Le nouveau ministre soudanais des affaires religieuses a appelé, le 6 septembre, les Juifs originaires du pays à venir s’y réinstaller. Condamnée à l’exil dans les années 1960, cette communauté a conservé son identité, mais la plupart de ses membres s’avèrent désormais trop âgés pour répondre à cette invitation.
La plupart des Juifs ont quitté le Soudan en 1967, après la guerre des Six Jours opposant plusieurs pays arabes, dont le Soudan, à Israël. Or, en gage de sa toute nouvelle ouverture à la pluralité culturelle et religieuse, le gouvernement de transition nommé le 5 septembre – après l’éviction du dictateur Omar El Béchir le 11 avril – invite ces exilés à regagner leur pays.
« Nous désirons leur lancer un appel pour qu’ils reviennent dans ce pays en vertu de leurs droits relevant de leur citoyenneté et de leur nationalité. Parce que dans ce pays, le Soudan, et ce tant qu’il y aura un gouvernement civil, la base de la nationalité est constituée de droits et de devoirs », a déclaré, le 6 septembre, le ministre des Affaires religieuses Nasr-Eddin Mofarah à la chaîne saoudienne Al Arabiya. Même s’ils ont conservé leur identité soudanaise, rares sont les Juifs qui devraient effectivement retourner à Khartoum.
1 000 Juifs soudanais
Cette minorité a compté un millier d’individus à son apogée, entre 1930 et 1950. Puis, elle est progressivement incitée à fuir à partir de l’indépendance du Soudan en 1956. « Les incidents antisémites, notamment dans la presse, sont alors devenus plus menaçants, et les membres de la communauté ont commencé à quitter le Soudan », déplore Daisy Abboudi, petite-fille de Juifs soudanais qui œuvre à la restitution de témoignages de cette diaspora sur son site.
La situation s’envenime pendant la guerre des Six Jours. « Tous les jeunes hommes juifs ont été emprisonnés et interrogés pendant des jours sur la base de fausses accusations, voire sans aucune raison, explique Daisy Abboudi, par ailleurs diplômée d’un master d’histoire. Cela a incité presque tous les Juifs restants à quitter le Soudan fin 1967. » Les derniers d’entre eux sont partis au début des années 1970, lorsque les entreprises ont été nationalisées par le président Gaafar Nimeiry.
Trop âgés pour rentrer
Ils ont alors rejoint Israël, l’Angleterre, la Suisse et les États-Unis, sans abandonner leur culture pour autant. « Les traditions, surtout la cuisine, les comptines, les expressions et dictons, se sont transmises de mes grands-parents à mes parents jusqu’à ma génération », affirme la chercheuse.
Aujourd’hui âgés, la plupart des Juifs soudanais ne semblent pas aptes à entreprendre un périple vers leur pays d’origine. « La grande majorité des Juifs qui ont quitté le Soudan ont désormais 70, 80 ou 90 ans. Je pense que beaucoup aimeraient y retourner s’ils ont le sentiment qu’ils y seront en sécurité, mais il se révélerait en réalité très, très difficile pour eux de s’y rendre à cause de leur âge ! », regrette Daisy Abboudi, saluant toutefois cette ouverture.
Interviewé par la chaîne Sudania 24 TV, l’écrivain soudanais Haidar Al-Mukashafi se montre encore plus sceptique. « Ce pays les a rejetés, souligne-t-il. Ils n’ont aucune raison d’y retourner à moins qu’il y ait des réformes incitant les Soudanais juifs, comme les non-juifs, à y revenir. »
Source www.la-croix.com