Mer Rouge: Les forces navales américaines et britanniques ont abattu 15 drones présumés hostiles
La mer Rouge est une « autoroute de la mer » reliant la Méditerranée à l’océan Indien et donc l’Europe à l’Asie. Environ 20.000 navires transitent chaque année par le canal de Suez, porte d’entrée et de sortie des navires passant par la mer Rouge. Et la guerre entre le Hamas et Israël, qui continue d’accroître les tensions à travers la région, touche aujourd’hui la zone. Après des attaques par des rebelles Houthis du Yémen, présentées comme des ripostes à la guerre entre Israël et le Hamas, plusieurs géants du transport maritime mondial ont ainsi annoncé successivement interrompre le passage de leurs navires par ce canal commercial clé. Le point sur les rebelles houthis yéménites qui multiplient les opérations de plus en plus audacieuses.
Depuis plusieurs jours, des missiles et des drones ont été abattus par des navires de guerre américains et français qui patrouillent dans la zone. Samedi encore, le Commandement militaire américain au Moyen-Orient (Centcom) a annoncé qu’un destroyer américain opérant en mer Rouge avait abattu 14 drones lancés depuis des « zones du Yémen contrôlées par les Houthis ».
Le 15 décembre, les armateurs Maersk [Danemark] et Hapag-Lloyd AG [Allemagne] ont annoncé leur décision de suspendre la navigation de leurs navires dans le détroit de Bab el-Mandeb, en raison de l’évolution contexte sécuritaire en mer Rouge, où les rebelles Houthis, soutenus par l’Iran, multiplient les attaques contre le trafic maritime commercial.
Ainsi, quelques heures plus tôt, le porte-conteneurs Maersk Gibraltar, exploité par Maerk, avait été manqué de peu par un missile tiré depuis une zone contrôlée par les Houthis au Yémen. Affrété par Hapag-Lloyd, le cargo Al Jasrah n’eut pas cette chance, un missile [ou un drone] ayant provoqué un incendie à son bord alors qu’il traversait le détroit de Bab el-Mandeb pour se rendre à Singapour.
À peine déployé en mer Rouge par la Royal Navy, le « destroyer » HMS Diamond [de type 45] n’aura pas tardé à s’illustrer. En effet, ce 16 décembre, le ministre britannique de la Défense, Grant Shapps, a fait savoir que ce navire venait d’abattre un « drone d’attaque présumé » grâce à son système surface-air Sea Viper, issu du programme PAAMS [Principal Anti Air Missile System].
Pourquoi les Houthis évoquent le conflit Hamas-Israël ?
Les rebelles Houthis ont prévenu qu’ils ripostaient à la guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas dans la bande de Gaza. Ce mouvement politico-militaire, qui contrôle une grande partie du Yémen, appartient, comme le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais, à ce qu’ils nomment « l’axe de la résistance » contre Israël, soutenu par l’Iran.
Mouvement politico-militaire radical issu du zaïdisme (branche du chiisme), les Houthis ne sont pas reconnus par la communauté internationale. Ceux qui semblent se voir, selon les experts, « en champion de la cause palestinienne pour faire oublier leur incapacité à stabiliser le Yémen » ont répété ce jeudi qu’ils « continueraient à empêcher le passage des navires à destination des ports israéliens » tant que la nourriture et les médicaments ne rentreraient pas dans la bande de Gaza.
Les Houthis ont également affirmé ce vendredi que les bateaux ne seraient pas visés au large du Yémen s’ils répondaient à leurs directives, mais que les navires à destination des ports israéliens seraient « empêchés de naviguer en mer d’Arabie et mer Rouge ». Selon Mohammed Albasha, spécialiste du Moyen-Orient au centre d’analyse américain Navanti Group, les derniers incidents montrent toutefois que « les Houthis sont prêts à viser tout ce qui est associé à Israël », quels que soient les liens
Quelles sont les réactions à l’internationale ?
La cheffe de la diplomatie française Catherine Colonna en visite en Israël a déclaré dimanche que les attaques en mer Rouge « ne pouvaient rester sans réponse ». « Nous étudions plusieurs options » défensives « avec nos partenaires » notamment pour « éviter que cela ne recommence », a précisé la ministre des Affaires étrangères. Vendredi, le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin a, lui, indiqué sur X s’être entretenu avec Grant Shapps sur ces attaques en mer Rouge, qu’il a qualifiées « d’irresponsables et illégales », et « un problème international dont il faut s’occuper ».
« Les attaques des Houthis contre des navires marchands civils en mer Rouge doivent s’arrêter immédiatement », a réagi, quant à elle, la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock. En visite en Israël, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan, a dénoncé « une menace concrète pour une libre navigation » en mer Rouge.
Le ministre iranien de la défense, Mohammed Reza Ashtiani, a, lui, mis en garde contre un éventuel déploiement de forces multinationales en mer Rouge, que Téhéran considère comme sa zone d’influence. « S’ils prennent une décision aussi irrationnelle, ils seront confrontés à des problèmes extraordinaires », a-t-il déclaré à l’agence officielle ISNA.
Qu’en pensent les experts ?
La mer Rouge est surveillée comme le lait sur le feu par la communauté internationale depuis des années et « pour le moment, on est encore dans le dérapage contrôlé, mais c’est un moment assez dangereux pour la stabilité de cette région stratégique », constate Camille Lons, chercheuse à l’ECFR (European council on foreign relations). « Les Houthis ont la capacité de créer des dommages considérables », s’inquiète pour sa part Fabian Hinz, de l’IISS (International Institute for Strategic Studies).
Si les navires militaires qui croisent en mer Rouge peuvent répliquer, comme l’ont fait récemment des bâtiments américains et français, ce n’est pas le cas des bateaux commerciaux. « La marine américaine ne peut pas escorter chaque navire civil en mer Rouge », ajoute-t-il. Et tous les regards sont tournés vers l’Iran, considéré comme le décisionnaire ultime dans l’ouverture ou non d’autres fronts pour Israël: au Liban avec le Hezbollah ou en mer Rouge avec les Houthis.
Reste que les experts insistent sur le degré d’autonomie des Houthis, qui « ne répondent pas au doigt et à l’œil à Téhéran, comme le fait le Hezbollah libanais, joyau des proxys (groupes armés alliés) iraniens dans la région », décrypte Camille Lons. « Jusqu’à présent les Houthis ont frappé sans s’attirer de représailles massives, mais ça peut déraper », avertit Franck Mermier. Les Houthis sont totalement imprévisibles et dangereux. Or, les processus qui déclenchent la guerre sont toujours imprévisibles »
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