« Imprimez donc Mes paroles sur votre cœur et dans votre pensée ; attachez-les, comme symbole, sur votre bras, et portez-les en fronteau entre vos yeux » (Devarim/Deutéronome 11,18).
La Tora instaure là une obligation spécifique au peuple juif : celle de mettre des tefilinnes. Ce sont des boîtiers en cuir, dans lesquels sont déposés quatre textes spécifiques extraits de la Tora, écrits sur du parchemin.
Le boîtier du bras est composé d’un seul compartiment, et les textes sont écrits les uns à la suite des autres, tandis que celui de la tête est fait de quatre compartiments, dans lesquels on dépose les textes écrits sur quatre morceaux de parchemin séparés.
Les deux boîtiers sont composés d’un cube en cuir reposant sur une base, la ma’abarta, plus large, dans laquelle passe la lanière.
Sur le boîtier de la tête, il faut que les compartiments soient visibles de l’extérieur. Une lettre « chin » est fabriquée dans le cuir même à l’extérieur.
Les lanières de cuir servent à faire tenir les boîtiers sur le corps : celui de la tête, avec un nœud fixe, formant une sorte de lettre « daleth« , et celui du bras en ligaturant littéralement le boîtier sur le bras, à l’aide d’une boucle.
La fabrication des tefilinnes nécessite une très grande dextérité.
De façon assez surprenante, la méthode de fabrication s’est partiellement perdue en Europe centrale d’avant-guerre, quand on utilisait souvent des peaux fines et de la colle pour les faire tenir l’une sur l’autre. En revanche, celles d’Irak avaient une très grande renommée (le Kaf ha’Hayim de Bagdad était connu pour cela), et en Erets Israël (rav Netanel Tefilinski) on savait utiliser la peau de gros bétail pour fabriquer des tefilinnes, ce qui, de nos jours, est devenu la norme.
On peut toutefois encore trouver des tefilinnes de fabrication peu sérieuse sur le marché, et le prix s’en ressent. Par contre, les tefilinnes de bonne qualité sont chères, mais il est vivement recommandé de faire cet effort.
On peut évidemment trouver des tefilinnes toutes prêtes sur le marché, mais la plupart des parents s’adressent à un fabricant qui les confectionnera pour leur fils, un « bathé makher« . Cela prend en général près d’un an.
Les lanières sont noires, et doivent le rester. Si leur couleur s’affaiblit, il faut les recolorer. On trouve de l’encre destinée à cet effet chez les vendeurs d’objets de culte, mais il faut savoir absolument restaurer l’apparence noire en le faisant « lechem mitswath tefilinnes« . Si ce n’est pas le cas, cet acte n’est pas valable, et dans certaines circonstances, les tefilinnes ne sont plus utilisables.
Il faut également veiller à ce que les lanières soient entières : avec le temps, elles peuvent se détériorer, et même présenter des ruptures. Il faut alors les remplacer, ce qui impose l’intervention d’un spécialiste ; les sofrim savent le faire en général.
L’ordre du dépôt des parchemins fait l’objet d’une grande discussion entre nos maîtres : Rachi a adopté un ordre, et rabbénou Tam un autre. La Halakha est, sans nul doute, comme Rachi, mais ceux qui cherchent à se conduire de la meilleure manière mettent deux paires.
Chez les achkenazes, rares sont ceux qui le font ; en revanche, chez les sefarades, ainsi que ceux qui suivent le rite sfarde (‘hassidique), c’est une conduite bien établie.
On ne met les tefilinnes que le jour, pas la nuit, ni le Chabbath ou les jours de fête.
‘Hol hamo’èd fait l’objet d’une grande discussion : en Alsace, par exemple, on les met avec bénédiction durant ces jours de demi-fête, mais le Michna Beroura a conclu de ne pas réciter de bénédiction. Dans les communautés sefarades et ‘hassidiques, on ne les met pas durant cette semaine-là. En Erets Israël, même les communautés de rite achkenaze non-‘hassidiques (« litunaniennes ») ne les mettent pas, se conformant à l’avis du Gaon de Vilna en la matière – de sorte que nul ne les met alors dans le pays.
En France, il faut veiller à établir un rite unique, afin de ne pas se retrouver dans la situation où une partie des fidèles met les tefilinnes, l’autre, non.
En fait, la mitswa de mettre les tefilinnes consiste à les garder sur soi toute la journée. Cependant, comme il faut aussi conserver tout le temps la conscience de les avoir sur soi, que le corps doit être propre et les pensées saintes, il est admis de nos jours de ne les garder que pendant la prière du matin – et à min’ha des jours de jeûnes pour les sefarades, ou de Ticha’a beav pour les achkenazes, qui ne les mettent pas le matin de ce jour à titre de deuil. Car en effet, le jour du décès de l’un des sept proches, on ne porte pas les tefilinnes.
Il ne fait aucun doute que cette mitswa est l’une des plus spécifiques du peuple juif, à l’égard de laquelle l’Eternel dit au prophète : « Soupire en silence, ne prends pas le deuil comme pour des morts ; attache sur toi ce qui est ta splendeur, mets tes chaussures à tes pieds » (Yachyahou/Isaïe 24,17) – D’ dit au prophète de ne pas prendre le deuil, et entre autres, de ne pas faire comme un autre endeuillé, mais d’attacher sur lui « sa splendeur ». De quoi parle-t-on ? Nos Sages répondent (Berakhoth 11a) : des tefilinnes ! C’est donc la splendeur du peuple juif.
Kountrass numéro 181