Les États-Unis frappent des milices chiites irakiennes pro-Iran ; Bagdad (notre photo) dénonce une « violation de sa souveraineté ».
L’Iran est la première source de tous les conflits au Moyen-Orient. Elle arme le Hamas à Gaza, le Hezbollah au Liban, les Houthis au Yémen, les milices chiites en Irak, et multiplie les attaques en tout genre dans la région, sur terre comme sur mer. Dans ce contexte les politiques occidentales à l’égard de l’Iran sont des politiques munichoises, conduites par des personnes n’ayant aucun sens des réalités, alors que ce pays s’arme de l’arme atomique, alors que la politique de l’autruche reste à la mode dans toutes les chancelleries.
Depuis le début de cette année, les intérêts américains en Irak ont été la cible d’une quarantaine d’attaques, attribuées par Washington aux milices irakiennes qui, soutenues par Téhéran, font partie de la coalition paramilitaire du Hachd al-Chaabi. Jusqu’alors, le mode opératoire privilégié consistait à tirer des roquettes en direction d’emprises abritant des militaires – principalement américains – déployés en Irak dans le cadre de la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis. Ou bien encore contre des représentations diplomatiques américaines dans le pays [ambassade et consulats, ndlr].
Mais, depuis maintenant plusieurs semaines, ces attaques font désormais appel à des drones piégés, que les systèmes C-RAM [contre-roquettes, artillerie et mortier] ne parviennent pas toujours à détruire. À vrai dire, cela s’est rarement produit… la seule interception réussie ayant été réalisée le 6 juin dernier, sur la base aérienne d’Aïn al-Assad.
D’après la presse américaine, ces attaques, menées par des milices pro-Téhéran, visent à « faire pression » sur Washington pour obtenir un allégement des sanctions prises contre l’Iran dans le cadre des discussions portant sur la relance de l’accord sur le nucléaire iranien [PAGC – Plan d’action global commun]. Cela étant, elles ont un autre effet : celui de compliquer la maintenance des F-16 des forces aériennes irakiennes, Lockheed-Martin ayant retiré ses techniciens de la base de Balad.
En février dernier, comme le fit son prédécesseur à la Maison Blanche, le président américain, Joe Biden, a ordonné des frappes aériennes contre des positions tenues en Syrie par des milices chiites irakiennes [le Kataeb Hezbollah et le Kata’ib Sayyid al-Shuhada, ndlr]. Ces frappes auraient fait au moins 17 tués dans les rangs des miliciens visés. Mais ce bilan n’a jamais été confirmé officiellement. « Cette réponse militaire proportionnée a été menée en parallèle à des mesures diplomatiques, notamment des consultations avec les partenaires de la coalition » antijihadiste, avait expliqué, à l’époque, John Kirby, le porte-parole du Pentagaone. « L’opération envoie un message sans ambiguïté : le président Biden protégera les forces américaines et celles de la coalition », avait-il conclu.
Pour autant, la suite a montré que ces frappes n’ont nullement découragé les milices chiites à poursuivre leurs attaques. D’où une seconde opération ordonnée par M. Biden. Ainsi, le 27 juin, des F-15 et des F-16 de l’US Air Force, basés au Moyen-Orient, ont visé des installations de groupes « tels que le Kata’ib Hezbollah et le Kata’ib Sayyid al-Shuhada », situées à la frontière irako-syrienne. « Comme l’ont démontré les frappes de ce soir, le président Biden a clairement indiqué qu’il agirait pour protéger le personnel américain », a commenté M. Kirby. « Compte tenu de la série d’attaques menées par des groupes soutenus par l’Iran ciblant les intérêts américains en Irak, le président a ordonné de nouvelles actions militaires pour perturber et dissuader de telles actions », a-t-il justifié.
Quant aux « installations » visées, elle ont été « sélectionnées car elles sont utilisées par des milices soutenues par l’Iran qui sont impliquées dans des attaques à l’aide de véhicules aériens non-habités contre des personnels et des installations américaines en Irak », a également expliqué le Pentagone.
Ces frappes auraient coûté la vie à dix miliciens chiites. De son côté, le Hachd al-Chaabi a déploré la mort d’une « poignée de combattants » dans ces raids. « Nous avons déjà dit que nous ne resterions pas silencieux face à la présence des forces d’occupation américaines qui va à l’encontre de notre constitution et du vote des députés […]. Nous vengerons le sang de nos martyrs », a-t-il ajouté. L’une des positions visées était située près d’al-Qaïm, dans l’ouest de l’Irak [*]. D’où la réaction du Premier ministre irakien, Moustafa al-Kazimi. Dans un communiqué publié ce 28 juin, il a en effet dénoncé une « violation flagrante de la souveraineté » de son pays.
« Nous réitérons notre refus de voir l’Irak comme un terrain pour régler les comptes et sommes attachés à notre droit d’empêcher que [le pays] ne soit utilisé comme un champ d’agressions et de représailles », a aussi déclaré M. al-Kazimi. « Nous sommes en Irak à l’invitation du gouvernement irakien dans le seul but d’aider les forces de sécurité irakiennes dans leurs efforts pour vaincre l’État islamique », avait rappelé, plus tôt, John Kirby. « Les États-Unis ont pris les mesures nécessaires et appropriées pour limiter le risque d’escalade, mais aussi pour envoyer un message dissuasif clair et sans ambiguïté », avait-il insisté.
Cela étant, ces frappes ont été effectuées alors que les forces américaines réduisent progressivement leur présence au Moyen-Orient. Ainsi, les renforts qu’elles avaient déployés dans la région en 2019 et en 2020, sur fond de tensions avec l’Iran, vont être retirés pour être envoyés ailleurs. Le secrétaire à la Défense, Lloyd Austin « a ordonné […] de retirer cet été de la région certaines forces et capacités, principalement des équipements de défense anti-aérienne », a en effet indiqué le Pentagone, la semaine passée. « Certains de ces équipements seront renvoyés aux États-Unis pour une maintenance et des réparations devenues très nécessaires. D’autres seront redéployés dans d’autres régions », a-t-il précisé, sans donner davantage de détails.
Selon le Wall Street Journal, des systèmes de défense aérienne Patriot et THAAD sont en passe d’être retirés d’Irak, du Koweït, de Jordanie et d’Arabie Saoudite. « Nous maintenons une présence militaire robuste dans la région, appropriée compte tenu de la menace, et nous sommes convaincus que ces changements ne vont pas affecter nos intérêts de sécurité nationale », a fait valoir le Pentagone. « Nous maintenons aussi la flexibilité de renvoyer rapidement des forces au Moyen-Orient si nécessaire », a-t-il conclu.
[*] Le Pentagone a diffusé trois vidéos de ces frappes. Toutes ont été effectuées en Syrie.
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