Réflexion sur la paracha de la semaine par le rav Mordékhai Bismuth
« Et celles-ci sont les générations de Yts’hak fils d’Avraham ; Avraham engendra Yts’hak » Beréchit (25,19)
Pourquoi la Tora semble-t-elle répéter la même information deux fois dans le verset ? En effet si Yts’hak est fils d’Avraham, pourquoi donc la Tora ajoute-t-elle qu’Avraham engendra Yts’hak?
Comme nous le savons, chaque mot et même chaque lettre de notre sainte Tora ont un sens profond, desquels nous pouvons puiser une infinité d’enseignements, cette redondance est donc là pour nous apprendre quelque chose !
Dans le Yalkout Chimoni il est écrit qu’il existe des fils qui se comportent comme leurs pères, et des pères qui se comportent comme leurs fils. Notre verset (Beréchit 25,19) nous enseigne donc qu’Yts’hak a grandi avec Avraham, et qu’Avraham a grandi avec Yts’hak.
Afin de mieux comprendre ce sujet, regardons le séfer Cha’ar Bath Rabim, qui nous apprend qu’un homme a la Mitsva de procréer : – C’est-à-dire de mettre au monde des enfants de chair et de sang, comme il est écrit : « Fructifiez et multipliez-vous, et remplissez la terre… » (Beréchit 1,28)
– Mais aussi de mettre au monde des enfants spirituels.
De quoi s’agit-il ? Des anges qui sont créés par l’accomplissement de la Tora et des Mitsvoth.
Une question hypothétique se pose alors : ne vaut-il pas mieux accomplir un maximum de Mitsvoth qui nous élèveront personnellement et engendreront des anges, plutôt que des enfants qui seront amenés à fauter tôt ou tard ?
A choisir entre faire une Mitsva, qui est une valeur sûre, et faire des enfants de chair et de sang, qui auront une tendance à fauter comme tout être humain, qu’est-ce qui est préférable?
Eh bien, nous avons le devoir de faire fusionner ces deux commandements, et de mettre au monde des enfants qui seront eux-mêmes des « producteurs » de Mitsvoth.
Comme Rachi nous l’enseigne dans Noa’h (Beréchit (6;9) : « Les véritables générations laissées par les Justes sont constituées par leurs Mitsvoth. »
Ces Mitsvoth peuvent être des écrits résultant de leur étude, comme l’illustre Rachi qui nous laissa des commentaires tellement indispensables sur la Tora et le Talmud, que l’on ne peut pas les étudier sans lui aujourd’hui. Mais comme nous l’avons dit, nous avons aussi la Mitsva d’engendrer des enfants de chair qui accompliront à leur tour des Mitsvoth (d’ailleurs encore une fois Rachi est un excellent exemple puisque ses gendres et petits-fils sont les fameux Tossefoth, qui sont autant étudiés que lui).
Nous pourrons ainsi, grâce à l’exemple et l’enseignement que nous leur aurons donnés, les élever afin qu’eux-mêmes engendrent des Mitsvoth à leur tour, et c’est de cette manière que nous laisserons sur terre, comme le dit Rachi : des générations constituées par nos propres Mitsvoth.
Nos enfants nous accompagneront à 120 ans jusqu’à notre Kéver, et les anges créés par nos Mitsvoth eux, nous accompagneront encore après, et nous feront accéder au Gan Eden.
Pourtant après 120 ans, notre compteur de Mitsvoth s’arrêtera et nous serons jugés sur le chiffre qui y figure, comme le stipule le Rambam (Hilkhoth Techouva 3,3): le seul moyen qui nous restera alors de pouvoir augmenter notre capital, ou au contraire ‘Hass véChalom de le diminuer, sera notre progéniture, et cela pour l’éternité.
Si Yts’hak pouvait se présenter comme le fils d’Avraham, le fils d’un Tsadik, et inspirer ainsi la confiance immédiate de son entourage, Avraham lui aussi pouvait faire de même, et se présenter comme le père d’Yts’hak, celui qui s’était offert en sacrifice pour Hachem.
Nous parlons ici d’un Tsadik ben Tsadik, un juste fils d’un juste.
Avraham a mis au monde et éduqué une « valeur sûre » : Yts’hak, qui lui assurera le Monde Futur. Et Yts’hak est le fils d’Avraham, « carte de visite » des plus prestigieuse !
Chelomo Hamelekh dans son séfer Michlé (17,6) nous livre ceci : « La couronne des vieillards ce sont leurs petits-enfants ; l’honneur des fils ce sont leurs parents. » Avoir transmis un enseignement de valeur à ses enfants est digne d’éloge, mais lorsqu’eux-mêmes le retransmettent à la génération suivante, c’est là que nous récoltons le véritable fruit de nos efforts.
Ainsi, si nous voulons éternellement continuer de nous élever afin d’accéder à la meilleure place au palais du Roi, nous devons évidement déjà atteindre un certain « score » sur notre compteur ici-bas, mais nous devons aussi éduquer nos enfants dans les chemins de la Tora, ce qui nous permettra alors de continuer de progresser encore dans le Monde Futur.
Certains enfants ne sont pas conscients des conséquences de leurs actes sur la Nechama de leurs parents disparus.
Ils pensent parfois qu’ils ne peuvent plus faire grand chose pour les honorer après leur départ, sauf à leur rendre hommage lors de l’anniversaire de leur décès, en récitant Kadich, une Haftara, ou encore en prononçant quelques berakhot leïlout nichmat/pour l’élévation de l’âme…
C’est certes une belle preuve de reconnaissance que d’honorer ainsi la mémoire de ceux qui nous ont tellement donné. Les parents ne donnent-ils pas en effet à leurs enfants tout ce qu’il leur est possible de donner : physiquement, psychologiquement, moralement et cela tout au long de leurs vies ?
Ne pouvons-nous pas à notre tour leur donner à la mesure de ce qu’ils nous ont donné ? Les honorer une fois par an, c’est bien !
Mais lorsque l’on sait que l’âme de nos parents, grands-parents… se nourrit, s’élève, s’épanouit grâce à nos actes, à nos Mitsvoth quotidiennes, ne devons-nous pas alors redoubler d’entrain pour les accomplir ? A leur profit comme au nôtre !
Nos petits gestes ici-bas peuvent leur offrir une immense lumière là-haut.
Figurez-vous un cercle dans lequel nous sommes tous interdépendants : comme Yts’hak est fils d’Avraham, Avraham engendra Yts’hak.
Travaillons donc à augmenter et améliorer nos Mitsvot, élevons nos enfants dans la Tora. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons tous grandir, les uns grâce aux autres.
Chabbath Chalom
Rav Mordékhai Bismuth
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