Par Meir M. Bar-Asher
Jews and the Qur’an, Princeton, Princeton University Press, 2021, 167 p.
Critique par Daniel Pipes – Middle East Quarterly
Professeur d’études islamiques à l’Université hébraïque de Jérusalem, Bar-Asher aborde l’une des questions les plus délicates et les plus subtiles de l’histoire religieuse et de la politique actuelle dans ce livre assez mince mais dense sur la place des Juifs dans le Coran. (Avant d’aller plus loin, on notera qu’il laisse de côté les travaux importants de l’histoire révisionniste pour se limiter à une histoire conventionnelle de plus en plus décriée.)
Pour commencer, Bar-Asher passe au crible la vie juive en Arabie avant le Coran et conclut que, fondamentalement, aucune information fiable n’est disponible. En considérant les écritures islamiques, il trouve que « l’image des Juifs et du judaïsme qui se dégage du Coran est donc très contrastée suivant qu’il s’agit des Hébreux de la Bible ou des contemporains du début de l’islam ». Pour simplifier, les premiers sont loués et les seconds sont condamnés. (C’est ici une première version du phénomène contemporain selon lequel « les gens aiment les Juifs morts »)
Des versets coraniques favorables aux Juifs dépeignent ces derniers comme le peuple élu, les Israélites sortis d’Égypte et arrivés dans la Terre Promise, ceux ayant reçu la Tora. Les versets défavorables sont axés sur l’idolâtrie – que Bar-Asher appelle « la preuve tangible du rejet du monothéisme par les Hébreux puis, après eux, les Juifs » – mais aussi sur l’étrange affirmation coranique selon laquelle les Juifs croient en un certain Uzaïr comme prophète voire comme fils de D’, et sur la calomnie selon laquelle les Juifs ont assassiné leurs propres prophètes.
Dans l’ensemble, « cette vision négative globale des Juifs sert de fondement à leur délégitimation et à leur rabaissement ». Sans surprise, « les critiques violentes dirigées par le Coran contre les Hébreux de la Bible, puis contre les Juifs y occupent une place plus importante que les jugements positifs ».
Conscient du rôle qu’ont aujourd’hui encore ces versets coraniques, Bar-Asher observe qu’ils « deviennent « explosifs » quand ils sont sciemment décontextualisés pour être brandis contre les Juifs et les chrétiens d’aujourd’hui ». Il fournit un certain nombre d’exemples.
L’auteur aborde également une série d’autres sujets passionnants tels que la relation profondément ambivalente du Coran avec la Bible, le passage où certains sont « transformés en singes et en porcs », le traitement des récits bibliques dans le Coran, une comparaison des lois dans le judaïsme et dans le Coran, et la manière dont les sunnites et les chiites ont historiquement perçu les Juifs. Bar-Asher a écrit un petit bijou.