de la crise migratoire, le pays étant en première ligne d’un couloir de migration venant d’Afrique. Les slogans islamophobes, comme « l’Espagne chrétienne, jamais musulmane » ont fleuri durant la campagne. La question religieuse et identitaire est très prononcée en Espagne, héritière de l’inquisition, comme elle l’est en Hongrie, où l’inquiétant Viktor Orban, abrité par le PPE, s’érige en défenseur de la chrétienté contre l’Islam.

Mais la question migratoire n’est pas la cause première du succès de Vox. La haine des migrants ne tenaille pas tant la grande majorité des Espagnols, plus tolérants envers les nouveaux arrivants que les Italiens ou les Autrichiens.

Vox tire avant tout sa force de l’éclatement de la droite espagnole minée par la crise catalane et les affaires de corruption. Cette confusion, alors que la crise économique couvait encore, a attiré les plus radicaux vers cette nouvelle formation. Dans ce contexte délétère, le ralliement de généraux franquistes à la cause de Vox, agissant comme une labellisation du parti fondé en 2013, a rendu espoir à une frange de la population nostalgique de la dictature et de l’ordre établi.

Source www.lecho.be

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