Tribune Juive Entretien
“Les islamistes savent que le Royaume-Uni tombera comme un fruit mûr… et que l’Europe suivra”: Boualem Sansal revient sur les émeutes qui ont secoué le Royaume-Uni depuis le 29 juillet.
Atlantico : Comment qualifieriez-vous ce qui se passe au Royaume-Uni depuis l’attaque au couteau ayant fait 3 victimes chez des enfants à Southport ?
Boualem Sansal : Je dirais que nous assistons à la défaite en direct du Royaume-Uni dans une guerre civile qui le dépasse, que lui font les forces de la désagrégation que sont l’islam et ses extrémistes, l’émigration massive incontrôlée et incontrôlable, et un personnel politique inconsistant, soumis au politiquement correct et au wokisme, prêt à toutes les capitulations pour préserver sa rente. Je pense à la célèbre phrase de Churchill sur la guerre et le déshonneur, alors que l‘hitlérisme et le fascisme entreprenaient de se partager la vieille Europe qui avait déjà cédé à toutes leurs exigences. Je pense aussi à l’Algérie dans les années 80, et à tous les pays musulmans despotiques qui avaient cru intelligent d’instrumentaliser l’islam pour tuer dans l’œuf les revendications démocratiques qui commençaient à s’exprimer dans certains milieux de la société, et sont trouvés eux-mêmes piégés et instrumentalisés par les islamistes. C’est absolument dramatique. Comme dans le jeu de quilles, la défaite du Royaume-Uni entrainera celle de nombreux pays européens. On verra là que l’Union européenne était conçue pour affaiblir les États? pour les fondre dans un ensemble sans défense.
Le récit médiatique qui en est majoritairement fait – celui d’une vague d’émeutes racistes fomentées par l’extrême droite – vous paraît-il refléter la réalité dans sa complexité ?
Que des extrémistes de tous bords et des casseurs profitent des drames qui endeuillent les pays pour leur propre business, n’est pas pour surprendre. C’est classique. Là, à la base, il y a la tristesse et la colère de citoyens anglais choqués par le meurtre abominable de trois fillettes, meurtre qui fait suite à tant d’autres commis ces dernières années. Partout dans le monde, on a ressenti les mêmes sentiments, la tristesse et la colère, et aussi l’indignation contre l’incurie de ces gouvernements incapables de protéger leurs citoyens, peut-être aussi contre soi-même car ces gouvernements ont été élus par ceux qui les dénoncent aujourd’hui. Faire passer des manifestants pour des émeutiers pour les isoler, les fasciser et retourner l’opinion contre eux est un classique. Le gouvernement français avait fait pareil avec les Gilets Jaunes. Et il fera probablement pareil à la rentrée quand il faudra bien sortir de la crise créée par la dissolution à la hussarde de l’Assemblée nationale et le brouillage des cartes pour empêcher les Français exprimer librement et sereinement leurs choix politiques. On en arrive aujourd’hui à parler de république bananière en faillite, de coup d’Etat, de dictature, de guerre civile. La trêve olympique est finie, on tremble pour la France. Le pouvoir algérien et ceux des pays du Sahel, qui se considèrent gravement humiliés par la France de Macron se feront un plaisir et un devoir d’apporter leur part dans ses difficultés à venir.
Le roi Charles III a publié un communiqué invitant au respect mutuel. À quoi pourrait correspondre selon vous ce respect mutuel entre communautés ?
Ce sont des paroles pour ne rien dire, c’est la langue de bois. Que veut dire respect mutuel ? Des faveurs que se feraient les uns et les autres s’ils le veulent bien ? Le respect est obligatoire, il s’impose, il n’est pas une faveur, et le premier respect à imposer est le respect de la loi. Et la loi c’est la loi nationale, pas la charia, ou un quelconque arrangement entre coteries. En cas de problème, on va au tribunal pour obtenir le respect et à non à la mosquée pour recevoir des bénédictions. Encore faut-il que la justice soit libre et indépendante, respectée et respectable, ce qui ne semblerait plus être tellement le cas, ni au Royaume-Uni ni en France.
Des images de la princesse de Galles portant un voile pour visiter un centre musulman sont devenues virales (une visite qui avait eu lieu en mars 2023) ainsi que celles du chef de la police des West Midlands dont certains ont considéré qu’il donnait l’impression de se soumettre aux représentants de la communauté musulmane. Le Royaume-Uni est-il selon vous dans une situation de soumission à celle que Michel Houellebecq avait anticipé pour la France dans son roman du même nom ?
J’ai vu les scènes auxquelles vous faites allusion et j’ai été effrayé de voir à quel niveau de soumission était arrivée la fière Angleterre. Je me souviens d’une scène de soumission encore plus effroyable, celle d’un président Obama, obséquieux plié à 90 degrés devant le roi d’Arabie, « gardien des deux lieux saints ».
Dans Soumission, Houellebecq qui aime bien s’amuser et provoquer part de l’idée que l’islam est soluble dans la démocratie et qu’il pourrait un jour tout gentiment parvenir au pouvoir en France par les urnes et réussir à faire le bonheur des Français comme on le voit dans les pays musulmans. Le propos se veut rassurant, il dit : dormez tranquilles bonnes gens, l’islam nouveau arrive, il mettra tout au clair et au propre. Chose impossible, la France ne l’acceptera évidemment jamais, elle ne laisse pas le RN arriver au pouvoir, alors qu’il satisfait à toutes les exigences de la démocratie, comment laisserait-elle un parti islamiste animé de l’étranger s’y installer. La réalité est celle-ci, et Houellebecq qui sait être rusé la connait bien : l’islam n’a que faire de la soumission volontaire des infidèles et des homosexuels, il la refuse et ne l’accepte pas, chemin faisant vers la suprématie, que parce qu’il a besoin d’idiots et de beaux parleurs pour rassurer l’opinion, la réalité est qu’il veut les soumettre lui-même et d’une des trois seules manières canoniques : – en les sommant de se convertir sur-le-champ selon la formule coranique « aslim taslam (soumets-toi, tu auras la vie sauve !) » ; – en les mettant sous sa coupe avec le statut de dhimmi, démuni de tous droits et tenu au paiement de la djizia ; – les tuer en tant qu’ennemis d’Allah. Jouer le jeu de la démocratie pour conquérir de pouvoir n’est admissible pour les islamistes que dans le cadre de la taqîya. Une fois au pouvoir, on efface tout et on soumet tout le monde. C’est ce qu’ont fait les partis communistes un peu partout, dans maints pays européens, à Cuba, en Afghanistan, etc. Aujourd’hui les islamistes en Europe sont forts et conscients de leur force et n’ont plus besoin de jouer la comédie du musulman moderne intelligent qui adore la démocratie et la laïcité, de s’entourer d’idiots utiles pour la galerie. Ils aiment occuper le terrain, bousculer les frontières et montrer leur toute-puissance héritée d’Allah Akbar et leur mépris pour cette Europe décadente qui pratique toutes les prostitutions. C’est ce qu’ils font au Royaume-Uni, en Belgique, en France. Ils savent que cette Europe tombera comme un fruit mûr sans qu’il soit besoin de lui faire une vraie guerre. Elle ne la mérite pas, la guerre c’est pour les hommes et les États sérieux.
La justice britannique semble se montrer beaucoup plus sévère vis-à-vis d’émeutiers ou de Britanniques ayant posté des messages racistes sur les réseaux sociaux que vis-à-vis de criminels d’origines étrangères. La mauvaise conscience occidentale est-elle en train de paver de bonnes intentions anti racistes notre chemin vers l’enfer des guerres communautaristes ?
Je le crois mais on peut aussi faire une autre analyse. Le gouvernement et la justice savent que la population est versatile, et nous le savons tous. Un jour elle dénonce les islamistes et les émigrés clandestins et le lendemain elle se mobilise pour empêcher leur expulsion et dénoncer des lois qui viendraient réduire leurs droits, comme construire des mosquées, porter le voile, accéder aux aides publiques, et les traitera de fachos, de racistes, etc. Le wokisme, un cancer sans remède connu, bien plus ancré qu’on ne croit dans la société occidentale, toutes tendances confondues, gauche et droite jusqu’à leurs extrêmes, rend impossible de telles mesures. Qui les voterait, qui oserait seulement les proposer au débat. Les lois en vigueur ne permettent pas de faire autrement. Ainsi bloqué par sa propre législation et la versatilité de son opinion publique, il ne reste que ce qu’a fait Charles III, appeler au respect mutuel, ou comme en France multiplier les mascarades œcuméniques et les petits arrangements dans les coulisses électorales. Paul le persécuteur de l’Eglise est devenu sur son chemin vers Damas le plus engagé des apôtres.
Elon Musk a indiqué qu’il redoutait une guerre civile au Royaume-Uni, la situation à Southport et la vague d’émeutes suite à ce drame sont-elles les prémices de tensions plus profondes ?
On n’en est pas là heureusement, la douleur et les colères, les manifestations et les émeutes, aussi importantes soient-elles ne sont pas la guerre civile, encore moins la guerre civile armée, comme ce fut le cas en Algérie durant la décennie noire (90). Les deux parties, les islamistes et les antifas d’un côté et de l’autre les émeutiers dits d’extrême-droite, ne sont pas psychologiquement dans ce schéma, les uns hurlent leur colère contre le gouvernement qui n’arrive pas à les protéger et les autres qui craignent pour leurs acquis islamiques paradent dans les rues et font montre de leurs muscles. A ce stade c’est du vulgaire poujadisme et de l’anarchisme de banlieue. Les islamistes s’approchent du djihad actif mais ils considèrent que les conditions d’une action armée décisive à l’échelle du pays ne sont pas réunies. Ils craignent surtout que les pays européens se solidarisent et déclarent l’islam non grata en Europe, tels la Pologne, la Hongrie, la Suède. Les islamistes sont patients, leur force est là, ils savent que le temps travaille pour eux. Dans la stratégie de l’internationale islamiste, l’Europe est une terre privilégiée, elle est « dar el harb, la maison de la guerre », c’est Vienne qui a brisé le rêve des premiers conquérants musulmans, c’est Rome le siège du christianisme et c’est la France fille aînée de l’Eglise, c’est l’achèvement des conquêtes de Mahomet et des califes bien guidés, c’est Londres qui ouvre sur l’Amérique et surtout sur le Canada qui se convertit par pans entiers. L’Europe n’imagine pas ce qu’elle représente pour l’islam et les musulmans pris dans la mystique du djihad de conquête, le djihad de la vengeance, tout le reste n’est que détails et modalités.
Selon les données de l’ONS, à Londres, les deux tiers de la population sont issus d’une minorité ethnique en 2021. Quelle est la trajectoire démographique du Royaume-Uni ?
La Royaume-Uni et d’une manière générale, les pays européens ne peuvent pas se passer de l’immigration, autant pour redresser leur démographie déclinante que pour leur fournir la main-d’œuvre et les consommateurs nécessaires pour maintenir leur niveau de vie et la seule émigration disponible en nombre rapidement utilisable est l’immigration musulmane et africaine. Atout suprême, elle est très jeune et souvent bien formée. Cercle vicieux. Toujours plus. A la base de la puissance est la religion et la démographie, la vieille Europe l’a oublié et n’a plus ni démographie ni religion. Une chose semble sûre, le Royaume-Uni d’antan est bel et bien fini.
La France traverse souvent les mêmes crises que les pays anglo-saxons mais avec quelques années de retard. La France pourrait-elle connaître de telles émeutes dans les mois ou les années à venir après un nouvel attentat ?
La France est en effet prise dans la même tourmente. La différence est que pour le moment les Français expriment leur colère à travers les urnes et les duels des chefs. Les succès foudroyants du RN et du NFP aux législatives témoignent d’une quasi-division physique de la France. Mais empêcher encore une fois, la fois de trop peut-être, le RN de parvenir au pouvoir et faire de ses adhérents des parias pendant que toute liberté est accordée à LFI pour aiguiser les tensions et appeler à la révolution, c’est carrément opter pour la violence, c’est même appeler à la violence. Ce qui serait dramatique dans cette France en déclin rapide qui pour tout compliquer est en instance de divorce avec ses ex-colonies, d’où provient l’essentiel de ses émigrés.
Source: Atlantico