Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps
Quand un gouvernement exécute ses propres citoyens pour des raisons souvent obscures, il démontre ainsi sa faiblesse mais aussi la panique qui s’empare de ses dirigeants. Effectivement le malheur, qui s’abat tous les jours en Iran, touche les centrales nucléaires, les usines de missiles et à présent les ports qui voient partir en fumée de nombreux navires. L’Iran ne semble pas avoir trouvé les causes de ces dysfonctionnements, à moins qu’il ne les cache. Tous ceux qui ont une certaine responsabilité technique dans le pays deviennent suspects. L’Iran a ainsi exécuté au moins 8.000 personnes en 20 ans. Les tribunaux iraniens ont déjà confirmé quatre peines d’exécution depuis fin juin 2020 pour des manifestants, des dissidents et des pseudos espions. L’utilisation de l’exécution comme moyen de supprimer la dissidence a une longue histoire en Iran.
Les responsables iraniens semblent n’avoir qu’une seule méthode pour régler leurs problèmes internes, la pendaison comme solution et comme mesure préventive. Quelques heures après l’exécution de deux prisonniers, Saber Sheikh Abdollah et Diako Rassoulzadeh, le 14 juillet, le département de la justice de la province d’Azarbaïdjan occidental a déclaré dans un communiqué: «C’est une politique ferme du pouvoir judiciaire d’être décisif et d’enseigner aux gens une leçon en cette période de changement».
Le pouvoir judiciaire a subi un changement depuis que le Guide suprême, Ali Khamenei, a nommé en février 2018 Ebrahim Raeesi au poste de chef du pouvoir judiciaire. Au cours des 18 mois où il a été en poste, sa principale mission officielle a été de faire campagne contre la corruption financière. Mais la publication d’un grand nombre d’ordres d’exécution au cours de cette période indique que la mission de Raeesi a surtout été de réprimer la dissidence par des exécutions. Les rapports d’Amnesty International et de l’Organisation iranienne des droits de l’homme révèlent que 8.071 exécutions ont eu lieu en public ou derrière les murs des prisons entre les années 2000 et 2019.
L’année 2015 a été une année exceptionnelle avec près de 1.000 exécutions, cette même année où l’Iran venait de signer l’accord nucléaire avec les puissances mondiales. Ces chiffres ont placé l’Iran en tête de liste des pays ayant enregistré le plus grand nombre d’exécutions au cours des deux dernières décennies. Le gouvernement iranien avait décidé le 14 juillet 2020 de pendre trois jeunes hommes arrêtés pendant et après la campagne nationale de protestation antirégime en novembre 2019. Mais devant le tollé général, il a décidé de surseoir à l’exécution. Le régime iranien est responsable de plus d’un tiers de toutes les exécutions dans le monde et se classe deuxième après la Chine. Malgré cela, le nombre réel d’exécutions en Iran est supérieur aux chiffres annoncés par le gouvernement.
Si la plupart des exécutions concernent le trafic de drogue, les pendaisons sont aussi utilisées en Iran comme moyen de supprimer la dissidence ou de réprimer les pseudos espions, pour l’exemple. Selon l’Organisation des droits de l’homme de Hangaw, 13 militants kurdes ont été exécutés dans des prisons en avril et 12 autres en janvier, février et mars.
La panique s’empare des autorités qui voient des espions partout. Punir sans éventuellement attendre d’échanger un espion contre un des leurs arrêtés à l’étranger est le signe que les Iraniens emprisonnés n’ont aucune valeur humaine. Il s’agit pour le pouvoir d’intimider ceux qui sont prêts à monnayer leurs services. Mais à présent, le pays cherche surtout à justifier les catastrophes qui touchent le pays chaque jour et dont il feint d’ignorer les origines.
A défaut de trouver les explications aux différents «accidents», l’Iran cherche des boucs émissaires. En 2016, l’Iran avait exécuté un scientifique nucléaire accusé d’espionnage au profit des États-Unis. En juin 2020, l’Iran avait pendu un espion présumé. Jalal Hajizavar, ancien expert contractuel de l’Organisation aérospatiale du ministère de la Défense. Il avait selon le Tribunal été payé pour espionner pour le compte de la CIA. Les autorités auraient confisqué du matériel d’espionnage dans sa résidence. Sa femme a été condamnée à 15 ans de prison pour complicité.
L’Iran a exécuté le 14 juillet un ancien expert du ministère de la Défense, Reza Asgari, suspecté d’espionnage au nom de la CIA. Le porte-parole du pouvoir judiciaire, Gholam Hossein Esmaili, a déclaré qu’Asgari avait travaillé au département de l’espace aérien du ministère iranien de la Défense et avait pris sa retraite en 2016 : «Au cours des dernières années de son service, il a rejoint la CIA et a vendu des informations sur nos missiles contre de l’argent. Il a été identifié, jugé et condamné à mort».
Le mois dernier, un tribunal a condamné à mort Mahmoud Mousavi Majd accusé lui-aussi d’espionnage au profit des États-Unis et Israël, ayant entraîné l’élimination du général Kassem Soleimani, via une frappe aérienne en Irak en janvier. Il avait «espionné les forces armées de la République islamique, en particulier la Force Qods, pour dévoiler le lieu et les mouvements du martyr général Kassem Soleimani».
Cette série de pendaisons survient au moment où plusieurs explosions mystérieuses frappent l’Iran. Depuis la fin juin, les installations nucléaires, les zones industrielles et les hôpitaux ont été soumis à de multiples incendies et explosions. Les responsables iraniens semblent ignorer les causes de ces explosions mais ils n’hésitent pas à donner leur propre explication à savoir qu’Israël était derrière l’incendie de l’installation d’enrichissement d’uranium de Natanz le 2 juillet. Le 15 juillet, de mystérieuses explosions sont à l’origine de l’incendie de six bateaux de la marine iranienne dans le port de Bushehr. On parle de commandos d’élite débarqués de sous-marins, en position permanente au large des côtes iraniennes.
L’incendie qui s’est déclaré le 16 juillet dans un chantier naval dans le port sud-ouest de Bushehr, a endommagé plusieurs navires en construction sans faire de victimes : «Un incendie de grande ampleur a englouti l’usine de bateaux de Delvar Kashti Bushehr, avec une épaisse fumée couvrant la zone au sud de la ville de Bushehr». La cause est inconnue mais il faut noter que la centrale nucléaire de Bushehr est située à 20 kilomètres. Cette proximité semble être un avertissement aux autorités iraniennes.
Mais l’Iran profite de la mise en marche de sa machine de mort pour exécuter trois prisonniers politiques. Le porte-parole du pouvoir judiciaire Esmaeeli, s’est justifié en prétendant qu’il s’agissait de manifestants antigouvernementaux, d’un espion au sein du département des missiles et de séparatistes kurdes.
Selon les autorités, trois hommes, Amir-Hossein Moradi, Mohammad Rajabi et Saeed Tamjidi, auraient été impliqués l’an dernier en tant que «chefs d’émeutes» lors des manifestations anti-gouvernementales de masse qui ont secoué l’Iran à la mi-novembre après la décision du gouvernement d’augmenter le prix du carburant. La répression avait fait 200 morts mais cela n’a pas suffi aux autorités. Il fallait marquer l’exemple par une action spectaculaire médiatique. L’on doit ces assassinats au président turc Erdogan car les trois hommes s’étaient réfugiés dans la Turquie voisine, mais leur extradition a été confirmée par le dictateur qui a dû certainement monnayer cette action auprès des Iraniens.
Enfin deux prisonniers politiques kurdes détenus dans le sud-ouest du pays, Saber Sheikh Abdullah et Diako Rasoulzadeh ont été pendus. Ils ont été accusés de «faire la guerre à D’ » pour «avoir défendu un groupe séparatiste kurde» et d’être impliqués dans un attentat à la bombe dans la ville de Mahabad. Il va sans dire que toutes ces exécutions ont été commandées après un procès inéquitable, sans défense sérieuse et à la suite d’aveux extorqués sous la torture.
Les dirigeants iraniens creusent leur propre tombe en sacrifiant leurs citoyens. La justice passera aussi un jour pour eux. La contre-révolution est en marche. Israël la prépare à sa façon pour libérer les citoyens iraniens soumis à l’esclavage des mollahs.