L’histoire suivante a été écrite par un passager de la compagnie El Al coincé à Athènes après que son vol était arrivé trop tard pour continuer vers Israël avant Chabbath, vol qui a fait scandale du fait de prétendues réactions vives de la part des passagers religieux :
Ce Chabbath, j’ai eu l’immense privilège de vivre une expérience extraordinaire et enrichissante. J’espère qu’El Al comprendra qu’il y a un bien meilleur titre pour remplacer ce faux titre : « Les orthodoxes se sont déchaînés dans l’avion » que je vois actuellement sur Internet.
En voici un résumé. Notre vol El Al devait quitter à l’origine à 18 h 30 l’aéroport JFK aux Etats-Unis. 3 membres d’équipage étaient en retard et nous commençâmes à embarquer à 20 h 30, et pendant ce temps, les membres d’équipage arrivèrent. A 21 h 10, les portes du poste de pilotage furent closes et tout fut calme pendant environ une heure.
Vers 22 heures, de nombreux passagers préoccupés par le Chabbath commencèrent à interroger le personnel d’équipage pour obtenir des renseignements sur l’heure de départ. La seule réponse qu’ils reçurent : nous partons dans 5 minutes. Notez qu’à 22 h 25, alors que nous nous trouvions sur une piste d’envol de l’aéroport de JFK, le site d’El Al indiquait que notre vol était parti dès 21 h 30.
J’étais assis en business class, mon siège directement à côté des escaliers menant au second étage, et 3 rangs derrière l’office de première classe. J’entendis chaque conversation. Il n’y a eu à aucun moment de menace physique de la part des passagers préoccupés par le Chabbath. Je déteste employer le terme « ‘Harédim – orthodoxes », mais ce n’était pas une manifestation de Netouré Karta pleine de ‘Hassidim en noir débitant des choses insensées. C’étaient des Juifs de tous horizons et backgrounds variés, inquiets par le risque d’enfreindre le Chabbath.
A 23 h 35, il y avait environ 40 passagers, y compris moi-même, debout devant la porte de sortie, exprimant notre désir de quitter le vol. Nous étions à ce stade depuis deux heures et demie sur le tarmac. L’une des hôtesses nous annonça que s’ils nous raccompagnaient jusqu’à la porte d’embarquement et nous quittions l’avion, nous perdrions nos billets et ne serions pas replacés dans un autre vol. Je ne suis pas certain si son but était de nous choquer pour nous convaincre de nous asseoir, ou si c’était la vraie politique, mais notre réponse fut unanime : chacun répondit que c’était bon, nous acceptions cette condition. Nous voulons simplement être reconduits à la porte pour nous éviter de profaner le Chabbath. Personne ne protesta en disant : « Quoi ? Non, vous devez nous replacer » ou « Vous ne pouvez agir ainsi », nous étions attachés à une idée simple et élémentaire : le respect du Chabbath.
A ce moment-là, quelqu’un qui s’avéra être plus tard rabbi Chalom Beer Sorotzkin prit la parole par l’interphone et affirma avoir parlé au pilote, qui garantissait que nous arriverions à l’aéroport une heure avant Chabbath, et qu’il (rabbi Sorotzkin) organisait pour tout le monde un logement et des repas pour Chabbath s’ils n’avaient pas le temps de se rendre à leur destination voulue, sachant que nous n’arriverions qu’une heure avant Chabbath.
Un grand nombre d’entre nous, moi y compris, ne regagnâmes pas notre siège et exprimâmes notre désir de retourner à la porte d’embarquement.
A ce moment-là, le pilote prit la parole sur l’interphone. Il annonça que nous retournerions à la porte aussitôt que tout le monde était assis. Nous regagnâmes tous notre siège à ce moment-là.
Je ne peux décrire le sentiment de malaise à l’estomac lorsque je vis l’avion quitter le terminal et se placer devant la piste d’envol. Moins de six minutes après nous avoir demandé de regagner nos places pour retourner à la porte, nous avions décollé. Il n’y avait pas de Wi-fi sur le vol, et notre seule source d’information pour le reste du vol était l’équipage d’El-Al.
Au bout de quatre heures de vol, le pilote annonça qu’en raison des « orthodoxes » présents sur le vol, l’avion ferait escale à Athènes. A ce moment-là, tous ceux qui voulaient descendre de l’avion pour Chabbath pouvaient quitter l’avion en premier et ensuite (c’est là l’entourloupe), tous ceux qui voulaient poursuivre pour Israël devaient également désembarquer et monter dans un autre avion de la compagnie Israir en direction d’Israël.
Quelle honte… J’aurais souhaité qu’El Al annonce la vérité. Nous faisions arrêt à Athènes car El-Al avait commis une série d’erreurs, et après l’atterrissage, ils ne pouvaient plus repartir le Chabbath dans un avion El-Al, d’où la nécessité d’obtenir un avion d’une autre compagnie pour continuer sur Israël et y atterrir le Chabbath.
La tension interne ne fit qu’augmenter, l’équipage était notre seule source d’information, et ils n’étaient ni coopératifs ni sympathiques. En clair, personne n’était en colère contre les hôtesses, tout le monde savait qu’elles n’avaient pris aucune décision. Nous avons demandé à parler au pilote ou à l’un de ses représentants. Je le répète, il n’y a eu aucune tentative de faire irruption dans le cockpit, ni aucune altercation physique. Oui, certains ont levé la voix, mais la plupart du temps (j’ai les vidéos), ce sont les passagers israéliens laïcs qui sont venus crier sur les passagers préoccupés par le Chabbath, en prétendant que nous gâchions leur week-end.
Cette accusation était absurde : nous n’avions pas pris la décision de nous arrêter à Athènes, et la majorité des passagers religieux préféraient continuer vers Israël et rester coincés à l’aéroport de Tel Aviv.
Alors que l’heure d’arriver à Athènes approchait, les passagers discutaient dans l’avion pour savoir s’il valait mieux, d’un point de vue halakhique, rester dans l’avion ou débarquer à Athènes. Nous ne savions pas ce qui nous attendait. Resterions-nous à l’aéroport ? Y avait-il un hôtel ? Que mangerions-nous ?
Lorsqu’ils avaient servi le petit-déjeuner, j’avais réalisé que l’œuf emballé servi au petit-déjeuner et le demi-sandwich que j’avais laissé avant de monter dans l’avion pourraient très bien constituer ma seule nourriture pour Chabbath. Je mis même des noix dans mon sac à dos pour la se’ouda Chlichit.
Peu de temps avant l’atterrissage à Athènes, nous commençâmes la descente et regagnâmes nos places. Nous avons tenté de séparer nos objets Mouktsé et d’avoir facilement accès à nos Sidourim et Talitot.
Après l’atterrissage, une fois l’avion immobilisé, nous débarquâmes par des escaliers amovibles pour monter dans une navette. Je fus l’un des premiers à y monter et je pus observer à loisir des dizaines d’autres Juifs descendre de l’avion avec pour seule pensée l’idée que rester dans l’avion serait un ‘Hiloul Chabbath (profanation du Chabbath), tandis qu’en descendre était le meilleur moyen de respecter le Chabbath. Des ‘Hassidim descendirent, des hommes en chapeau noir, certains passagers avec des chemises colorées, d’autres en costume, des femmes en perruque, en béret, en jupe ou en pantalon ; toute personne qui descendit de l’avion avait ceci en commun : nous croyons en Hachem et en Sa Torah ; Chabbath est notre cadeau et notre héritage, et nous allons le respecter.
Alors que la navette était pleine et se mit en route pour l’aéroport (d’autres navettes suivaient derrière nous), tout le monde se mit à chanter en l’honneur de Chabbath Kodech.
Une fois dans l’aéroport, une très gentille employée d’El-Al prit le temps de nous expliquer que nous séjournerions en face dans un hôtel où ils nous conduiraient dès l’arrivée des prochaines navettes.
L’arrivée à l’hôtel fut très chaotique. Il y avait quatre employés de l’hôtel et les passagers commencèrent à foncer en désordre vers la réception. A ce stade, un tav – qui, je l’appris plus tard, s’appelait tav Akiva Kats – expliqua d’une voix forte à tous les passagers que nous devions nous placer en file afin de ne pas submerger les employés. Il nous fit également savoir qu’ils avaient affecté une salle pour la prière et que ‘Habad avait préparé de la nourriture. Ces informations nous aidèrent à réduire le stress ambiant et les choses se déroulèrent de manière plus ordonnée : les passagers se concentraient sur l’obtention de leurs chambres et sur les préparatifs avant Chabbath dans les 40 minutes restantes avant la Chki’a (coucher du soleil).
Entrer dans la salle pour la Kabalat Chabbath (j’étais en retard) était magnifique. La salle était remplie de 60 ou 70 hommes et d’environ une dizaine de femmes, et tout le monde chantait. Rav Jesse Horn, de la Yechiva ‘Atérèt Cohanim, conduisit la Kabalat Chabbath. Nous étions tellement heureux de pouvoir observer ce Chabbath, si bien que la prière et le niveau de joie étaient à son comble. Je crois que nous avons dansé quatre ou cinq fois pendant la Kabalat Chabbath et ‘Arvit.
Après la Kabalat Chabbath, nous nous dirigeâmes vers la salle à manger et je peux vous dire avec certitude que ce que je vis dépassa de loin ce que j’avais imaginé.
85% de la salle à manger avait été réservée pour notre repas de Chabbath. Les tables étaient joliment disposées avec des bouteilles de vin, de jus de raison et des ‘Halot. Là où l’hôtel dispose généralement son bar de salades et son assortiment de viandes froides, cet espace était rempli par des plateaux de Gefilte Fish, 6 ou 7 grands bols remplis d’une variété de salades et de dips, on aurait dit que tout avait été planifié des semaines en avance. Il y avait beaucoup de viande pour le plat principal et un assortiment d’accompagnements.
Le repas fut merveilleux, tout le monde chanta des Zrmirot (chants de Chabbath), et il y eut de nombreux Divré Tora. Plusieurs personnes s’étaient arrêtées au Duty Free pour acheter du whisky, l’ambiance était très sympathique. Les chants se poursuivirent pendant longtemps ; je me réveillai plusieurs fois pendant la nuit, en raison du décalage horaire depuis New York ; à chaque fois que je descendis dans le lobby, je vis des hommes étudier ou parler de la Paracha.
La prière de Cha’harit fut à nouveau très belle et il était intéressant de constater que c’était un mélange de rite Sfard, Séfarade et Ashkénaze. A l’issue de la prière, plusieurs personnes se rendirent dans la cuisine pour aider le rav et la rabbanite Hendel (les émissaires ‘Habad d’Athènes) à préparer le repas de Chabbath midi.
Deux cours furent dispensés, l’un en hébreu et le second en anglais, par le rav Yossi Baumel.
Après les cours, nous nous rendîmes dans la salle à manger, où, tout comme le soir précédent, on mit à notre disposition d’abondantes quantités de nourriture délicieuse, un excellent Kougel de viande en friand, du rôti et un grand assortiment de salades. Contrairement au soir précédent, où tout le monde était assis à côté de personnes au background similaire, les places de ce repas de Chabbath étaient hétérogènes. Les ‘Hassidim étaient assis à côté de sionistes religieux avec lesquels ils conversèrent, etc. J’aimerais juste vous faire visualiser cette atmosphère, il n’y avait aucune catégorisation, nous étions assis en vraie A’hdout (union).
Le reste du Chabbath, le trajet vers l’aéroport ainsi que le vol de retour pour Israël se déroulèrent sans incident, inutile que je m’y attarde.
J’aimerais tout d’abord remercier les personnes suivantes :
Rav Chlomo Ber Sorotzkin, qui a eu la prévoyance, avant le décollage, de demander à son organisme de contacter El-Al et ‘Habad et d’exercer des pressions pour organiser ce Chabbath.
Le rav et la rabbanite Hendel, émissaires de ‘Habad vivant à Athènes. On les contacta à 11 heures du matin vendredi, et à 16 heures, ils avaient préparé un magnifique Chabbath pour plus de 150 adultes, sans oublier aucun détail.
Mes 150 nouveaux amis et passagers qui ont vécu cette expérience avec moi et un Chabbath inoubliable.
Petit message pour El-Al :
Bonjour El-Al, je ne sais pas qui est responsable du marketing et des réseaux sociaux chez vous, mais vous avez manqué une immense opportunité. La prochaine fois que ce cas se produit, voici ce que vous devez faire. Assurez-vous de réserver le même hôtel et contactez ‘Habad pour préparer un merveilleux Chabbath. Vous louez les services d’un photographe et d’un caméraman grec, vous filmez ce merveilleux Chabbath – puis vous en faites la promotion à titre de « Chabbath d’unité » sponsorisé par El-Al. Si vous avez besoin d’autres conseils, n’hésitez pas à me contacter par téléphone ou e-mail, ou envoyez-moi simplement des billets pour me remercier.
J’aimerais conclure ce récit par quelques réflexions suite à l’un des plus beaux Chabbath de ma vie.
1. Plus de 150 Juifs de tous horizons avec des visions de la vie différentes, portant toutes les tenues possibles, ont quitté l’avion avec une seule pensée à l’esprit : nous respecterons le Chabbath, même s’il s’avère nécessaire de dormir à l’aéroport à cet effet.
2. Contrairement à nos arrière-grands-parents, qui étaient licenciés s’ils ne travaillaient pas le Chabbath (aux Etats-Unis), ou stigmatisés, et parfois incarcérés pour avoir respecté le Chabbath (comme dans l’ex-URSS), combien de fois avons-nous l’occasion de nous sacrifier pour le Chabbath ? Nous avons bénéficié d’un immense cadeau d’Hachem : nous avons eu la chance de Lui montrer combien nous L’aimons ainsi que Sa Tora, et nous avons tous adhéré à ce message.
3. Chaque parent dans cet hôtel, qui n’a pas pu se retrouver chez lui, avec ses enfants ce Chabbath-là, a enseigné à ses enfants une leçon qu’il n’aurait pu leur transmettre pendant 100 Chabbatoth à la maison. Ils ont montré à quel point le Chabbath était précieux pour maman et papa, etc. au point de quitter l’avion dans un pays étranger, sans avoir de garantie d’obtenir de la nourriture ou un logement pour passer la nuit.
4. Le Yom Tov au Beth Hamikdach ressemblait probablement à ce Chabbath. Des Juifs du monde entier se rassemblaient pour Hachem et les Mitsvot. J’espère rencontrer tous mes amis passagers Pessa’h prochain, apportant des Korbanot (sacrifices) au Beth Hamikdach.
Puissions-nous avoir le mérite de voir le Machia’h et d’assister à la reconstruction du Temple.