Les Etats-Unis lâchent Israël à l’ONU

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Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps

Cette décision des États-Unis de condamner l’expansion de nouvelles implantations de Cisjordanie au Conseil de sécurité de l’ONU s’apparente plus à un geste de mauvaise humeur qu’à un changement de stratégie. C’est la première fois, depuis neuf ans, que les Américains mêlent leur voix aux autres pays dans un vote négatif. Netanyahou a donc élevé la voix face à son allié : «L’ONU nie le droit des Juifs à vivre dans notre patrie historique et ignore les attentats terroristes palestiniens à Jérusalem au cours du mois dernier. La déclaration du Conseil de sécurité ferme les yeux sur le fait que l’Autorité palestinienne subventionne le terrorisme et paie les familles des terroristes».

Israël a réagi avec une violence inaccoutumée vis-à-vis de son allié : «Le vote du Conseil de sécurité n’aurait pas dû avoir lieu et les États-Unis n’auraient pas dû la signer». En effet les Américains n’ont pas voulu user de leur droit de veto contre cette résolution. Joe Biden ne veut pas cacher les divergences grandissantes sur les implantations et sur la réforme judiciaire. L’attachée de presse de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre, a exprimé la consternation de Washington face à la décision israélienne d’étendre les implantations de Cisjordanie malgré les mises en garde de hauts responsables américains contre toute mesure unilatérale. Antony Blinken a déclaré que les décisions israéliennes allaient à l’encontre de la politique américaine de longue date maintenue par les administrations démocrate et républicaine.

Israël a traité par le mépris ces deux déclarations et la conséquence ne s’est pas fait attendre. Les États-Unis sont également gravement préoccupés par le transfert d’autorité de la gestion de la Cisjordanie au profit du ministre des Finances Bezalel Smotrich. L’administration a clairement indiqué qu’une telle décision équivaudrait à une annexion de jure du territoire. Par ailleurs les Américains ont répondu à la menace de refonte judiciaire d’une manière mesurée. Joe Biden insiste sur la nécessité d’un consensus et refuse d’inviter Netanyahou à Washington dans l’attente d’une solution négociée avec l’opposition.

La déclaration du Conseil de Sécurité a été ferme : «Le Conseil de sécurité exprime sa profonde préoccupation et sa consternation face à l’annonce faite par Israël le 12 février 2023, annonçant la poursuite de la construction et de l’expansion des colonies et la légalisation des avant-postes de colonies. Il réitère que la poursuite des activités de colonisation israéliennes met dangereusement en péril la viabilité de la solution à deux États basée sur les lignes de 1967». Certes, grâce aux efforts d’Antony Blinken, la résolution n’est pas contraignante mais la brouille est actée. En échange d’une résolution plus modérée de la part des pays arabes, il a invité Mahmoud Abbas à Washington.

Mais cela n’est pas tout. Les Américains ne cessent de cibler Israël dans sa politique en Cisjordanie. Le raid israélien à Naplouse, à la recherche de terroristes impliqués dans le meurtre du sergent Ido Baruch, 21 ans, abattu près de la ville de Shavei Shomron, qui a fait onze morts palestiniens, a été critiqué à Washington. Ned Price (notre illustration), porte-parole du Département d’État, a déclaré que les États-Unis sont «extrêmement inquiets et préoccupés par les niveaux de violence en Israël et en Cisjordanie après cette journée meurtrière». Les États-Unis affirment qu’Israël a de «vrais problèmes de sécurité».

L’administration Biden n’est pas seule à s’opposer aux projets israéliens. Les principales organisations juives américaines, qui n’approuvent pas la politique officielle israélienne à un degré peut-être sans précédent, se prononcent contre la refonte judiciaire. Elles souhaitent que Netanyahou transige sur les changements judiciaires, et le mettent en garde contre les dangers pour la démocratie. Cependant l’AIPAC s’est abstenue d’interpeller le gouvernement. Israël ne peut se permettre de se brouiller avec les Américains.

Netanyahou a été contraint d’agir pour restaurer la confiance avec le grand allié. Il a informé Joe Biden de certaines concessions qu’il envisageait, à savoir l’interdiction de la légalisation de tout avant-poste sauvage supplémentaire en Cisjordanie pendant plusieurs mois. Mais il se refuse à revenir des décisions déjà annoncées car il est lié par des accords de coalition avec l’aile droite de sa coalition. Smotrich et Ben Gvir ne sont pas prêts à lâcher du lest dans la position favorable qu’ils occupent. Toute entorse à ce qui a été signé risque donc de conduire à de nouvelles élections dont les résultats restent très imprévisibles.

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