Les raisons de l’annulation du concert de Kendji Girac en Algérie

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Selon la presse algérienne, le chanteur a été refoulé dès son arrivée à l’aéroport d’Alger à cause d’un séjour et d’un concert donné en Israël.

La presse française a fait preuve d’une rare discrétion et pour tout dire d’un étonnant manque de curiosité  après l’annulation du concert que le chanteur Kendji Girac devait donner le jeudi 27 juin au Théâtre de la Verdure à Alger.

Tout en rapportant l’information, les journaux et sites francophones ont préféré taire les véritables raisons pour lesquelles le gagnant de la saison 3 de The Voice a été refoulé par la police des frontières algérienne dès son arrivée le jeudi matin à l’aéroport d’Alger.

Malgré un visa en bonne et due forme délivré par l’ambassade d’Algérie en France, le chanteur à dû rebrousser chemin et prendre le premier avion pour Paris.

Mais qu’est ce qui a poussé les gabelous algérois a annuler manu militari le premier concert de sa carrière que Kendji Girac devait assurer en Algérie, alors que tous les billets étaient déjà vendus et que la soirée s’annonçait comme un triomphe ?

L’article de France Info parle d’un « défaut de visa » et se borne a reprendre les termes du communiqué du producteur du jeune chanteur qui évoque des « raisons administratives indépendantes de la volonté de l’artiste ».

Le communiqué du producteur de Kendji Girac, mis en ligne sur Facebook.

Un peu plus prolixe, Le Figaro rapporte la réaction du chanteur qui a manifesté sa déception de ne pouvoir donner son concert.

« Je suis vraiment désolé, j’aurais vraiment aimé être avec vous ce soir», a déclaré l’interprète de Color Gitano dans une publication éphémère sur le réseau social Instagram. À cause d’un problème de visa, on n’a pas pu sortir de l’aéroport. Je suis vraiment dégoûté tout comme vous. »

Le chanteur a diffusé sur son compte Instagram une vidéo tournée à l’aéroport d’Alger, reprise sur la rubrique « people » du journal régional L’Union.

Bien qu’il dispose d’un bureau à Alger, Le Huffpost Maghreb joue aussi la carte de la candeur et de l’ignorance.

Pareillement, ni RTL ni BFMTV n’ont poussé l’enquête plus loin, se bornant à évoquer un « problème de visa ».

A Alger, la véritable raison est un secret de polichinelle.

En réalité, le Tout-Alger est parfaitement au courant des motifs de l’expulsion du chanteur et de l’annulation du concert.

Sans déployer des trésors d’investigation, les journalistes français n’avaient qu’à lire ce qu’écrivent leurs confrères algériens.

Ainsi, dès le vendredi 28 juin, le site Algérie Patriotique annonce à sa une que c’est parce qu’il est « pro-israélien » que Kendji Girac a été refoulé à la frontière, à l’instar d’Enrico Macias, qui depuis des années fait l’objet d’une l’interdiction d’entrée permanente sur le territoire algérien.

« Cette mesure d’interdiction d’entrée sur le territoire algérien qui frappe le chanteur Kendji Girac serait liée à ses positions pro-israéliennes et son apologie de la normalisation avec l’Etat hébreu. Gitan catalan, Kendji Girac, qui a souvent été critiqué pour ses déclarations favorables à Israël où il s’est produit plusieurs fois, rejoint ainsi sont compatriote natif de Constantine Enrico Macias, lui aussi interdit de se produire en Algérie pour ses positions favorables à l’entité sioniste », écrit Algérie Patriotique (ce journal est certainement bien informé des décisions prises dans les allées du pouvoir à Alger. Il a été fondé en 2012 par par Lotfi Nezzar, fils du général-major et ancien ministre de la Défense Khaled Nezzar).

L’article n’est pas passé inaperçu auprès des internautes qui le commentent abondamment en se déchaînant sur le chanteur français. A titre d’exemple, cet « anonyme » dont le ton – et l’orthographe – donne une idée assez fidèle du sentiment général des lecteurs.

Le site Observalgerie confirme que Kendji Girac avait bien reçu un « visa délivré par l’Ambassade d’Algérie en France » et donne des précisions sur les « raisons administratives » qui ont malgré cela entraîné son expulsion. Il s’agirait de traces relevées sur son passeport par les policiers algériens indiquant son passage en Israël :

« Le chanteur français serait donc interdit d’entrée en Algérie en raison du sticker collé au dos de son passeport indiquant qu’il s’était auparavant rendu en Israël. Comme l’Algérie ne reconnait pas Israël en tant qu’Etat, les voyageurs ayant effectué des voyages vers Israël sont souvent suspectés ou refoulés. Pour rappel, certains pays d’Afrique de Nord et du Moyen-Orient, dont l’Algérieinterdisent l’entrée sur leurs territoires à toute personne ayant auparavant visité Israël. »

Décryptage

Difficile de croire qu’il ne s’agisse que d’ignorance de la part des journalistes français. Citant un magazine culturel algérien, Paris-Match a donné l’explication… tout en gardant la langue de bois sur le détail permettant de la comprendre : « D’après les informations de Vinyculture, il semblerait que certains cachets sur le passeport de l’artiste concernent un pays non-reconnu par l’Algérie ce qui n’aurait pas plu aux membres de la police aux frontières (PAF). »

Mystère sur l’identité du « pays non-reconnu ».

Les médias français ont manifestement choisi de taire les raisons probables pour lesquelles Kendji Girac a été refoulé d’Algérie.

Ils ont choisi de ne pas soulever le lièvre : l’existence d’une discrimination patente en Algérie et dans de nombreux pays arabes à l’encontre d’Israël. Un « antisionisme d’Etat » qui, dirigé contre un seul Etat au monde, l’Etat juif, sent fortement l’antisémitisme.

« Les citoyens d’Israël sont interdits d’entrer, de séjourner et/ou de transiter sur le sol algérien, les eaux territoriales algériennes, ou dans l’espace aérien de l’Algérie. » (Wikipedia)

16 pays musulmans appliquent officiellement la même politique et il est recommandé de ne pas avoir de « trace de passage en Israël sur le passeport » pour pouvoir entrer en Algérie. Or Kendji Girac a chanté en Israël en 2016…

Révéler les probables raisons de la mésaventure du chanteur aurait peut-être risqué de remettre en cause la doxa hexagonalequi persiste à considérer les Israéliens comme les agresseurs d’un monde arabe présenté comme victime.

Même si elle peut sembler mineure, l’affaire Kendji Girac est un révélateur de la haine irrationnelle que nourrit en réalité une partie importante du monde arabe à l’égard d’Israël.

Voilà pourquoi de nombreux journaux français ont considéré qu’il n’était pas souhaitable de livrer à leurs lecteurs ces éléments de compréhension du dossier.

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