Les esclaves et les Guilgoulim…

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Autour de la table de Chabbath, n° 476 Michpatim

Ces paroles de Tora seront étudiées le’Ylouï nichmat Etoile Nédjma bath Sim’ha Julie (famille Azoulay/Lyon) le jour de son année 15 Chevat

Illustration : Chaï Lérer

Notre paracha suit la section de la semaine dernière, celle du don de la Tora. Après avoir reçu les 10 commandements parmi lesquels la Mitsva de croire en Hachem et de repousser l’idolâtrie (sans oublier le respect du Chabbath, l’interdit du vol et de l’adultère) notre paracha nous apprend une suite de lois venant régler la vie sociale (ben adam la’havéro). Il s’agit de la garde d’objets, le vol, les prêts, sans oublier les dommages. Hachem veut que nous vivions dans la paix et la justice entre les hommes et les nations (le contraire de l’anarchie, des dictatures et des injustices).

Seulement ce qui est remarquable c’est que notre section commence par le Din (jugement) de l’esclave juif. Il s’agit d’un « paumé » de la communauté qui par malchance (dira-t-on trivialement) n’a pas eu de grandes réussites dans sa vie. Depuis les bancs de la fac, jusqu’à ses essais infructueux dans le monde du business. Cahin-caha il ira, à D’ ne plaise, jusqu’à faire quelques entourloupes à droite et à gauche. Et finalement le Beth Din le prendra sur le fait accompli et l’obligera à rembourser tous ses larcins. Comme la somme est coquette et qu’il n’a pas le premier des sous (comme on connait le dicton : argent mal gagné est aussi vite dépensé), il est vendu en tant qu’esclave dans une famille de la communauté. Certains de mes lecteurs auront le regard moqueur (car cela fait plus de deux siècles que l’esclavagisme est prohibé dans nos pluvieuses contrées car il est synonyme de grande cruauté) mais nous verrons au cours de notre développement (vers la fin) que c’est une manière efficiente de réhabilitation des petits malfrats de la société, bien plus adéquate que le système pénitencier. Il était donc vendu pour une période de six années (avec le produit de sa vente il remboursait ses vols) durant laquelle il devait servir de la meilleure des manières son nouveau patron.

Le Machguia’h rav Ya’akov Neumann zatsal (de la Yechiva « Lomzé » à Peta’h Tikva) fait une très intéressante remarque. En effet « Michpatim » traite, grosso modo, des lois d’argent. Donc normalement elle aurait dû commencer par les cas bien plus honorables des lois de prêts ou de l’aide à la veuve et à l’orphelin. Or, le fait qu’elle commence par ce « paumé » de la société juive montre la grande mansuétude du Ribono chel ‘Olam. Hachem aime Son peuple, depuis le plus grand érudit et le Tsadik jusqu’au plus petit de l’échelle communautaire. Donc lorsque la Tora s’inquiète du sort de ce malheureux, c’est une preuve qu’il existe encore un espoir pour cet homme (de mieux faire). C’est aussi un appel pour ceux qui ont réussi à la fac ou, bien mieux encore, à la Yechiva de lui tendre la main (à l’image de notre Créateur).

Seulement le saint Zohar (début de Michpatim) explique sur un angle totalement différent ces versets. Il est écrit : « Voici les Lois… Rabbi Chim’on enseigne : ce sont les ordres des Guilgoulim« . C’est-à-dire que les diverses punitions qui sont mentionnées dans notre paracha (comme la vente de l’esclave et autres amendes) est l’allusion aux âmes qui doivent revenir sur terre pour écoper leurs jugements. (Cela fait un peu froid dans le dos à savoir que certains devront revenir sur terre après les 120 ans…). Le Zohar nous apprend que parfois l’âme doit faire un nouveau passage lorsqu’elle a trop péché dans une vie antérieure ou qu’elle n’a pas accomplie entièrement le travail spirituel qu’elle avait commencé. On l’obligera à revenir mais cette fois dans un corps étranger (cela peut-être dans le corps d’un animal lo ‘alénou) pour repasser 70 années sous le soleil. D’après cela, notre malchanceux (depuis la fac) doit savoir qu’il existe des cheminements qui sont tracés depuis le Ciel bien longtemps avant sa naissance (attention votre feuillet préféré ne vient pas justifier le comportement fautif comme provenant du Ciel, comme certains disent c’est le « Mektoub », car c’est un principe du judaïsme que l’homme est libre de ses actions). Et s’il doit être vendu en esclave (pour rembourser son vol), il vient aussi réparer une faute d’une vie antérieure.

Cet enseignement du Zohar nous éclaire sur toute une série de question qu’un homme peut se poser dans sa vie : pourquoi suis-je né dans telle famille, avec telle aptitude (ou inaptitude) etc… D’après les paroles de rabbi Chim’on : la vie ne commence pas le jour magnifique de sa naissance à la clinique de l’hôpital Américain de Neuilly (pour ceux qui en ont eu l’honneur…) mais bien avant

Je finirai par une Halakha au sujet du serviteur. Si le maitre possède un seul oreiller tandis que son esclave n’en n’a pas, le boss aura la Mitsva de donner son traversin à son esclave car la Tora dit : « Ki tov lo ‘imekha » « Tu dois être bon avec lui » (Guemara Kidouchin 20). De là, le Talmud enseigne : celui qui achète un esclave, acquière un maitre (puisqu’il a la Mitsva de lui donner la meilleure part). Cette Halakha vient nous éclaircir dans la manière dont on doit s’y prendre pour réhabiliter son prochain. En lui remettant son oreiller c’est une manière tangible de lui rendre des honneurs perdus depuis longue date). Pour blanchir une personne il faut LE REHAUSSER. De cette manière élégante, notre homme prend de la graine car il voit que finalement son boss lui rend la pareille. C’est la preuve par un plus deux qu’il vaut encore quelque chose sur terre. Et comme il devient une personne respectable, il fera attention de ne pas trébucher à l’avenir. En un mot si l’on veut réhabiliter l’homme qui a souffert dans son passé, c’est en l’aidant dans son quotidien.

Chaud les marrons…

Cette semaine je suis tombé sur un très intéressant sippour qui s’est déroulé en Terre sainte qui illustrera on ne peut mieux les points développés.

Rav Bidermann rapporte cette histoire véridique qui s’est déroulée il y a quelques temps, à Bené Brak. Il s’agit de salles de festivité dans cette ville des lumières. Deux salles étaient proposées pour la clientèle : une grande salle, avec de très belles décorations et à côté une salle nettement plus petite, moins bien décorée. Or le dimanche 8 Tévet (12/12/21) s’est passé un événement qui restera gravé pour longtemps dans les annales. Le même soir deux événements étaient prévus : deux familles avaient loué les lieux pour fêter les Chéva’ Berakhoth (un repas parmi les 7 jours après le mariage, à la fin desquels on dit les 7 bénédictions nuptiales) de leurs enfants. Or, il se déroula un impondérable : le secrétaire s’était « emmêlé » les pinceaux et avaient loué aux deux familles la même grande salle ! Chaque famille avait réglé la location. Voilà que le fameux dimanche arrive. En fin d’après-midi la première famille pénètre directement dans la grande salle et commence à arranger à son goût les tables en attendant l’arrivée des invités. Entre temps, l’autre famille arrive, un petit peu plus tard et se dirige également vers la grande salle comme convenu avec la direction… Seulement cette famille voit le comble devant ses yeux, la première famille se trouve sur les lieux des festivités et il y a même un orchestre qui fait ses dernières petites touches avant de jouer.

Le père de famille, de la deuxième famille, entre en jeu, et entre dans la grande salle. Après avoir pris une bonne respiration, il demande à la première famille avec politesse mais avec vigueur de leur laisser la grande salle comme convenu avec la direction de l’établissement il y a un mois de cela. Le père de la première famille refusa en expliquant qu’il avait également loué cette salle il y a quelques temps de cela, de plus, ils sont arrivés les premiers. Ils ne quitteront pas l’endroit, un point c’est tout ! Le ton monta entre les protagonistes, la parole se fait plus vive, on en arrive presque à l’inévitable. Personne ne renonce. Le directeur de l’endroit arrive au plus vite et se retrouve submergé de paroles vexantes qui fusent de droite et de gauche. La deuxième famille qui se trouve à l’extérieur le prévient qu’elle ne se laissera pas faire… Entre temps les invités des deux côtés arrivent et voilà qu’ils sont aussi entraînés dans la tourmente… Le directeur se tourne alors vers la deuxième famille qui attend dans le couloir et dit : « Je suis vraiment navré… Premièrement je renvoie mon secrétaire qui a fait cette grosse bêtise… De plus, je vous propose en dédommagement une superbe soirée dans la plus petite salle avec un menu hors-pair ainsi que des boissons à gogo qui seront à mon compte. Le père répondit : « En aucune façon, on veut faire les 7 bénédictions dans la grande salle, comme prévu « . Le directeur rajouta : « De plus, je vous dédommagerai d’une autre manière encore : vous passerez prochainement un superbe Chabbath avec toute votre famille dans un hôtel de Tibériade à mes frais » Cependant, ces propositions alléchantes ne faisaient pas bouger d’un iota la famille. Ils dirent : « On a des invités très importants qui doivent participer à cette soirée. Ils ne peuvent pas venir dans la petite salle, il leur faut absolument de grands espaces… ». Le directeur vit qu’avec cette famille il n’y avait rien à faire. Il se tourna de nouveau vers la première famille. Il courut à l’intérieur de la grande salle et supplia qu’ils passent dans la petite salle… Le père répondit : « Si cette deuxième famille s’était un peu mieux comportée depuis le début, j’aurais changé d’avis, seulement avec de pareils gens, je n’ai pas du tout envie de faire un geste en leur faveur… De plus, notre orchestre est arrivé et nos invités commencent à s’installer… ». La situation ne trouvait pas d’issue favorable, jusqu’à ce qu’un des employés de la salle se tourne vers le père de la première famille et lui dise : « Regarde la catastrophe que tu entraînes, toute cette grande pagaille et cette dispute entre les familles. Accepte la proposition alléchante du boss… » Le père dit : « Je ne tiens pas au dédommagement… Je suis prêt à faire quelque chose pour le Chalom mais seulement cela dépendra de l’accord de ma chère épouse… Mais je n’y crois pas ». L’employé zélé s’empressa de proposer cette solution à la mère de famille afin de faire régner l’entente. Seulement cette dame avait une position encore plus intransigeante que son mari. Les invités étaient déjà attablés, l’orchestre jouait et elle ne voulait pas céder ». L’employé dit alors une parole sortie de son cœur : « Personne d’entre vous n’a besoin d’une délivrance dans quelque domaine ? Voilà qu’il y a une occasion unique en son genre, qui ne reviendra pas de sitôt. Il est certain que celui qui cédera aura droit à une grande aide du Ciel. » Cette fois on pouvait deviner un changement dans l’expression du visage de la mère. Les paroles de l’employé avaient réussi à pénétrer son cœur. Des larmes perlèrent sur son visage. Elle dit : « On a découvert la maladie (lo ‘alénou), la semaine dernière, dans les glandes lymphatiques de mon père. A la fin de cette semaine il doit être transporté en dehors d’Israël et commencer des traitements éprouvants dans un hôpital de Bruxelles en Belgique ». L’employé dit : « Nou ! Tu ne crois pas que c’est l’occasion unique de céder devant la deuxième famille et ainsi de donner autant de mérite pour la guérison de ton père ? » Elle réfléchit quelques minutes avec son mari, dans un coin de la salle. Au bout d’un court laps de temps ils reviendront voir le boss et lui dirent qu’ils sont prêts à changer de salle avec tous leurs invités et l’orchestre. Elle rajouta : « Que ce soit la volonté de D’ que mon père recouvre la santé « . Toutefois, ils exigèrent une condition : « Que personne ne souffre dans cette affaire : nous tenons à ce que le secrétaire garde sa place. » Le directeur bondit de joie et les remercia du fond du cœur. En quelques minutes toutes les familles qui étaient à l’intérieur furent transférées dans la petite salle tandis que les familles qui attendaient à l’extérieur rentrèrent dans la grande salle… La soirée se déroula de la meilleure des façons dans les deux salles, malgré le début éprouvant des festivités. Tout fut oublié. Mais Hachem n’oublia pas les événements.

Le jeudi suivant, le grand père s’envola pour la Belgique afin de commencer une série de soins intensifs. Seulement avant de commencer les traitements on lui fit une IRM pour connaitre précisément les dernières évolutions de cette maladie gravissime. Le résultat arriva au bout d’une heure et il se produisit quelque chose d’incroyable mais vraie ! Le professeur qui devait l’opérer, convoqua la famille et dit : « Il y a eu une terrible erreur, vous êtes venus pour rien. Nos confrères d’Israël nous ont fait part d’une tumeur gravissime… Mais la radio montre qu’il s’agit d’une excroissance bénigne : il n’y a aucun danger. Il suffit de prendre quelques comprimés et tout se passera très bien… Il n’y a pas besoin de rayons ou de chimio (que D’ nous préserve). Revenez dans six mois pour une visite de routine. Vous pouvez retourner chez vous en Terre sainte. (N’oubliez pas de prendre quelques paquets de frites à votre départ…) ». La famille était estomaquée, des larmes de joie coulaient sur les joues, tout le monde connaissait la vraie raison du retournement de situation. Les confrères d’Israël ne s’étaient pas trompés de diagnostic… La vraie cause du renversement, c’était que la famille avait accepté de céder lors des sept bénédictions à Bené Brak en début de semaine… ».

Fin de l’histoire époustouflante. Et le rav Biderman de conclure :  » Plus le vitour (céder) est difficile, plus la délivrance est au-delà de tous les pronostics. Lorsque l’on fait quelque chose en rapport à son prochain, Hachem, mesure pour mesure, opère de grandes délivrances… »

Coin Halakha : Dans les pays pluvieux en hiver, on aura le droit, à Chabbath, de demander à un non-juif d’allumer le chauffage pour les besoins d’enfants à la maison (et les adultes pourront en profiter par la même occasion). Le gentil allumera pour les besoins des enfants et non pour les adultes (évidemment, si l’on avait allumé le chauffage mais qu’il s’est éteint pour une raison ou pour une autre).

Si le froid est encore plus rude alors on pourra demander explicitement pour les besoins d’adultes (on n’aura pas besoin d’évoquer les enfants) car vis-à-vis du froid, nous avons tous le statut de « malade » et par conséquent nous pouvons demander directement au gentil qu’il nous allume le feu de la cheminée (Choul’han ‘Aroukh 276.5).

Chabbath Chalom et à la semaine prochaine, si D’ le veut.

David Gold

Tél : 00972 55 677 8747, Emails : dbgo36@gmail.com

Une prière pour Alice bath Sonia Mantel (Vence) pour Ari’houth yamim vechanim.

Et toujours la Berakha à notre fidèle lecteur depuis des lustres Gérard-Yitshak Cohen (Paris) et son épouse dans ce qu’ils entreprennent.

Une bénédiction au rav Ya’akov Néthanel Journo chelita et à son épouse (Kiriat Yovel) pour tout leur travail de renforcement du judaïsme francophone en Israël et « chapeau » à la magnifique soirée pour les femmes de la communauté au Biniané Haouma de Jérusalem

Une berakha à Daniel Albala et à son épouse (Villeurbanne) pour la réussite dans ce qu’ils entreprennent et dans l’éducation des enfants.

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